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HYPOTHÉCAIRE,

OU

COMMENTAIRE

SUR LE TITRE DU CODE CIVIL RELATIF AUX PRIVILÉGES
ET HYPOTHÈQUES;

PAR J. C. PERSIL,

GARDE-DES-SCEAUX DE FRANCE, ANCIEN PROCUREUR GÉNÉRAL A LA COUR ROYALE DR PARIS,
MEMBRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

CINQUIÈME ÉDITION,

REVUE, CORRIGÉE ET AUGMENTÉE DES FORMULES ET BORDEREAUX
NÉCESSAIRES POUR LES INSCRIPTIONS;

ANNOTÉE POUR LA BELGIQUE

DES LOIS NOUVELLES SUR LA MATIÈRE; DE L'INDICATION DES OPINIONS DES AUTEURS QUI ONT TRAITÉ
LA MATIÈRE; ET DE LA JURISPRUDENCE DES COURS ET TRIBUNAUX DE FRANCE ET DE BELGIQUE.

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LIBRAIRIE DE JURISPRUDENCE DE H. TARLIER,

EDITEUR DES ÉDITIONS BELGES DE MERLIN, DALLOZ, DURANTON, TOULLIER, DUPIN, SIREY, GRENIER, ROGRON,

PAILLIET, POTHIER, LEGRAVEREND, PIGEAU,

LERMINIER, DE LA COLLECTION COMPLÈTE DES LOIS, DU BULLETIN DE CASSATION, ETC.

1834

INTRODUCTION.

L'HYPOTHÈQUE a des rapports trop immédiats avec la propriété et la fortune des citoyens, pour ne pas attirer d'une manière toute particulière l'attention des gouvernemens. Tous les législateurs anciens et modernes lui ont accordé une place dans leurs codes; mais leurs lois n'ont pas toujours été exemptes de cette imperfection qu'on pouvait également imputer, ou aux habitudes des peuples, ou à la rareté de leurs transactions. A Rome, comme dans notre ancienne monarchie, le système de l'hypothèque était simple, mais alarmant. Le débiteur pouvait consentir des hypothèques sur toutes ses propriétés, soit en le déclarant formellement, soit en contractant une obligation notariée, à laquelle la loi attachait, de son propre mouvement, une hypothèque générale. L'existence de cette hypothèque restait toujours inconnue, et le débiteur trouvait encore les moyens d'emprunter, lorsque, par les hypothèques déjà acquises, mais inconnues du nouveau bailleur de fonds, il s'était ôté les moyens de se libérer. Ce vice, dont la mauvaise foi savait si bien tirer parti, avait déjà été signalé par Sully et Colbert, mais inutilement, parce qu'en cherchant à le détruire, on eût ruiné le crédit des courtisans de leur siècle. Au commencement de la révolution on ne pouvait trouver ni les mêmes craintes, ni les mêmes obstacles. On se proposa donc de perfectionner le régime hypothécaire, et l'on n'arriva à ce résultat désastreux, consacré par la loi de messidor an III, qu'en mobilisant les propriétés immobilières, et en les mettant en circulation à l'aide des cédules hypothécaires, on jeta dans le commerce la défiance et le découragement; heureusement que cette loi ne fut pas exécutée, et qu'on ne la regarda que comme le prélude d'une législation plus sagement combinée. En effet, en l'an vii, on discuta de nouveau les bases du système hypothécaire, et après les

