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La prescription est aussi une peine de la négligence le créancier qui l'encourt empêche-t-il par ses poursuites l'exception du droit acquis par son silence pendant le temps requis?

La raison est ici la même : l'usage local peut seul avoir altéré le principe; mais l'usage du palais de Paris n'est pas plus loi pour nous que celui de Flandre (*), qui a rejeté deux fois des modifications que l'on empruntait d'une jurisprudence étrangère.

Si l'article 15 de l'ordonnance de 1563 était inexécutable par lui-même, il faudrait bien y suppléer par la raison; mais il a été exécuté indépendamment de toute adjonction; et c'est contre la raison de la loi même que l'usage a innové. Non est tanta consuetudis authoritas, ut rationem vincat aut legem. Loi 32 ff., de legib.

L'usage est insuffisant pour triompher de la loi, tant qu'elle n'est pas devenue inutile, et qu'elle ne cesse pas d'être exécutable : c'est un principe qui ne serait pas improposable au sujet de la péremption, même dans l'ancien ressort du parlement de Paris: on ose même croire qu'un arrêt rendu dans ce sens n'y serait pas cassé. Sur quel fondement opposeraiton l'autorité de cet usage purement local à une loi qui vient d'être appliquée aux départemens réunis ? Ce serait substituer l'arbitraire à une disposition législative, créer une distinction qu'elle ne comporte pas, qui n'est pas dans son texte et qui son texte et qui en tue l'esprit. Où s'arrêterait-on avec un semblable systême ?

(*) Voyez l'arrêt de la première section, rapporté page 76, n.o 2, deuxième volume de l'an XIII de ce recueil.

Tome III, N.° 5.

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ARRÊT TEXTU EL.

« Attendu qu'il n'y a plus de négligence à impu <«<ter à la partie qui, par ses poursuites, prévient «< ses adversaires, avant qu'ils se soient plaint de ce « que l'instance n'a pas été continuée ;

« Que la raison qui a fait juger qu'il n'y avait plus << lieu à l'exception, lorsque l'instance était remise «en activité avant la demande en péremption, ne « milite pas moins dans les départemens réunis, que « dans les anciens tribunaux de l'empire français, « l'article 15 de l'ordonnance dite de Roussillon ne «< contenant aucune disposition contraire;

« La Cour, de l'avis de M.r Malfroid, substitut « du procureur général, met l'appellation, et ce dont << est appel, au néant; émendant, déboute les inti« més de leur exception, tendante à faire déclarer l'ins«< tance périmée; évoquant, ordonne aux parties de «< contester au fond, etc. »

Du 23 thermidor an XIII. Troisième section,
MM. Raoux, Nanteuil et J. Tarte.

FAITS et articles pertinens.

Le juge peut-il refuser au débiteur la faculté de faire entendre l'épouse de son créancier sur fails et articles pertinens, lorsqu'il allègue des paiemens faits à la femme, ou à son vu et su, et que la créance concerne la communauté?

CE qui constituait le point de la difficulté, est que l'article 1, titre 10, de l'ordonnance de 1667, ne

permet qu'aux parties de se faire interroger, et que la femme du créancier n'était pas en cause.

Cet article s'exprime ainsi :

« Permettons aux parties de se faire interroger en << tout état de cause sur faits et articles pertinens << concernant seulement la matière dont est question << par-devant le juge où le différend est pendant, et << en cas d'absence de la partie, par-devant le juge «< qui sera par lui commis, le tout sans retardation « de l'instruction et jugement. »

PIERRE-FRANÇOIS HUYGHE répétait à Philippe-Joseph Demontier une certaine somme, qu'il prétendait lui être due par arrêté de compte, pour denrées fournies et argent prêté.

Le débiteur alléguait des paiemens faits à compte de la créance, entre les mains de la femme du demandeur, et à ce dernier lui-même, en présence de son épouse. Le mari les désavouait.

Demontier n'avait d'autre moyen de prouver son allégation, qu'en faisant entendre la femme de son créancier sur faits et articles pertinens. Le tribunal de Mons jugea, le 9 germinal an XI, que la femme ne serait point interrogée; libre à Demontier de faire entendre le mari.

Le tribunal de première instance s'était fondé sur ce que la femme de Huyghe n'était point partie en cause, et sur ce que d'ailleurs ses aveux ou réponses ne pouvaient nuire au mari, maître et chef de la communauté.

Ce jugement fut réformé à la Cour d'Appel.

Le premier juge avait été trop circonspect.

L'ordonnance, sous la qualité des parties, ne parle en effet que des personnes entre lesquelles la contestation est liée; mais il s'agissait d'une créance qui était composée d'objets dont la livraison était particulièrement du fait de la femme, et c'était à elle que le débiteur alléguait avoir payé des à-comptes.

La dette était, par sa nature, non-seulement une dépendance de la communauté, mais le produit d'un commerce auquel la fer.me avait plus de part que son mari.

La question de savoir jusqu'où ses aveux et ses réponses auraient pu influer sur la demande, était prématurée la résistance de Huyghe annonçait la crainte de la lumière : c'eût été au juge à peser le mérite des réponses de la femme, et à démêler la vérité à travers les faits contestés.

D'ailleurs, dans les affaires qui intéressent la communauté, la femme n'est-elle pas en cause par son mari? La qualité de chef ou de régisseur du mari n'ôte pas les droits de la femme elle n'en reste pas : moins co-propriétaire : ce n'est que parce que l'utilité commune n'exige qu'un chef, et que la raison veut que le choix tombe sur l'époux, que celui-ci agit seul; mais il est censé agir pour lui et son associé.

Aussi la jurisprudence s'est-elle fixée sur ce point: l'article 1, titre 10, de l'ordonnance de 1667, n'a pas été considéré comme un obstacle à l'interrogatoire de a femme, sur des objets concernant la communauté.

ly ghe repoussait toutes ces objections par le texte de l'ordonnance.

Il répondait, que l'opinion de quelques auteurs n'était d'aucun poids dans un pays où la loi n'avait pu recevoir aucune interprétation par la jurisprudence.

Il ajoutait, que si la femme avait le pouvoir de contredire son mari, il n'y aurait plus qu'anarchie dans les droits et dans l'administration de la communauté.

<< Attendu que, suivant la jurisprudence, la femme « est tenue de répondre sur faits et articles perti<< nens dans toutes les affaires concernant la com<< munauté;

« La Cour réforme, et permet à Demontier de faire << interroger l'épouse de l'intimé sur faits et articles « pertinens, etc. »

Du 4 prairial an XII. Deuxième section.

MM. Truffart et Faider.

SUR LES EXPERTISES.

Ce n'est pas assez d'admettre ou de charger une partie de prouver certains faits; il faut nécessairement déterminer le genre de preuve, sans quoi il ne peut

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avoir que désordre et confusion dans la procédure : On produira des experts, lorsqu'on ne voudra que des témoins, et des témoins, quand la matière exigera des experts: c'est ce qui est arrivé plus d'une

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