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CHAPITRE XLIV.

Obligation où sont les bâtimens de relâcher à Constantinople, en allant dans la Mer-Noire, et à leur retour. Observations sur les deux quarantaines.-Facilités accordées dans

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Uti

Constantinople au commerce des
étrangers sur la Mer-Noire.
lité de ce commerce pour les Turcs.

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Les deux quarantaines que subissent tour à tour les bâtimens dans les ports de la Méditerranée et de la Mer-Noire, et qui leur font consumer environ trois mois, dont ils n'emploient que quelques jours pour le débarquement de leurs cargaisons, ont pour cause leurs relâches à Constantinople, à l'effet d'y faire les déclarations d'usage à la Porte, ainsi qu'au ministre de Russie, et obtenir leurs passe-ports.

Quoique ces relâches soient de courte durée, lorsque les formalités ont été remplies

par les recommandataires des navires avant leur arrivée, elles ont toutefois cet inconvénient, que le vent qui leur était favorable pour continuer le voyage, varie pendant le séjour, et leur devient contraire; et comme ils ne peuvent sortir de Constantinople, les uns pour la Mer-Noire, qu'avec le vent du sud, les autres pour la Méditerranée, qu'avec celui du nord, et que ces vents une fois établis durent plusieurs jours, même plusieurs semaines, suivant les saisons, il en résulte que ces relâches et ces quarantaines rendent souvent ces traversées fort longues, et cette navigation fort dispendieuse.

Mais c'est ici un mal qui paraît sans remède, car on ne saurait jamais prétendre que la Porte consentît à laisser passer et repasser tant de bâtimens sous les murs du sérail, dans un espace aussi étroit que le canal, sans les obliger à s'arrêter. D'ailleurs, la Russie exige pour les admettre dans ses ports, que son ministre à Constantinople vise leur rôle d'équipage, le manifeste de leurs cargaisons, et leur délivre un passe-port.

S'il était possible que les formalités à remplir, tant envers la Porte qu'envers le ministre de Russie, pussent l'être sans communication, et avec la célérité qu'on éprouve pour le

pas

sage du Sund à Elseneur, où l'expédition des papiers d'un vaisseau est l'affaire de trois ou quatre heures, alors cette navigation ne serait grevée d'aucune quarantaine : devenue plus courte, elle serait moins dispendieuse, le fret diminuerait en proportion, et les marchandises aussi.

Pourrait-on espérer de la Porte une semblable facilité, en considérant qu'après avoir refusé, en 1787, le passage d'une mer à l'autre à des navires de commerce, sous le prétexte mal fondé que leur tonnage surpassait celui convenu par leur traité, elle l'a permis, en 1804, à cinq convois russes composés de sept vaisseaux de ligne armés en flûte, de deux frégates, de deux corvettes, de trois bricks et de cinq bâtimens de transport, conduisant six mille hommes de troupes à Corfou?

On a vu que cette condescendance de la Cour ottomane envers la Russie a eu pour motif le desir de vivre en bonne intelligence avec cette puissance, qui d'ailleurs s'est fondée dans ses demandes à la Porte, pour cet objet, sur la protection qu'elles doivent en commun à la république des Sept-Iles, conformément à leurs traités.

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Avant cette époque, la Porte avait fermé les yeux sur les transbordemens de grains et d'autres marchandises que faisaient, au détroit des Dardanelles et dans la mer de Marmora, des navires venant de la Mer-Noire, destinés pour la Méditerranée, et vice versa.

Elle a fait plus ensuite : elle a permis que ces reversemens d'une mer pour l'autre se fissent francs de tout droit dans le

de Constantinople.

port même

Il est devenu, par cette facilité, un marché considérable en blé, car une grande quantité de navires vont en charger dans la MerNoire pour être revendu à Constantinople. S'il y avait dans cette capitale beaucoup de greniers à l'abri du feu, elle serait l'entrepôt le plus important de l'Europe pour le commerce des grains.

Les blés qui appartiennent à des étrangers, et les ventes qu'ils en font parmi eux, jouissent de la plus entière liberté. Le gouvernement turc semble ne pas considérer ces blés comme une ressource en cas de disette, parce qu'on pourvoit comme par le passé à l'approvisionnement de Constantinople.

En 1803 cette capitale manqua entièrement de suifs. Mon établissement à Cherson

en avait adressé quarante barriques à celui de Constantinople pour me les faire passer. Comme elles étaient chargées sur un navire turc, la Porte s'en empara pour être distribuées à des marchands, et elle voulait ne les payer qu'au prix qui se trouvait fixé pour cet objet de consommation; mais l'ambassadeur de France lui ayant représenté que ce suif était une propriété française, elle le fit payer au prix du commerce. Je crois que c'est le premier exemple d'une réquisition de sa part; et probablement elle n'aurait pas eu lieu, si ce suif fût venu sous tout autre pavillon que celui du Grand-Seigneur.

La Russie fait participer plusieurs sujets de la Porte aux priviléges dont le pavillon russe jouit dans lesmers ottomanes. Cet abus, sur lequel la Porte ferme les yeux, mais qu'elle souffre à regret, a rendu fort nombreux les navires russes qui fréquentent ses États. On y voit une plus grande quantité de bâtimens autrichiens ils ont remplacé les Français et les Ragusais, dont les vaisseaux couvraient les mers du Grand-Seigneur en 1790.

Le passage d'une aussi grande quantité de navires de toute nation est, sous quelques points de vue, profitable à la Porte; mais elle retire plus d'utilité du commerce étendu

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