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un fait accompli. On crut Dubois d'autant plus volontiers qu'il avait donné des gages, à l'égard des articles de 1682, en faisant supprimer une decision de la Faculté de théologie contre l'infaillibilité du pape 1.

Clément XI ferma donc les yeux. Le roi publia de nouvelles lettres-patentes par lesquelles il fut défendu d'attaquer la constitution Unigenitus, l'Instruction dressée par les quarante évêques de l'assemblée de 1713, et les dernières explications qui étaient la base de l'accommodement. Comme le Parlement avait voulu faire opposition à plusieurs mesures prises par le régent et par Dubois, on l'avait exilé à Pontoise. On lui présenta les lettres-patentes, qu'il refusa d'abord d'enregistrer. Le grand-conseil y suppléa, puis le Parlement se rendit, afin de mériter la fin de son exil.

Plusieurs évêques et un grand nombre d'appelants se prononcèrent contre l'accommodement. Armé des lettres-patentes, le gouvernement entra dans la voie des arrêts et des lettres de cachet, comme sous le règne du P. Tellier.

Alors mourut Clément XI. C'était un homme vertueux, qui eût fait le bien de l'Église s'il n'eût pas été despotiquement gouverné par Fabroni. Le cardinal Conti fut élu pape sous le nom d'Innocent XIII.

1 La Faculté avait déclaré avec raison que l'opinion de l'infaillibilité du pape était erronée.

IV.

Innocent XIII pape. Lettres de cachet. censurée à Rome.

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Oppositions à l'accommodement.

Lettre des sept évêques opposants au pape. Cette lettre Brefs du pape contre les sept évèques. — Leur lettre condamnée par un arrét du conseil, Ils se justifient. - Réapparition du formulaire. Mort du régent. Fleury à la tête des affaires ecclésiastiques. Benoît XIII succède à Innocent XIlI.- Caractère général de Les douze articles.

Son caractère.

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Cabale des Jésuites. État de l'Église en France.
Colbert de Montpellier.

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Ses ouvrages.

Les

ce pontificat. Ses brefs au cardinal de Noailles. Concile de Rome. quatre évêques persécutés. Testament spirituel de Soanen, évêque de Senez. Concile d'Embrun, où l'évêque ne Senez est jugé. Les juges et l'accusé. La sentence. Consultation de cinquante avocats de Paris contre la sentence d'Embrun. Conduite du cardinal de Noailles en cette circons

Suites de cet acte.
tance. Ses contradictions.
cardinal de Noailles.

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Mort de l'abbé Dorsanne.
On lui envoie de Rome le jubilé.
Mort de Noailles. Vintimille lui succède.
Oppositions. Ordonnance.
Mort de Benoît XIII.

actes touchant la constitution.

et lettres de cachet.

1720-1730.

INNOCENT XIII monta sur le Saint-Siége en des circonstances délicates et difficiles. L'accommodement était signé il est vrai, mais il ne plaisait pas plus à la cour de Rome qu'aux appelants. On dit que Clément XI était sur le point de le rompre lorsqu'il mourut. Il est certain que le point de la difficulté n'avait pas été résolu. Clément XI avait toujours demandé une acceptation pure et simple, et quoiqu'il eût consenti, dans ces derniers temps, à ce que cette acceptation fût accompagnée d'explications sur le sens de la bulle, il pensait que son honneur voulait que l'acceptation ne fût pas absolument relative à ces explications. Le régent et Dubois avaient cherché à dissimuler le point précis qui était en litige, et le pape et Noailles avaient semblé céder de leurs vues particulières sans qu'il en fût rien en réalité. On conçoit donc que l'accommodement n'ait en rien remédié aux divisions qui existaient auparavant. Innocent XIII voulut cependant considérer l'accommodement comme sérieux, et il se flatta de l'espoir d'amener le cardinal de Noailles à ne rien faire qui pût le tirer de l'illusion qu'il voulait conserver à cet égard. Il acquitta envers Dubois la dette de son prédécesseur, et la liste des cardinaux scandaleux fut augmentée d'un nom devant lequel s'éclipsèrent ceux des La Trémoille et des Mailly. Ce

