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En attendant que celui de Cherson fût bien connu, que l'on s'accoutumât à le fréquenter, qu'on y trouvât du crédit et des assortimens de tous les articles qu'on tire d'ailleurs, les négocians de ce port, qui ont cherché à profiter des débouchés que leur offraient les contrées voisines, ont dû se livrer, en concurrence avec les indigènes, à l'exploitation du commerce intérieur, expédier, à l'exemple de ces compagnies, des marchandises dans les foires, et s'y rendre pour en soigner euxmêmes la vente.

On pouvait y acquérir en même temps les denrées de Russie qui y étaient exposées en vente, ou en acheter par contrat, pour être livrées dans Cherson à des époques déterminées.

Moscou, cette ancienne capitale de la Russie, offrait à Cherson des ressources considérables, tant pour son commerce d'importation que pour celui d'exportation, mais principalement pour le premier.

Cette ville, l'une des plus grandes de l'Europe, est considérée comme le point central du commerce de l'Empire : il s'y fait un débit immense des marchandises étrangères, soit pour la consommation locale, soit pour celle des provinces, qui la plupart se pourvoient à Moscou.

Elle tire de Pétersbourg la plus forte partie des objets de son commerce; les autres marchandises у arrivent de la Sibérie et des différentes parties de l'Empire russe, de la mer Caspienne, de la mer d'Azow, de la Perse, de la Chine, etc.

Moscou possède des manufactures de napages, de toileries de divers genres, de toiles rayées en couleur. Il y a dans cette ville des raffineries de sucre et des tanneries de cuirs; plusieurs autres fabriques, telles que celles de toiles à voiles, sont répandues dans le district du gouvernement qui porte le nom de cette ancienne capitale.

Elle à un change établi avec Amsterdam et Londres. Les traites sur Hambourg et sur Paris étaient fort rares : la voie de Moscou me parut très-convenable aux négocians de Cherson pour recevoir de l'étranger les fonds nécessaires à leurs achats, et pour y faire passer dans l'occasion, en lettres de change, le retour de leurs importations.

Je jugeai d'une grande importance pour eux de chercher à obtenir la préférence sur les autres routes, et d'approvisionner Moscou en productions des ports de la Méditerranée et des États du Grand-Seigneur. Ils n'y parviendront qu'en observant la plus

stricte économie dans l'achat, dans l'expédition, dans l'entrepôt et dans le transport de ces marchandises jusqu'à Moscou...

Leur charroi se faisait avec plus de célérité sur des voitures traînées par des chevaux; mais il était plus dispendieux que celui fait par des bœufs, achetés, en arrivant à Moscou, pour les boucheries. Le préjudice que causait la lenteur de cette dernière méthode était bien compensé par l'économie de la voiture. Il y avait alors très-peu de bœufs à Cherson; mais je présumais dès-lors que les vastes pâturages dont est couvert le plateau de ses environs exciteraient les paysans russes à y élever des troupeaux nombreux de cette espèce (1).

(1) Le commerce des différentes villes mentionnées dans ce chapitre est le même en 1819 qu'à l'époque où je les ai parcourues.

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Le port de Taganrok, situé sur la mer d'Azow, étant plus à portée de Moscou que Cherson, semblait, au premier aspect, pouvoir fournir, ainsi que Cherson, à cette capitale, et même à plus bas prix, les denrées de la Turquie et de la Méditerranée.

Le prix des voitures est trop modique en Russie pour qu'il y ait aucun avantage à faire remonter à ces marchandises le Don, fleuve considérable, qui a son embouchure près de Taganrok.

Ainsi, ce n'est point l'économie du transport par eau qui pouvait donner à ce port. l'avantage sur celui de Cherson. La différence des distances respectives de ces deux villes avec Moscou ne devait pas non plus établir une disparité trop sensible dans le prix du charroi par térre ; et s'il existait quelque différence sur ce point, elle se trouverait com

pensée par la longueur de la traversée des bâtimens qui se rendent à Taganrok, longueur qui a pour cause son plus grand éloignement de Constantinople que Cherson, et quelques difficultés dans la navigation de la mer d'Azow.

Le peu de profondeur de cette mer, qui, au détroit de Taman, en face de Yenikalé, offre un passage dangereux, et n'a, dans cette partie, que quatorze pieds, et onze à douze seulement près de Taganrok, exige qu'on n'y expédie que des bâtimens de neuf à dix pieds de tirant d'eau, dont le frêt est nécessairement plus cher. C'est là un premier inconvénient.

Le second consiste dans l'impossibilité de pouvoir louvoyer dans cette mer, à cause des bancs de sable dont elle est remplie et de la violence des courans, de sorte qu'on ne peut y naviguer qu'avec un vent favorable; circonstance qui rend les traversées plus longues, et par conséquent plus dispendieuses.

Enfin, elle est impraticable pendant l'hiver, parce qu'elle est ordinairement prise par les glaces depuis le mois de décembre jusqu'en mars, selon que la rigueur de la saison est plus ou moins longue. S'il se trouvait des bâtimens au large dans cette mer au moment

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