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le testament de celui que son état physique met dans l'impuissance de signer, mériterait-il moins de croyance, pourvu que la cause existe réellement, et qu'elle soit exprimée.

L'article 973 du code civil ne requiert que ce qui est littéralement consigné dans le testament du sieur Meulenberg, la déclaration du testateur qu'il ne peut signer, et la cause de l'empêchement.

Avant d'aborder de plus près les deux derniers points de la contestation, le magistrat du parquet a fait précéder l'examen par des idées générales sur les

testamens.

Il a dit, que le pouvoir de tester était une émapation du droit civil; qu'il n'existait qu'en vertu d'une loi positive, et que, dans son résultat, il ne prenait de consistance, qu'autant que le citoyen qui exerce ce pouvoir, se conforme au vœu de la loi dont il le tient.

Que la faculté de tester n'a pas été envisagée sous les mêmes points de vue chez toutes les nations; que les Romains étaient jaloux à l'excès de rester arbitres de leur fortune, jusqu'au-delà du tombeau, mais qu'elle a été moins favorablement traitée dans nos mœurs, où la loi seule fait les héritiers, où presque toutes les coutumes lui avaient prescrit des li mites assez étroites, et manifesté une tendance gé nérale à préférer l'ordre des successions légitimes.

Par-tout, a-t-il dit, elle a été assujettie à certaines formes.

Plus la législation donne de latitude à l'exercice du

droit de faire des libéralités à cause de mort, plus elle doit s'occuper des moyens qui doivent assurer preuve de la volonté des testateurs.

la

Qui ne sait ce que peut, ce que fait si souvent la convoitise, au préjudice des droits de la nature?

Les Romains ne déléguaient cette sorte de législation domestique que sous des conditions irritantes.

Le code civil a étendu le systême des libéralités; mais c'est par cette raison-là même qu'il se trouve environné de toutes les formes propres à le garantir du faux et de la suggestion.

par

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Sont-elles vaines, les diverses formalités prescrites la loi qui gouverne aujourd'hui l'empire français?

Il n'en est pas une dont l'utilité, la nécessité même ne puisse être démontrée.

Ont-elles été observées dans l'espèce? C'est ce que M. Tarte a discuté à l'égard du ministère public.

On prévoit, d'après les observations générales qui précèdent, que son opinion a dû être sévère,

En effet, il a été d'avis que le testament de Meulenberg était défectueux, tant parce qu'il ne conte. nait pas la mention qu'il avait été dicté au notaire, que parce qu'il n'offrait aucune preuve que la lecture eût été faite au testateur en présence des témoins, et que d'ailleurs la mention expresse du fait ne s'y trouvait pas.

En discutant le premier point, M. Tarte a vu idenTome II, N.° 5.

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tité de dispositions dans les deux premières parties de l'article 972 du code civil, à part l'hypothèse de la présence de deux, ou d'un seul notaire.

Dans le cas de la présence de deux notaires, il leur est dicté; s'il n'y a qu'un notaire, il doit également être dicté.

Il ne serait pas également dicté, c'est-à-dire, de la même manière que la première partie de l'article le prescrit, si ce n'est pas au notaire qu'il est dicté.

Or, oserait-on soutenir, dans l'espèce de la présence de deux notaires, que l'on a observé l'article 972, si l'acte ne dit pas que le testament leur a été dicté?

Si le testament est nul dans ce cas, il ne vaut pas mieux dans l'autre ; car il y a parité d'obligation : l'adverbe également comporte le pronom lui, pour le notaire qui instrumente seul; c'est la division naturelle du pluriel au singulier.

L'acte dont s'agit énonce que le testateur a dicté; mais ce n'est pas assez, la loi demande plus, elle veut que ce soit au notaire que le testateur dicte; elle veut, en outre, qu'il en soit fait mention expresse, à peine de nullité.

On dit à peine de nullité, parce que l'article 1001 du code civil la prononcé à l'égard de tous les testamens non revêtus des formes qu'il prescrit.

Inutilement observe-t-on que le testament, tel qu'il est conçu, ne peut présenter d'autre idée que celle de la conformité à la loi; qu'il y a une corrélation.

si naturelle entre les deux choses, qu'étant dit d'une part que le testateur a dicté, et de l'autre, que le notaire a écrit, il faut, pour ainsi dire, s'abymer danş les abstractions, pour concevoir la possibilité de lạ dictée à un autre qu'au notaire.

C'est là un des mille raisonnemens qu'on ne manquera pas de faire, toutes les fois qu'il s'agira de formes testamentaires.

On voudra toujours les suppléer par des argumentations; mais autant vaudrait-il n'en point créer, que de les rendre arbitraires; car du moment qu'elles cessent d'être asservies à des règles inflexibles, elles ne sont plus rien, que des mots sans objet.

C'est faire outrage à la loi, que de lui prêter un sens si peu digne des puissans motifs qui ont déterminé les formes qu'elle a établies au sujet des tes tamens non-seulement elle en ordonne l'exécution > mais encore elle requiert la mention, expresse qu'el les ont été suivies; et puisque le testament du sieur Meulenberg ne prouve pas qu'il ait été dicté au notaire, que cette circonstance n'est pas expressément mentionnée, il est déjà nul de ce chef. T

Supposé qu'il supporte cette épreuve, résistera-til à la dernière attaque des appelans?

Il n'a pas été lu au testateur en présence des témoins.

Ici, il y a défaut de preuve du fait, défaut de mention expresse; ainsi, double nullité.

Il est vrai que la lecture du testament a été faite ; du moins le notaire l'atteste; il est encore vrai qu'en

V

combinant toutes les dispositions de l'acte, on est tenté de croire que la lecture a été donnée au testateur en présence des témoins; mais pour arriver à ce résultat, il faut rassembler des idées, les comparer,` et du tout, se faire un sujet de probabilité : est-ce donc ainsi qu'on observe des formes dont doit dépendre le sort d'un testament?

་་

Sans vouloir établir en principe que les mots dont se sert le code civil sont sacramentels, M. Tarte a soutenu que ces mots devaient au moins être rendus par équivalent; qu'il serait même désirable, pour conserver la loi dans toute sa pureté originelle, que tous les notaires n'eussent que le langage uniforme de la loi.

Il a dit que, comme la preuve de la volonté du testateur était attachée à l'observation des formes, qu'elle devait se compléter par l'acte, et ne rien emprunter au dehors, cette volonté manquait de garantie, toutes les fois qu'elle ne reposait pas sur l'assertion légale de la stricte observance des formalités voulues;

Que le testateur, n'ayant reçu de la loi la liberté de disposer de ses biens pour un temps où il n'existera plus, qu'à la condition de renfermer sa volonté dans le cadre dont la forme est dessinée, sa succession rentre dans le domaine de la règle générale, quand il n'est pas justifié par l'acte même qu'il a exécuté ponctuellement la condition;

Que, sous le régime de l'ordonnance de 1735, quelques cours souveraines se soient permis d'être les interprètes de la loi, c'est l'exemple d'un abus d'autorité, et non un modèle pour les tribunaux qui ne doivent connaître et respecter que la loi.

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