méditations les plus profondes, on s'arrêta à cette idée, que l'hypothèque devait être spéciale, et ensuite rendue publique par inscriptions sur des registres ouverts à tout le monde. Cette publicité était en quelque sorte constitutive de l'hypothèque, et, ce qu'il y avait de mieux, c'est qu'elle embrassait les aliénations comme les actes d'emprunts, en telle sorte que d'un coup d'œil sur les registres du conservateur on connaissait la véritable position d'un débiteur, ses biens comme les charges dont ils étaient grevés. Tel était l'état de la législation sur cette matière, lorsque le gouvernement impérial voulut donner à la France une législation uniforme. A cette époque, la publicité eut alternativement ses antagonistes et ses défenseurs; mais, à quelques modifications près, elle triompha du système occulte, et devint, avec la spécialité, le principe fondamental du régime hypothécaire. Cependant on ne peut se dissimuler que cette législation n'ait eu des résultats funestes; le mode d'exécution, d'ailleurs si difficile, a fait naître des procès sans nombre, et la propriété s'est trouvée compromise par les institutions mêmes qui devaient la consolider. Le tableau des désordres attachés à cette législation nous a déterminé à en rechercher les causes, et nous pensons les avoir trouvées dans la fausse interprétation que l'on a donnée pendant long-temps au principe de la publicité. En effet, la jurisprudence a prononcé des nullités pour les omissions les plus indifférentes, elle a favorisé la mauvaise foi et servi à dépouiller de malheureux créanciers qui n'avaient rien fait pour compromettre leurs droits. Suivant nous, il ne peut y avoir nullité d'une inscription que lorsqu'on peut dire qu'elle ne rend pas l'hypothèque publique, et que par là elle a nui ou pu nuire à un tiers. Dans tous les autres cas, il faut proscrire ces exceptions, qui ne tendent qu'à favoriser la mauvaise foi.

C'est en expliquant d'une manière saine les principes que consacre le Code civil, que nous espérons démontrer l'utilité de la nouvelle doctrine. Sans publicité, l'hypothèque est une source de fraude et de supercherie. Avec la publicité, l'hypothèque devient la compagne de la bonne foi, et peut faire renaître la confiance et consolider le crédit public.

Mais pour cela il faut que la jurisprudence ne s'écarte plus des vrais principes, et qu'elle se dirige moins par les termes que par l'esprit de la loi.

Notre intention en publiant une cinquième édition de cet ouvrage,

a été de faire les grandes corrections que l'expérience nous a indiquées. Nous y avons fait des additions considérables, parce que nous avons voulu la rendre aussi complète que possible. Nous avons traité un grand nombre de nouvelles questions, nous avons ajouté des détails sur celles qui ne nous paraissent pas assez éclaircies, et nous nous sommes toujours efforcé de confirmer nos opinions par les autorités les plus respectables et les monumens de la jurisprudence.

Notre marche a été, comme dans les premières éditions, celle du commentaire. Si nous avions écrit uniquement pour les jeunes gens, si nous n'avions voulu donner que de simples élémens, nous n'aurions pas balancé à adopter les formes didactiques d'un traité. Mais nous avons conçu l'espoir d'être utile aux jeunes avocats qui débutent dans la carrière judiciaire, et quelquefois aux anciens jurisconsultes, que de nombreuses occupations ont empêchés de suivre une jurisprudence qui n'a que trop varié. Or, notre propre expérience nous a convaincu que l'on perd moins de temps, et que les recherches sont plus faciles dans un commentaire que dans un traité. Dans celui-ci, l'on n'a d'autre moyen de s'y reconnaître que d'aller à la table des matières ; et si, ce qui n'arrive que trop souvent, cette table est imparfaite, il est impossible, à moins de lire tout l'ouvrage, de tirer quelque fruit de ses recherches. Dans le commentaire, au contraire, la question se présente sur l'article du code qui y donne lieu, et en ouvrant le volume, l'on est toujours certain de rencontrer ce que l'on cherche.

Après l'explication de chaque article de la loi, et le développement des principes généraux, nous avons présenté les questions que le texte indiquait ; nous sommes passé ensuite à celles que la jurisprudence avait signalées, et si, dans les premières éditions, nous nous étions trompé, nous avons eu soin d'y revenir, et d'avouer franchement notre erreur.

Sous chaque article et comme complément de la doctrine qui y est développée, nous avons réuni tous les arrêts des cours et tribunaux de de France et de Belgique, auxquels son application a donné lieu.

Quelquefois nous avons cru devoir persister dans notre première opinion; mais afin de ne pas induire le lecteur en erreur, nous avons exposé, d'un côté nos raisons et nos autorités, et de l'autre les moyens et les préjugés que l'on nous opposait, voulant ainsi le rendre juge de cette diversité de sentimens.

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