sont à la proximité de cette ville, au-dessus des cataractes du Nieper. La gabarre l'Utile venait de m'être cédée par le ministre de la marine, en remplacement de la flûte la Syrène, qui n'était nullement propre au transport des mâts, car elle n'avait pu recevoir la totalité des deux cent soixante-quatre pièces dont il a été question ci-devant. J'expédiai à Cherson cette gabarre pour prendre le restant, ainsi que les bois de chêne et d'orme, les merrains, les gournables, le chanvre et le bœuf salé que j'avais fait préparer pour l'arsenal de Toulon. Plusieurs négocians de Cherson et de Marseille étaient entrés en concurrence avec moi pour le commerce des provinces méridionales de la Russie et de la Pologne par la Mer-Noire. Vingt navires étaient arrivés dans l'année de Cherson à Marseille, et quinze de Marseille à Cherson. M. le maréchal de Castries jugea les progrès de ce nouveau commerce dignes de fixer l'attention du Roi, et capables de justifier les encouragemens dont en 1783 il avait sollicité Sa Majesté d'honorer mon entreprise. Sur le rapport de ce ministre et celui de M. le baron de Breteuil, Sa Majesté me fit la grâce de m'élever aux honneurs de la noblesse, et de la rendre héréditaire dans ma famille. Les lettres qui me furent expédiées à ce sujet faisaient mention des services de mes bisaïeul, aïeul et père dans la magistrature de lieutenans - généraux de police, qu'ils avaient successivement exercée dans la ville d'Embrun en Dauphiné. Cette circonstance ne permet pas de douter que la marque distinctive des bontés du Roi, dont je fus honoré, m'était conférée autant en récompense du zèle constant et du dévouement de ma famille, qu'en mémoire des divers travaux auxquels il était dit dans ces lettres que je m'étais livré pour étendre le commerce national, et en considération des relations que j'avais eu le bonheur d'établir le premier entre nos ports et ceux de la Mer-Noire. Une grâce aussi honorable et aussi inespérée m'aurait fait redoubler d'émulation, si déjà je n'avais pas été animé au plus haut degré du desir de me rendre utile. CHAPITRE XXX. Traité de commerce entre la France et la Russie. E Je m'efforçais de donner des preuves de mon zèle à M. le comte de Vergennes et à M. le comte de Ségur, dans ma correspondance avec ces ministres, au sujet du traité de commerce qui se négociait à cette époque à Pétersbourg, entre la France et la Russie. M. le comte de Ségur, dont la sagacité, les lumières et le mérite sont universellement reconnus, jaloux de rendre ce traité aussi avantageux qu'il était possible au commerce français, crut devoir recourir, dans cette circonstance, à l'expérience de plusieurs négocians, et les consulter sur divers points. Il me fit particulièrement cet honneur m'invita même à me rendre auprès de lui à Pétersbourg, dans l'idée que, m'étant occupé pendant un séjour de dix-huit mois en Russie, à y acquérir des notions sur le commerce de cet Empire, spécialement dans ses relations avec la France par la Baltique et par la MerNoire, j'aurais fait peut-être des observations dont il pourrait tirer quelque avantage. Je dus être flatté de l'invitation de M. de Ségur; mais je compris que je ne la devais qu'au zèle ardent de ce ministre pour les intérêts de sa patrie, et à l'opinion trop avantageuse qu'on lui avait donnée de ma capacité. Je me rendis justice en me défendant d'accepter ce témoignage de son estime. Je me bornai à lui soumettre les renseignemens mercantiles que je crus propres à intéresser la négociation du traité. Ce ministre parvint à la terminer heureusement; ce qui est d'autant plus glorieux pour lui, que ses prédécesseurs avaient vainement tenté de conclure avec la Russie un traité de navigation et de commerce. Celui-ci est par conséquent le premier qui ait lié les deux nations. Il fut signé à Pétersbourg le 31 décembre 1786 (v. st.), ou le 11 janvier 1787 (n. st.). Je ne crois pas superflu de retracer ici sommairement l'objet de chaque article de cette convention. La réciprocité et une juste compensation paraissent en former les bases. Il |