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Cette différence dans les transports pour les deux mers est essentiellement remarquable celui des mâts et des bois de construcpour tion, ainsi qu'on le verra dans cet ouvrage.

Le chemin que l'on fait prendre vers le nord aux productions méridionales de la Russie et de la Pologne, est forcé, tandis que la nature leur a tracé elle-même leur cours vers la Mer-Noire. Cette route est courte et facile par terre durant toute l'année : elle le sera par eau pendant neuf à dix mois, lorsque le passage des cataractes du Niéper aura été rendu plus praticable : il ne l'était guère alors qu'à l'époque du dégel du fleuve, dans les mois d'avril et mai. Il n'y a au contraire qu'une seule saison favorable au transport par eau de ces marchandises vers la Baltique ; et comme la plupart sont à une plus grande distance des ports de cette mer que de Cherson, le charroi par terre en devient plus dispendieux.

La carte des lieux et la connaissance de leur climat suffisent pour démontrer la justesse de ces notions. Je les dois aux détails instructifs qui me furent généreusement communiqués par les négocians russes : je n'ai eu qu'à me louer de tous ceux que je rencontrai, soit dans ma route de Cherson à Péters

bourg, soit à mon retour dans les différentes villes dont je vais faire la description, et où je m'arrêtai pour prendre des renseignemens sur les intérêts du commerce avec ce nouveau port.

Le dénombrement de la population de Cherson la porte à vingt-cinq mille ames environ. Cette ville est présentement environnée d'un grand nombre de villages : leurs habitans sont adonnés à la culture, particulièrement à celle du blé, dont le commerce leur offre un débouché assuré et avantageux. Il en est passé, pendant les dernières années, des quantités considérables à Odessa, d'où elles ont été exportées à l'étranger: elles ont contribué à remplacer en France, en Espagne, en Portugal et en Italie, le déficit des récoltes de cette denrée, et l'y ont maintenue à des prix modérés.

Ils auraient singulièrement renchéri, et il se serait peut-être manifesté une disette complète de grains dans plusieurs pays, sans cette précieuse ressource, regardée de plus en plus comme intarissable, tant la culture du blé et son commerce ont acquis d'activité dans les provinces méridionales de la Russie, dont Cherson est un entrepôt principal.

Il se construit annuellement dans ce port

une grande quantité de navires de toute grandeur, notamment des alléges nommés lodki en langue russe. On les emploie au transport des marchandises entre Cherson et Odessa entre ces deux ports et ceux de la Crimée, du Danube et de l'Asie. Ce cabotage est devenu très-actif, depuis l'établissement d'un lazaret à Odessa. Il ne manque ni de matériaux pour la construction de ces alléges, ni de matelots pour leur navigation. La plupart de ces lodki font, dans la belle saison, plusieurs voyages qui sont d'un bon rapport à leurs propriétaires.

Le Niéper étant pris par les glaces vers la fin du mois de décembre jusqu'aux derniers jours de février, les communications maritimes de Cherson avec les ports ci-dessus se trouvent interrompues pendant cet intervalle.

Ces contrées doivent desirer que la demande du blé ne se ralentisse point, pour que les propriétaires des terres soient encouragés à en continuer la culture; sans quoi ils seraient obligés d'exercer autrement leur industrie agricole. Plusieurs d'entre eux l'ont pratiqué en 1818, époque où les blés ont éprouvé une diminution telle, que leur prix couvrait à peine les dépenses des agriculteurs.

Pour remédier à l'insalubrité du climat

de Cherson, dont on a vu la cause et les funestes effets dans l'avant-dernier chapitre, le gouverneur a fait construire sur pilotis, à la rive droite du Niéper, une chaussée dans les dimensions que comportait le local. Elle a pour objet de mettre obstacle aux débordemens du Niéper et d'en resserrer les eaux dans son lit.

La diminution considérable des maladies a bientôt prouvé l'utilité de ce bel ouvrage, dû aux soins de M. le duc de Richelieu, et qui a excité l'attention de l'empereur Alexandre lors de son passage à Cherson.

pas

La salubrité de l'air n'est le seul avantage que Cherson ait retiré de la construction de cette chaussée : elle sert de communication avec les rues de la ville par des ponts; les navires y abordent à une petite distance des quais établis, et ils y chargent et déchargent à l'abri des mauvais temps.

L'on assure que, pour obvier à l'inconvénient de la dégradation des pilotis, l'Empereur a ordonné, lors de son passage à Cherson, la construction d'un mur capable de soutenir la chaussée; qu'elle sera pavée, et que l'on comblera en même temps les terrains marécageux environnans. On dit enfin que l'évaluation approximative de ces ouvrages

en porte la dépense à 300,000 roubles, et qu'ils seront fournis par la caisse impériale.

L'idée de rendre plus facile et nullement dangereux le passage des cataractes et des écluses qui y sont établies, excite de plus en plus l'attention du Gouvernement, tant l'exécution de ce projet présente d'utilité pour toutes les contrées intéressées à la navigation du Niéper.

Elle est reconnue praticable depuis Cherson jusqu'aux cataractes. On peut donc le remonter d'espace en espace, au moyen d'un vent favorable et à l'aide des mariniers.

Il s'est formé sur les deux rives du Niéper, depuis les cataractes de ce fleuve jusqu'à son embouchure, plusieurs villages dont les habitans sont très-actifs, et se livrent à la culture et au transport de leurs denrées par des lodki jusqu'à Cherson et Odessa.

Les petites villes marchandes de Bereslaw et de Nicopol, situées à une courte distance de Cherson, sur la rive droite du Niéper, sont en quelque sorte des greniers à blé : elles servent d'entrepôt aux grains de toute espèce qu'on y transporte des contrées voisines; ils y arrivent chargés sur des alléges pour Cherson, d'où ils passent en majeure partie à Odessa.

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