dernier, qui avait passé d'Arles à Reims, était, depuis peu, décoré de la pourpre romaine. Mais cette pourpre ne put que dissimuler la lèpre honteuse dont il était dévoré. On doit croire que la cour de Rome ignora les orgies de cet homme, qui étaient publiques dans son ancien archevêché d'Arles, aussi bien que celles de Dubois; autrement, il faudrait dire qu'elle aurait considéré le fanatisme constitutionnaire comme un moyen de pallier à ses yeux des infamies révoltantes, que la pudeur nous défend de révéler.

La bulle Unigenitus1 quoique reçue officiellement dans le diocèse de Paris, ne fut point lue au prône des messes paroissiales; elle ne fut notifiée aux fidèles que par des placards affichés au coin des rues. A peine cette publication eût-elle eu lieu, que la plupart des curés de Paris et du diocèse s'élevèrent contre la bulle par des remontrances qui furent adoptées dans chaque doyenné, et adressées à l'archevêque, qui se vit accablé de lettres, de plaintes, de députations. Cependant, huit des évêques appelants, des ecclésiastiques et des religieux en grand nombre, las du scandale qui résultait des débats sur la bulle, imitèrent le cardinal par amour pour la paix. Les autres persévérèrent dans leur appel au concile, disant que le seul tribunal compétent pour juger la question était l'Église elle-même, et que cette question resterait en suspens tant qu'elle n'aurait pas prononcé. On leur objectait le consentement tacite des autres Églises; mais ils répondaient que ce consentement n'était pas une acceptation suffisante, parce que, dans les circonstances où l'on se trouvait, la voix de l'Église n'était pas libre; qu'elle était, d'un côté, enchaînée sous le despotisme du pouvoir temporel, et, de l'autre, par les préjugés ultramontains; que les évêques des divers pays qui avaient adhéré à la constitution ne l'avaient fait qu'en abdiquant formellement leur qualité de juges de la foi; qu'ils n'avaient point jugé avec le pape, et que les traditions de leurs Églises étaient sacrifiées à leurs préjugés ultramontains.

Les quatre évêques opposants et les théologiens qui combattaient sous leurs ordres exposèrent ces raisons, qui les empêchaient d'adhérer à l'accommodement et les faisaient persévérer dans leur appel. Les quatre évêques publièrent, à cet effet, un acte commun et une protestation, qui fut supprimée par un arrêt du conseil. On n'en fit pas moins circuler un acte de renouvellement d'appel, qui

1 Journal de l'abbé Dorsanne, ann. 1720.

fut bientôt signé par trois cents ecclésiastiques réguliers ou séculiers de Paris, et qui obtint de nombreuses adhésions dans les provinces. Ces signatures étaient d'autant plus courageuses, que le régent et Dubois regardaient comme des rebelles ceux qui n'adhéraient pas à l'accommodement. Les lettres de cachet furent prodiguées, et l'on vit de toutes parts les réappelants fugitifs, emprisonnés, privés de leurs bénéfices, persécutés à outrance.

Le nouveau conseil de couscience dirigeait toutes les opérations. Il était composé des cardinaux Dubois, Rohan, Bissy, et de Fleury, ancien évêque de Fréjus, qui aspirait à la pourpre, dont il n'était vraiment pas plus indigne que ceux qu'il en voyait décorés. Le nouveau conseil de conscience fut une inquisition digne de celles d'Espagne et de Rome 1. L'inculpé y était condamné avant d'avoir su qu'il était accusé. Non-seulement les réappelants éprouvaient les rigueurs du nouveau tribunal, mais ceux même qui ne montraient pas pour la bulle un zèle assez vif. La loi des suspects y fut en honneur, et il suffisait d'être suspect pour être coudamné. Chaque jour, de nouveaux arrêts du conseil ôtaient à la justice régulière du Parlement les affaires qui regardaient plus ou moins directement la bulle. Comme un comité de salut public, le conseil de conscience était en permanence et jugeait avec une célérité étonnante. Les évêques zélés pour la constitution étaient les correspondants naturels du comité, dans les autres diocèses, il se rencontrait des dénonciateurs; et les évêques se voyaient enlever chaque jour des curés, des vicaires touchant lesquels ils n'avaient même pas été consultés.

