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ses de faire sortir de leur domicile un enfant majeur, sans toutefois contracter l'obligation de lui fournir des alimens.

Il serait encore plus injuste de les contraindre à le nourrir et entretenir par le paiement d'une pension, lorsqu'ils offrent de le recevoir dans leur demeure, et de l'alimenter, sous la condition qu'il ne s'écartera pas du sentier de l'honneur, et qu'il observera l'ordre que la décence et les bonnes mœurs commandent dans la maison des pères de famille.

Voilà néanmoins le principe adopté par le tribunal de première instance; il n'écoute ni les offres du père, ni ses exceptions: il admet une preuve vague en contravention au texte de l'ordonnance de 1667, et prononce à l'avance, que le père doit des alimens, et que ces alimens sont provisoirement de 45 francs par mois.

Ce jugement porte une atteinte trop funeste aux principes établis sur la matière, pour qu'il puisse trouver grâce aux yeux de la Cour : elle s'empressera donc de le réformer, en rendant un hommage éclatant à la justice que les lois présument toujours dans les dispo sitions d'un père envers ses enfans, tant qu'il n'est pas prouvé qu'il n'est plus digne de l'autorité attachée à ce titre respectable.

De quoi se plaignait l'appelant, répondait l'intimée?

De ce que le premier juge m'a procuré des moyens d'existence pendant la durée du procès; mais sa décision est une conséquence nécessaire de l'appointement preuve.

à

En m'admettant à la vérification des faits, devait-il

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me laisser sans alimens, m'exposer à périr, ou mettre l'honneur aux prises avec le besoin?

Les faits exposés sont graves; s'ils ne sont point articulés dans l'interlocutoire, ils le sont dans ma plainte.

Il én résulte que ma rentrée dans la maison paternelle serait suivie du plus grand danger: c'est sous ce point de vue que le tribunal a envisagé ma situation : une série de circonstances la faisait facilement appercevoir; la conduite menaçante, et, puisqu'il faut le dire, les emportemens de mon père, en présence de ses juges, leur avaient déjà rendu palpable le danger de mon retour sous des lois qui n'avaient plus l'empreinte d'un cœur paternel.

Le premier juge n'a donc fait que préjuger que si les motifs de ma demande étaient conformes à la vé-rité, ils étaient assez graves pour légitimer mon' recours aux tribunaux, et obtenir un asile séparé de celui de mes parens, jusqu'à ce que le temps eût calmé l'effervescence du ressentiment dont je suis opprimée, et que je pusse moi-même rendre efficaces des témoignages de respect et de soumission actuellement inutiles.

Or, cet interlocutoire est-il appelable? L'article... de la loi du 3 brumaire an II porte textuellement, que l'appel n'en sera ouvert qu'après le jugement définitif.

Le code civil n'introduit aucun changement sur la procédure.

Ce sera seulement après les preuves qu'il s'agira de le consulter sur les droits des parties.

Mais si la provision qui m'est accordée n'est que la conséquence de l'interlocutoire, comment cet acte de sagesse et de prudence du premier juge serait-il sujet à l'appel, lorsque le principe dont il découle n'y est pas soumis ?

D'ailleurs, les jugemens rendus en matière d'alimens, sont exécutables par provision, et nonobstant l'appel ce serait donc une voie illusoire, lorsque de sort de la cause dépend d'une vérification de faits ordonnée.

On m'observe que je suis majeure, qu'il est possible qu'on ne me doive point d'alimens, ou qu'en tout cas, ils soient moindres que ce qui m'est adjugé.

Cette objection est prématurée : elle rentre dans l'examen du fonds jusqu'ici c'est une subsistance provisoire, que le juge m'accorde ses motifs sont puisés dans le droit naturel; et, quant à la quotité, elle est très-modérée eu égard à l'aisance ostensible dans laquelle vivent mes parens.

Je n'ai point d'état; mon éducation n'est point mon ouvrage, et un père n'est déchargé de l'obligation de nourrir et entretenir ses enfans que lorsqu'il leur a donné des moyens d'exister par eux-mêmes.

Ainsi, disait l'intimée, la décision du premier juge est pleinement justifiée, et, par sa nature, elle n'est point, quant à présent, soumise à l'appel.

M. Malfroid, substitut du procureur général impérial, a été d'avis, que le jugement rendu en preTome II, N.o 3,

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mière instance, était susceptible d'appel, sous le rapport de la provision alimentaire.

Il a vu de la précipitation dans la partie de ce jugement, qui accordait et fixait tout-à-la-fois une somme de 45 francs par mois à la charge du père.

Il a donc estimé qu'il y avait lieu d'infirmer, et, en évoquant, d'ordonner que l'intimée serait tenue d'articuler les faits sur lesquels reposait sa demande, vu qu'ils n'étaient point précisés dans l'interlocutoire, comme le prescrit l'article 1, titre 22, de l'ordonnance de 1667, sauf à être ensuite statué ce que de droit.

Cependant il n'a pu se dégager de certaines inquiétudes sur le sort de l'intimée pendant le procès, et il lui a paru que l'on devait maintenir la provision jusqu'à concurrence de trente francs par mois, somme à laquelle il a cru pouvoir l'arbitrer, d'après l'explication donnée respectivement par les parties. ARRÊT.

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« Le jugement qui admet la preuve est-il rendu « dans les formes prescrites par la loi de la procé<< dure?

<< Attendu qu'aux termes de l'article 211 du code «< civil, le tribunal prononcera, si le père ou la mère << qui offrira de recevoir et entretenir dans sa demeure «<l'enfant auquel il devra des alimens, devra, dans «< ce cas, être dispensé de payer la pension alimen<< taire;

« Attendu que, dans la supposition que l'intimée « fût dans le cas d'obtenir une pension alimentaire, « le tribunal de première instance n'aurait pu l'accor« der qu'en connaissance de cause;

« Attendu qu'en accordant une provision alimentai. « re, il a prématurément jugé que l'intimée était fon« dée à exiger des alimens de son père;

« Attendu que les faits sur lesquels l'intimée en<< tend motiver sa demande, ne sont pas articulés << dans le jugement où le premier juge s'est borné « à appointer vaguement le fait du danger où la« dite intimée était de vivre dans la maison pater<«< nelle, en quoi il a contrevenu à l'article 1, ti« tre 22, de l'ordonnance de 1667, au vœu duquel « le jugement qui ordonne une preuve, doit conte«nir les faits des parties;

« La Cour reçoit l'appel, met l'appellation, et ce « dont est appel, au néant; émendant, et faisant ce « que le premier juge aurait dû faire, ordonne, avant << faire droit, que la partie d'Honorez articulera, séance tenante, les faits qui ont occasionné sa retraite de << la maison paternelle, et ceux qui donnent lieu au danger d'y rentrer. »

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Prononcé le 21 nivôse an XIII. Troisième section.

MM. Girardin, pour l'appelant; Darras, pour l'intimée.

Nota. L'avoué de l'intimée ayant obtenu un délai pour satisfaire à l'arrêt, cette cause n'a plus eu de suite, du moins jusqu'à présent.

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