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Les redevables en retard étaient contraints : dix jours après l'avertissement du receveur, on saisissait et vendait leurs marchandises et meubles (art. 7).

322. Le produit des patentes avait été estimé, pour l'an VII, pour toute la République, à une vingtaine de millions de francs (1).

Mais l'application de la loi donna lieu à de nombreux abus, surtout au détriment du fisc. Le ministre des finances, en février 1799, signalait au Directoire la modicité invraisemblable des évaluations de certains loyers: l'habitation de personnes importantes, telle que celle de notaires, avait été estimée à 10 frs de valeur locative, par an; celle d'officiers de santé, 3 frs par an, etc. (2).

IV.

LA CONTRIBUTION SUR LES PORTES ET FENÊTRES

323. Les nécessités financières amenèrent dans les dernières années du Directoire la création d'un impôt direct entièrement nouveau, la contribution sur les portes et fenêtres, qu'organisèrent les lois du 4 frimaire et du 18 ventôse an VII. Cet impôt n'avait aucun précédent en France. On en chercha l'exemple en Angleterre.

Les tarifs, très modérés dans la loi du 4 frimaire, qui prévoyait, suivant la population des communes, une taxe de 20 à 60 centimes, furent doublés par celle du 18 ventôse an VII, puis triplés, par celle du 6 prairial an VII, à titre de subvention de guerre. Les portes et fenêtres "donnant sur les rues, cours ou jardins, étaient les seules qui tombaient sous le coup de la taxe. Elles payaient, en règle générale, depuis la loi du 6 prairial an VII, 60 centimes dans les communes au-dessous de 5000 âmes, 1 franc 80 centimes dans les communes de 100,000 âmes et au-dessus, 75 centimes à 1 franc 50 centimes dans les communes intermédiaires. En vertu de dispositions spéciales, les portes-cochères

(1) STOURM, ouv. cité, t. I, p. 293.

(2) Ibid., t. I, p. 289.

payaient une taxe plus élevée (1); dans les communes de plus de 10,000 âmes, les fenêtres du troisième étage et au-dessus, payaient des taxes réduites; les maisons, enfin, n'ayant qu'une porte et une fenêtre jouissaient également de certaines faveurs. Le législateur escomptait de l'impôt un produit total de quinze à seize millions (2).

324. L'impôt était assis sous la surveillance et l'inspection de l'agence des contributions directes, par les municipalités, qui devaient faire, ou faire faire, par des commissaires l'état des portes et fenêtres sujettes à l'imposition. L'administration centrale rendait le rôle exécutoire. Le percepteur de la commune le recouvrail, sous la surveillance de la même agence. Les contribuables pouvaient être contraints au paiement de la contribution par saisie et vente de leur mobilier, vingt-quatre heures après le commandement qui leur était fait par écrit par le percepteur.

325. Dans la pensée du législateur, la contribution des portes et fenêtres avait le caractère de complément à la loi sur l'impôt mobilier. Le propriétaire ou locataire principal devait sans doute acquitter personnellement, entre les mains du percepteur, les droits relatifs aux portes et fenêtres de sa propriété ; mais une clause essentielle, dit M. Stourm, suivait cette première prescription, clause d'après laquelle tous les locataires particuliers se trouvaient tenus de rembourser au propriétaire les sommes afférentes aux locaux occupés par eux (3)., Il ne s'agissait donc pas de constituer une charge complémentaire de l'impôt foncier.

326. Dès le début, l'établissement de cet impôt suscita, dans les Conseils, des protestations dictées par des considérations d'hygiène. On y répondit: la contribution est constamment modique; elle est de la plus facile percep.

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(1) Art. 3 de la loi du 4 frimaire an VII et art. 2 de la loi du 18 ventôse an VII.

(2) STOURм, ouv. cité, t. I, p. 273.

(3) Ibid., t. I, p. 269.

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tion; elle n'entraîne à rien de dispendieux; elle est sans

, contredit la plus proportionnée aux fortunes présumées (1).,

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327. Indépendamment des contributions directes dont nous venons de décrire l'organisation et le fonctionnement, les contribuables furent, sous le Directoire, à deux reprises différentes, obligés de souscrire à des emprunts décrétés par le Corps législalif en vue de subvenir aux dépenses de la guerre. Cette participation forcée revêtit des caractères tels qu'on peut y voir une véritable taxe directe, levée à titre extraordinaire sans doute, mais grevant néanmoins d'une manière très lourde l'ensemble des revenus des citoyens. Le premier de ces emprunts forcés fut décrété par la loi du 19 frimaire an IV (10 décembre 1795) (3), le second par celle du 10 messidor an VII (28 juin 1799) (4).

L'exemple de ces emprunts forcés avait été donné au Directoire et au Corps législatif par la Convention. En 1793, par la loi du 20 mai (5), cette assemblée avait décrété qu'il serait fait un emprunt forcé sur tous les citoyens riches. C'était une mesure à la fois fiscale et politique. "Je voudrais. avait dit Cambon, le 27 avril 1793, que la Convention ouvrît un emprunt civique d'un milliard qui serait rempli par les

(1) Discours aux Anciens, cité par SтOURM, ouv. cité, t. I, p. 268. (2) STOURM, ouv. cité, t. II, pp. 368 et suiv. Voir, outre les monographies locales, LANZAC DE LABORIE, Ouv. cité, t. I, p. 53-54; LIBOIS, Les emprunts forcés de l'an IV et de l'an VII dans le Jura, Lons le Saunier, 1895. (Extrait des Mémoires de la Société d'Emulation du Jura).

