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venir à la marine de guerre russe. En conséquence de cette décision, les bâtimens de commerce n'y sont reçus qu'en cas de relâche forcée, pour être réparés ou pour se mettre à l'abri de la tempête.

Le port de Kerch, situé au détroit de Taman, est cependant préférable à tous égards à Caffa. Le gouvernement russe paraît disposé à en faire une place de commerce : il s'y établirait un cabotage considérable et des expéditions importantes pour les ports de l'Asie, particulièrement de Sinope et Trébisonde, qui y verseraient la plus grande partie de leurs productions. On croit que le lazaret serait bien mieux placé à ce port, situé à l'entrée de la mer d'Azow, qu'à Taganrok, qui est plus enfoncé.

Le gouvernement de la Tauride est établi à Sympheropol. Il s'y est formé une fabrique de bonnets à l'usage des Grecs, sous la direction d'un Français, et une de draps sous la direction d'un Allemand: l'une et l'autre travaillent avec quelque succès.

On sait que la plus grande liberté règne pour le culte dans l'empire de Russie elle existe entière dans toute la péninsule.

Le climat y est des plus sains, malgré la grande variété des saisons. Depuis son occu

pation par les Russes, le commerce des esclaves des deux sexes, si considérable autrefois, y est aboli.

le

Il a été observé par des voyageurs que sol de la Crimée n'a subi aucun changement, ni par le fait des tremblemens de terre, ni par des inondations.

Il s'est établi en 1817, à Bereslaw, situé dans le voisinage de Cherson, une communication à travers le Niéper, par un pont de radeaux. Il sert à transporter sur des charriots les sels de la Crimée pour l'Ukraine polonaise et la petite Russie. Chaque année on construit ce pont avant que le fleuve soit pris par les glaces, et on le détruit après sa débâcle. Cette communication est très-active dans la saison.

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La plus magnifique ville de la Crimée, une des plus anciennes, celle dont le commerce était jadis le plus considérable et le plus florissant, c'est Cherson. Il n'en subsiste maintenant que quelques ruines.

L'impératrice de Russie, en donnant ce même nom de Cherson à la ville qu'elle avait fondée sur la rive droite du Niéper, à sept lieues de distance de son embouchure, semble avoir eu l'intention d'annoncer, par cette conformité de nom, que la nouvelle cité était destinée à égaler l'ancienne en célébrité.

Le sol où elle a été bâtie appartenait autrefois aux Cosaques Zaporowski ou Saporogues, qui tirent leur nom des Porovis ou cataractes du Niéper, voisines de leur habitation, espèce de régence guerrière et religieuse, dont les statuts bizarres prescrivaient des vœux et autorisaient la licence des mœurs la plus effrénée. Ils furent long-temps soumis

à la Pologne ; mais, vers le milieu du dernier siècle, ils se soumirent volontairement à la Russie. Catherine II, immédiatement après la paix de Kaïnardgy, dispersa ces peuplades perverses en punition de leur désobéissance et de la neutralité qu'elles avaient demandée et gardée lors de l'incursion des Tartares dans la nouvelle Servie, en 1769.

Cette expédition militaire rendit cette souveraine totalement maîtresse des pays occupés par les Zaporowski, c'est-à-dire, de la majeure partie du Niéper et de ses deux rives, depuis les cataractes de ce fleuve jusqu'à Oczakow.

La propriété des Russes sur ce pays avait été reconnue par la Porte; mais les Cosaques Zaporowski prirent cette reconnaissance pour un empiétement sur leurs droits. Il était sans doute de la plus grande importance pour les nouveaux établissemens que l'Impératrice projettait sur le Niéper, de posséder en entier la navigation de ce fleuve, qui devait vivifier le commerce qu'elle voulait établir et diriger vers la Mer-Noire : elle profita de cette occasion pour chasser les Cosaques de cette contrée et s'en emparer.

Par son traité avec la Porte, la Russie avait acquis sur cette mer Kilbouroun; mais elle

n'en pouvait tirer parti selon ses vues. Sa rade, environnée de bas-fonds, n'est point sûre dès que le vent y souffle avec quelque violence. Elle se trouvait d'ailleurs isolée du territoire russe, et exposée, par son site en face d'Oczakow, aux entreprises des Turcs. Cependant la Cour de Pétersbourg voulait établir une marine militaire, élever un boulevard contre les attaques des Ottomans, sans leur causer de l'ombrage, et faire en même temps de cette place un port marchand, qui devînt l'entrepôt du commerce des provinces méridionales et de celles de la Pologne.

La position de Gloubok (1), village bâti sur une petite éminence, eût été favorable au commerce. Il joint à l'avantage inestimable d'un air salubre, celui d'un port où abordent les navires marchands d'une portée ordinaire. Mais comment pouvoir s'y mettre à l'abri des insultes des armées ottomanes de terre et de mer? Comment y construire un arsenal, y créer une marine, y établir des fortifications, sans exciter l'attention des Turcs, qu'on ne craignait pas, mais qu'on ne voulait pas provoquer ?

(1) Il est désigné dans les cartes marines russes sous le nom de Gloubakaia Pristan.

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