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mille brigades. Au total, le corps se composait de dix mille cinq cent soixante-quinze hommes.

La loi du 28 germinal an VI chargeait le Directoire de fixer l'emplacement des brigades et la formation des divisions. Les départements devaient fournir aux sous-officiers et gendarmes le logement en nature lorsqu'il n'y avait pas de maisons nationales propres au casernement des. brigades (art. 83 et 84).

429. Admission dans le corps de la gendarmerie. Lors du licenciement et de la réorganisation du corps en l'an V, comme lors de l'augmentation de ses effectifs en l'an VI, les sous-officiers et gendarmes furent nommés par un jury, créé dans chaque département, et composé des officiers de la gendarmerie, de deux membres de l'administration centrale, du commissaire du Directoire près le département, de l'accusateur public et du commissaire du Directoire près le tribunal criminel.

La loi du 28 germinal an VI décida que pour pouvoir à l'avenir être admis dans la gendarmerie, il fallait 1" être âgé de vingt-cinq ans au moins; 2o savoir lire et écrire correctement; 3° avoir fait trois campagnes depuis la Révolution; 4o être porteur d'un certificat de bonnes mœurs, de bravoure, de soumission exacte à la discipline militaire et d'attachement à la République; 5o être de la taille d'un mètre septantetrois centimètres. La réunion de ces qualités devait être constatée par le conseil d'administration de la gendarmerie du département: ce conseil, établi par compagnie, se composait du chef d'escadron, lorsqu'il était présent, du capitaine et du plus ancien lieutenant, maréchal des logis et gendarme (art. 90). Lorsqu'une place de gendarme devenait vacante, l'administration centrale présentait une liste de quatre candidats et le chef de division procédait à la nomination après réduction de la liste par le capitaine et par le chef d'escadron (art. 46).

Les gendarmes devaient se monter, s'habiller et s'équiper à leurs frais. Pour la première formation toutefois, le minis tère de la guerre fut autorisé à faire des avances aux intéressés.

430. Règles de l'avancement. Les emplois de brigadiers. étaient conférés par le chef de division, mais le conseil d'administration et les officiers de la compagnie avaient un droit de présentation (art. 48). La moitié des emplois de maréchaux des logis appartenait aux brigadiers les plus anciens de grade de la compagnie, l'autre moitié était conférée par le chef de division, sur la présentation du conseil et des officiers de la compagnie. Les officiers (chef de division, chef d'escadron, capitaine, lieutenant) étaient nommés, en partie à l'ancienneté de grade, en partie au choix du Directoire exécutif.

431. Direction supérieure. Le corps de la gendarmerie était dans les attributions du ministre de la guerre pour ce qui concernait le matériel et la discipline; dans les attribu tions du ministre de la police pour tout ce qui avait rapport au maintien de l'ordre public; et pour ce qui était relatif à l'exercice de la police judiciaire, dans les attributions du ministre de la justice.

432. Fonctions de la gendarmerie. " Le corps de la gen darmerie, disait l'art. 1 de la loi du 28 germinal an VI, est une force instituée pour assurer dans l'intérieur de la Répu blique le maintien de l'ordre et l'exécution des lois. Une surveillance continue et répressive constitue l'essence de son service. Le service de la gendarmerie, ajoutait l'art. 3, est particulièrement destiné à la sûreté des campagnes et des grandes routes.

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Dès sa création, en 1791, les fonctions de la gendarmerie furent distinguées en fonctions habituelles et en fonctions extraordinaires.

Les fonctions habituelles devaient être exercées sans qu'il fût besoin d'aucune réquisition des autorités civiles. Ces fonctions étaient aussi nombreuses que variées. Voici les principales de celles qu'énumère l'art. 125 de la loi du 28 germinal an VI: faire des marches, tournées, courses et patrouilles sur les grandes routes, traverses, chemins vicinaux ; recueillir et prendre tous les renseignements possibles sur les crimes et les délits publics, et en donner connaissance

aux autorités compétentes; rechercher et poursuivre les malfaiteurs; saisir et arrêter les déserteurs; saisir toutes personnes surprises en flagrant délit; dissiper par la force les attroupements armés (art. 365, C. III); dissiper de même les attroupements non armés (art. 366, C. III) et spécialement les attroupements qualifiés de séditieux par la loi (1) ; surveiller les mendiants, vagabonds et gens sans aveu; saisir et arrêter les mendiants valides; se tenir à portée des grands rassemblements d'hommes, tels que foires, marchés, fêtes et cérémonies publiques; conduire les prisonniers et condamnės; protéger les porteurs de contraintes et exécuteurs des mandements de justice; s'assurer de la personne des étrangers circulant sans passeports; faire la police sur les grandes routes, y maintenir les communications et les passages libres en tout temps; etc., etc.

