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DÉCISIONS NOTABLES

DE

LA COUR D'APPEL

DE BRUXELLES,

Avec les Arrêts les plus remarquables des Cours de Liége et de Trèves.

HYPOTHÈQUE.

Inscription d'office.

L'INSCRIPTION d'office conserve-t-elle sur l'immeuble vendu le rang des créances hypothécaires indiquées dans l'acte de vente?

PHILIPPE BRICHAUX était propriétaire d'une maison et de quelques héritages, situés à Braine-le-Comte.

Ces immeubles étaient hypothécairement grevés de trois rentes constituées, au capital de 4412 florins, en faveur de Joseph Parmentier, et de Martin Galopin.

Ils furent vendus, le 27 ventôse an VII, à Remi Denis, moyennant 1587 florins 10 sols, payés comp

Eant.

Tome III, N.° 4.

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Brichaux, vendeur, déclare dans l'acte de vente, que les mêmes immeubles sont chargés de rentes dues à Parmentier et à Galopin.

Lors de la transcription, que Denis fit faire de son contrat d'acquisition, le conservateur des hypothèques prit inscription d'office pour les créanciers indiqués.

Le 6 germinal an VIII, Denis, acquéreur, se reconnut débiteur d'une somme de 3530 florins, au profit de Maxime-Gabriël Guenelle, et de son épouse.

Le 16 du même mois, inscription à la requête de Guenelle, au bureau de la conservation des hypothèques.

Le 22 prairial an XI, vente par voie d'expropriation forcée sur Denis, de la maison et héritages dont s'agit, à un prix de beaucoup insuffisant pour acquitter tous les créanciers.

Qui devait supporter le déficit?

Galopin, seul créancier contradicteur, invoquait la priorité, en vertu de l'inscription que le conservateur des hypothèques avait prise d'office pour lui, le floréal an Võ.

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Il se plaçait dans le cas de l'article 29 de la loi du 11 brumaire an VII, titre

du mode de consoli

der et purger les expropriations volontaires.

Cet article s'exprime ainsi :

« Lorsque le titre de mutation constate qu'il est

«

« dû au précédent propriétaire, ou à ses ayant-cause, « soit la totalité ou partie du prix, soit des prestations qui en tiennent lieu, la transcription conserve à «< ceux-ci le droit de préférence sur les biens aliénés, à « l'effet de quoi le conservateur des hypothèques fait « inscription sur les registres des créances non en<<< core inscrites qui en résulteraient, sans préjudice « néanmoins du privilége accordé par l'article 12. » Guenelle disconvenait de la justesse de l'application.

Le tribunal de Mons décida en effet, que l'inscription d'office était sans effet pour Galopiu, et que, faute par lui d'avoir veillé à ses intérêts, en faisant lui-même inscrire sa créance antérieurement à celle de Guenelle, celui-ci avait droit de le primer.

Appel.

Le premier juge, disait Galopin, a mal saisi le sens de l'article 29 de la loi du 11 brumaire an VII : cet article parle clairement en ma faveur, et l'inscrip tion faite d'office me tenait lieu de toute autre dili. gence, pour conserver mon hypothèque.

La loi ne veille pas seulement à l'intérêt du précédent propriétaire, mais encore à celui de ses ayant

cause.

Or, les créanciers du vendeur sont ses ayant-cause: ils sont fondés à exercer ses droits : c'est principalement pour eux que la loi a prescrit l'inscription

d'office.

Il n'est pas nécessaire que l'acte de vente contienne une délégation acceptée : il suffit que le dû soit constaté par la simple déclaration du vendeur.

Lorsque le titre de mutation constate, est-il dit; qu'il est dû au précédent propriétaire ou à ses ayant

cause, etc.

Dans le contrat du 27 ventôse an VII, Brichaux a formellement reconnu les créances de Galopin: il a été entendu que les immeubles en demeuraient grevés: ils ont donc passé à l'acquéreur avec la charge qui a fait partie du prix, et qui doit avoir le même privilége, , que ce qui resterait dû au vendeur lui-même.

Car, que le vendeur perçoive par lui-même le prix, ou qu'il oblige l'acquéreur à le payer en d'autres mains, l'objet ne change pas de nature: c'est toujours la valeur représentative de la chose vendue; c'est toujours le prix de la vente.

Il n'est donc pas étonnant que l'article 39 de la loi du 11 brumaire an VII ait attaché le même privilége aux ayant-cause du précédent propriétaire qu'à lui-même les créances contractées dans le contrat sont subrogées au prix de la vente: elles acquièrent même un degré de faveur de plus, puisque la chose n'appartenait au vendeur que, moins les charges dont elle était affectée, et qu'ainsi ses créanciers hypothécaires avaient sur la propriété un droit dont elle ne pouvait être dégagée que par le rachat du gage.

On avait douté, sous le régime de l'édit de 1771, si la délégation valait opposition il y avait dissidence sur cette opinion, et la question, quoique décidée négativement par les articles 7 et 13 de l'édit, était diversement jugée par les cours souveraines.

C'est pour prévenir les doutes qui auraient pu re

naître sur la matière, que l'article 29 de la loi du 11 brumaire an VII a retranché la question, en disant que si le titre de mutation constate qu'il est dû au précédent propriétaire, ou à ses ayant-cause, la transcription conserve à ceux-ci le droit de préférence la loi veille pour eux: elle ne leur impose aucun devoir tout ce qu'elle exige, c'est que son agent inscrive les créances relatées dans la vente : cette forme a été remplie.

Galopin est-il vendeur ou créancier?

Il n'est pas vendeur, répondait Guenelle : les faits résistent à ce qu'il prenne cette qualité : il est créancier. Examinons quelle est la nature de sa créance.

Elle était pleinement hypothécaire sous l'ancienne législation.

Pour conserver son rang et ses droits, elle a été soumise à l'inscription hypothécaire dans les trois mois qui ont suivi la publication de la loi du 11 brumaire an VII. Art. 36, titre 3.

Ce délai passé, l'inscription ne lui donnait plus d'effet, que du jour qu'elle aurait été requise. Art. 39 de la même loi.

Sans inscription, elle a cessé d'être comptée au rang des hypothèques, du moins à l'égard des tiers

intéressés.

Telle est la position de l'appelant : il n'avait requis aucune inscription, lorsque je pris la mienne, le 16 germinal an VIII.

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