(3) Voir en outre les lois du 25 et du 27 frimaire, du 3 nivôse et du 30 nivôse an IV, du 17 germinal an IV, du 30 thermidor an IV et du 5 ventôse an V. Cfr. Coll. HAYEZ, t. IV, pp. 205, 219; t. V, pp. 8 et suiv., 15 et suiv.. 32. A peu près vers la même époque, une loi du 15 pluviôse an IV ordonna dans toute la République, pour le service des armées, la levée du trentième cheval.

(4) Voir, en outre, les lois du 19 thermidor et du 6 fructidor an VII, ainsi que l'arrêté du Directoire, en date du 23 fructidor de la même année.

(5) Voir en outre les décrets du 22 juin et du 3 septembre 1793.

riches et les indifférents... Tu es riche, ajoutait-il, tu as une opinion qui nous occasionne des dépenses; je veux t'enchaîner malgré toi à la Révolution; je veux que tu prêtes ta fortune à la République. „ D'autres y voyaient un moyen de ramener," par des voies douces, au niveau de l'égalité les fortunes qui en sont sorties, (1). Et de fait, les citoyens "riches, tombant sous l'application de la loi, devaient souscrire à l'emprunt suivant un taux progressif qui allait, pour les plus riches, jusqu'à absorber la totalité de ceux de leurs revenus dépassant, suivant les cas, la somme de 5500 à 8000 livres.

"

328. L'EMPRUnt forcé du 19 FRIMAIRE AN IV. Assujettissement à l'impôt. Tandis que la Convention n'avait adressé son appel de fonds qu'aux classes riches, la loi du 19 frimaire an IV frappait "les citoyens aisés de chaque département (art. 1). On pouvait être considéré comme citoyen aisé lors qu'on faisait partie du quart le plus imposé ou le plus imposable de chaque département, (art. 2). La somme à fournir par le prêteur variait suivant la classe dans laquelle il était rangé à raison de sa fortune présumée. La loi divisait, à cet effet, les contribuables en seize classes: la première, par exemple, était taxée à 50 livres, la seconde à 60, la cinquième à 200, la dixième à 700, la quinzième à 1200 livres ; dans la classe la plus élevée, la seizième, les prêteurs devaient proportionnellement à leur fortune,, être taxes depuis 1500 livres jusqu'à 6000. On ne pouvait englober dans cette seizième classe que les citoyens ayant une fortune de cinq cent mille livres et au-dessus.

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329. Assiette. C'étaient les administrations centrales de département qui devaient désigner les citoyens obligés de fournir à l'emprunt et les distribuer dans les diverses classes. Au vœu de l'article 3 de la loi, elles devaient baser leurs décisions soit sur 66 le rôle des impositions, soit sur la notoriété publique des facultés, en combinant tout à la fois les revenus des propriétés foncières et mobilières, et les produits de l'industrie,

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(1) Cités par M. STOURM, ouv. cité, t. II, pp. 369 et 374.

330. Recouvrement, paiement. Les rôles étaient mis en recouvrement par les percepteurs des contributions directes. Le paiement devait se faire" en numéraire métallique ou en matières d'or et d'argent, (art. 6). A. défaut de métaux, les grains, appréciés au cours de 1790, pouvaient être reçus comme ceux de la contribution foncière (1) et conduits dans les magasins de la République. Les assignats pouvaient également être reçus en place de numéraire, mais pour le centième seulement de leur valeur nominale (art. 6). Dans les départements réunis, le paiement en assignats ne fut pas admis (2).

331. Remboursement. La loi du 19 frimaire an IV prévoyait le remboursement de l'emprunt en dix années. A cette fin, il était remis aux prêteurs un récépissé composé de dix coupons représentant chacun un dixième de la somme totale de leur quote-part. Ces coupons pouvaient servir au paiement des droits d'enregistrement dus par les prêteurs ou leurs héritiers pour cause de succession en ligne directe ou collatérale. Les prêteurs pouvaient également remettre chaque année un coupon en paiement de leurs contributions directes. En attendant, ils ne touchaient aucun intérêt pour la somme prêtée. La loi du 9 vendémiaire an VI décida que les huit derniers coupons de l'emprunt forcé ne seraient plus admis en paiement des contributions directes, ni du droit d'enregistrement, mais qu'ils seraient reçus comme dette publique en paiement des domaines nationaux.

332. Échec de l'emprunt. Le produit de l'emprunt avait été escompté à la somme de 600 millions, dont 150 millions de valeurs métalliques. L'emprunt forcé d'un milliard de la Convention avait cependant abouti à un grave échec, mais comme on avait cru pouvoir attribuer cet échec aux tarifs exorbitants de la loi du 20 mai 1793 et à la Terreur, un nouvel essai avait été tenté. Il ne réussit pas mieux que le précédent. En fait, c'est à peine si le Trésor recouvra un peu

(1) Voir plus haut, no 300.

(2) Arrêté du Directoire du 26 frimaire an IV, dans la Coll. HAYEZ, t. V, p. 12.

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