La Faculté de théologie eut sa large part de lettres de cachet. Ceux qui en avaient été éloignés y rentrèrent; les autres en furent chassés; Jullain, curé de Saint-Hilaire, son syndic, fut exilé et remplacé par Romigni, dont la délicatesse n'était pas à l'abri du soupçon.

Malgré la terreur imprimée partout, sept évêques osèrent écrire au nouveau pape contre la constitution : c'étaient l'ancien évêque

Nous avons rapporté ailleurs ce que le duc de Saint-Simon, dans ses Mémoires, a dit de cette persécution. Nous ne pourrions faire la simple nomenclature des innombrables écrits qu'enfanta la persécution du régent et de son conseil de conscience. Ce ne sont que des plaintes qui retentissent de tous les coins de la France. On ne peut jeter les yeux sur ces écrits sans être ému de compassion.

de Tournai et les évêques de Pamiers, de Senez, de Montpellier, de Boulogne, d'Auxerre et de Mâcon '.

« La bulle, disent ces évêques, est un corps entier d'une nouvelle doctrine qui attaque toutes les parties de la religion, et qui se répand tous les jours de plus en plus dans toutes les nations du monde chrétien. Les opinions nouvelles sur la Grèce, et les maximes corrompues sur la morale qui en sont les productions, opinions condamnées par les congrégations de Auxiliis, et dont les papes ont promis plusieurs fois de publier la condamnation, se sont accrues et fortifiées par cette impunité et par ce délai; et c'est ce système qu'on veut faire régner aujourd'hui sur les débris de la doctrine et de la morale de nos pères. Le livre du cardinal Sfondrate et celui du P. Francolin, Jésuite, sont devenus comme le sigual de l'exécution de ce projet. Ils n'ont reçu aucune flétrissure, quoique remplis des plus intolérables erreurs; et le premier, malgré la dénonciation de cinq évêques de France, est demeuré à couvert sous la protection du feu pape, dont l'union étroite avec le cardinal Sfondrate n'est que trop connue de toute la terre.

» On a été alarmé de cette protection; mais combien l'a-t-on été davantage en voyant une censure, si justement demandée par ces c'est-àévêques, retomber sur ceux même qui la demandaient 2, dire sur le livre des Réflexions morales, approuvé et défendu par les principaux de ces prélats? Quelle consternation, très saint Père, à la vue de ce décret! Jamais le cri de la foi n'a été plus éclatant et plus soutenu. Quelles agitations et quels mouvements parmi les évêques! Quelle affliction parmi les théologiens les plus distingués par leur érudition et leur piété! Quel soulèvement dans le peuple, et, ce qui est encore plus triste, quel triomphe pour les Protes

tants! >>

Les sept évêques font ensuite remarquer au pape que les Jésuites,

1 Lettre des sept évêques au pape Innocent XIII; Journal de l'abbé Dorsanne, ann. 1721.

* C'est-à-dire principalement sur Bossuet et sur Novilles, qui avaient signé, avec trois autres évêques, la lettre au pape contre le cardinal Sfondrate, et qui avaient approuvé le livre du P. Quesnel. Nous avons remarqué ailleurs que Clément XI avait calqué son premier bref contre le P. Quesnel sur la lettre des cinq évêques contre le cardinal Sfondrate. Cette conduite était significative. Faut-il s'étonner, après cela, que Noailles ait demandé au pape des explications qui donnassent à sa bulle une signification dont les semi-Pélagiens ou Molinistes ne pussent abuser?

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