A titre de service extraordinaire, la gendarmerie pouvait être requise par les administrations centrales, municipales et par les commissaires du Directoire près d'elles pour le maintien ou le rétablissement de la tranquillité publique (2). Elle pouvait également être requise pour leur prêter main forte par les préposés aux douanes; par les administrations forestières; par les percepteurs des contributions; par les commissaires du Directoire près les administrations pour escorter les deniers publics, courriers, voitures et message. ries nationales; par les commissaires du Directoire près les tribunaux, pour l'exécution des jugements et ordonnances de justice; etc.

Dans l'exécution de leurs fonctions, les officiers de gendar merie pouvaient en cas de besoin requérir le concours de l'armée et de la garde nationale sédentaire.

433. Police et discipline. Les officiers, sous-officiers et gendarmes étaient justiciables des conseils de guerre pour tous délits relatfis au service et à la discipline militaire; ils étaient au contraire justiciables des tribunaux criminels pour les délits relatifs au service de la police générale et judiciaire ainsi que pour tous autres délits.

(1) Voir à cet égard la loi des 26 juillet- 3 août 1791 et l'arrêté du 13 floréal an VII, ch. II.

(2) Voir plus haut, nos 57, 238, 263, 413 et 421.

LIVRE VII

Les libertés publiques et le régime des cultes, de l'enseignement et de la bienfaisance

CHAPITRE I

LA LIBERTÉ DE LA PRESSE (1)

434. LES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS. La constitution de l'an III proclamait d'une manière générale la liberté de manifester ses opinions et la liberté de la presse; elle admettait cependant qu'à titre exceptionnel et provisoire des entraves fussent mises par la loi à l'exercice de cette liberté. "Nul, disait l'art. 354, ne peut être empêché de dire, écrire, imprimer et publier sa pensée. Les écrits ne peuvent être

(1) Sur la liberté de la presse pendant la Révolution, voir surtout ALMA SÖDERHJELM, Le régime de la presse pendant la Révolution française, Paris, Welter, 1900-1901; AULARD, Histoire politique, pp. 359 et suiv.; 520 et suiv.; 609 et suiv.: et pour la Belgique, l'étude si documentée de M. PAUL VERHAEGEN, Essai sur la liberté de la presse en Belgique durant la domination française (17921814) (Extrait des Annales de la Société d'Archéologie de Bruxelles, t. VI, 1892, et t. VII, 1893). - Cfr. en outre LE POITTEVIN, La liberté de la presse depuis la Révolution (1789-1815), Paris 1901; TOURNEUX, Le régime de la presse de 1789 à l'an VIII, dans la Révolution française, t. XXV, 1893; la mercuriale du 1er octobre 1898 du procureur général près la Cour d'appel de Bruxelles VAN SCHOOR, La presse sous la Révolution française, etc.

soumis à aucune censure avant leur publication. Nul ne peut être responsable de ce qu'il a écrit ou publié, que dans les cas prévus par la loi. L'article 355 formulait l'exception comme suit: Il n'y a ni privilège, ni maîtrise, ni jurande, ni limitation à la liberté de la presse (1), du commerce, et à l'exercice de l'industrie et des arts de toute espèce. Toute loi prohibitive en ce geure, quand les circonstances la rendent nécessaire, est essentiellement provisoire, et n'a d'effet que pendant un an au plus, à moins qu'elle ne soit formellement renouvelée.,

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435. Les antécédents. A l'origine de la Révolution, l'éven. tualité de mesures prohibitives à l'égard de la liberté de la presse eût soulevé une réprobation presque générale. La déclaration des droits de l'homme et du citoyen décrétée le 26 août 1789, promulguée le 3 novembre 1789, et reproduite en tête de la constitution du 3 septembre 1791 (2) formulait, en effet, comme suit le principe de la liberté des opinions et de la presse: La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. „ L'Assemblée constituante ne réussit d'ailleurs pas à décréter une loi répressive des abus commis par la voie de la presse. " Pendant toute cette première période, dit Söderhjelm, l'existence de la liberté de la presse resta fondée uniquement sur la définition vague qu'en donnait la déclaration des droits, (3). Le 20 janvier 1790, Siéyès avait cependant déposé à l'Assemblée nationale un rapport sur "un projet de loi contre les délits qui peuvent se commettre

(1) Sur la portée exacte de l'art. 355, il y a controverse. D'après Baudin des Ardennes, membre des Anciens, les mesures prohibitives dont il est question dans l'art. 355 n'avaient pas trait à la liberté de la presse elle-même, mais aux questions pratiques qu'elle comporte. SÖDERHJELM. ouv. cité, t. II, p. 73.

(2) La déclaration des droits placée en tête de la constitution de l'an III, ne parlait pas de la liberté des opinions et de la presse. Voir plus haut, no 2, p. 7.

(3) SÖDERHJELM, ouv. cité, t. I, p. 109.

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