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469. MESURES PROTECTRICES DE LA LIBERTÉ DES CULTES. C'étaient les articles 2 et 3 de la loi du 7 vendémiaire qui s'occupaient des mesures protectrices de la liberté des cultes. Le premier punissait les individus qui outrageront les objets d'un culte quelconque dans les lieux destinés à son exercice, ou ses ministres en fonctions, ou interrompront par un trouble public des cérémonies religieuses de quelque autre culte que ce soit

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L'autre défendait " à tous juges et administrateurs d'interposer leur autorité et à tous individus d'employer les voies de fait, les injures ou les menaces, pour contraindre un ou plusieurs individus à célébrer certaines fêtes religieuses, à observer tel ou tel jour de repos, ou pour empêcher les dits individus de les célébrer ou de les observer, soit en forçant à ouvrir ou fermer les ateliers, boutiques, magasins. soit en empêchant les travaux agricoles, ou de quelque autre matière que ce soit

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L'article 4 ajoutait expressément que cette dernière disposition ne dérogeait pas aux lois qui fixaient les jours de repos des fonctionnaires publics (1), ni à l'action de la police pour maintenir l'ordre et la décence dans les fêtes civiques.

470. MESURES PRÉVENTIVES. L'article 5 s'occupait des mesures préventives. Dans le but d'obtenir des ministres de tous les cultes" une garantie purement civique contre l'abus qu'ils pourraient faire de leur ministère pour exciter à la désobéissance aux lois de l'État „, cet article décidait : "Nul ne pourra remplir le ministère d'aucun culte, en quelque lieu que ce puisse être, s'il ne fait préalablement, devant l'administration municipale ou l'agent municipal du lieu où il voudra exercer, une déclaration... dont la formule était : Je reconnais que l'universalité des citoyens français est le souverain, et je promets soumission et obéissance aux lois de la République.

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(1) Le décret du 16 vendémiaire an II (7 octobre 1793), art. 2 disait : “Les administrations, les tribunaux, les agents ou fonctionnaires publics ne pourront prendre de vacances que les 10, 20 et 30 de chaque mois, ou les derniers jours de chaque décade. „

L'obligation de faire cette déclaration était sanctionnée d'une amende de cinq cents livres et d'un emprisonnement qui ne pouvait excéder un an, ni être moindre de trois mois. En cas de récidive, la peine était de dix ans de gêne.

"Le ministre du culte, ajoutait l'art. 7, qui après avoir fait la déclaration la rétractait ou la modifiait, ou qui aurait fait des protestations ou restrictions contraires,,, devait être banni à perpétuité du territoire de la République. S'il y rentrait, il était condamné à la gêne à perpétuité (1).

471. MESURES RÉGLEMENTAIRES. Les mesures réglementaires de l'exercice des cultes s'occupaient de l'usage des églises, des frais des cultes, de leur exercice public et de la hiérarchie ecclésiastique.

Avec le décret du 11 prairial, la loi de vendémiaire admettait que les fidèles eussent l'usage des églises non aliénées. Mais les communes ou sections de communes ne pouvaient en nom collectif acquérir ni louer de local pour l'exercice des cultes (art. 9). Les églises continuaient d'ailleurs à servir de local pour les assemblées ordonnées par la loi et pour les cérémonies civiles. Une même église servait à plusieurs cultes.

Tout rassemblement de citoyens pour l'exercice d'un culte quelconque était soumis à la surveillance des autorités constituées (art. 1).

Les frais du culte incombaient exclusivement aux fidèles. Mais il ne pouvait, aux termes de l'art. 10 de la loi, être formé aucune dotation perpétuelle ou viagère, ni établi aucune taxe pour acquitter les dépenses des cultes ni pour assurer un logement à leurs ministres.

Tout exercice public des cultes était interdit. “Les cérémonies de tous cultes, disait l'art. 16, sont interdites hors l'enceinte de l'édifice choisi pour leur exercice.,, Aux termes de l'art. 17," l'enceinte choisie pour l'exercice d'un culte, devait être indiquée et déclarée aux autorités locales. Le ministre du culte ou les fidèles qui contrevenaient à ces dis

(1) L'Assemblée constituante avait cependant aboli les peines perpétuelles. Cfr. plus haut, nos 199 et 202.

positions étaient passibles d'une amende de 100 à 500 livres et d'un emprisonnement de un mois à deux ans. En cas de récidive, le ministre du culte était condamné à dix ans de gêne.

Nul ne pouvait, sous les mêmes peines, "paraître en public avec les habits, ornements ou costumes affectés à des cérémonies religieuses, ou à un ministre d'un culte „.

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Il était également défendu, sous des peines sévères, de placer en quelque lieu que ce soit de manière à être exposé aux yeux des citoyens, les signes particuliers à un culte (art. 13).

L'usage des cloches était interdit. Aucune proclamation ni convocation publique ne pouvait être faite pour inviter les fidèles à assister aux exercices de leur culte (1).

Une réglementation non moins minutiense visait les communications des supérieurs ecclésiastiques aux fidèles. Tout ministre d'un culte, disait l'art. 22, qui, hors de l'enceinte de l'édifice destiné aux cérémonies ou exercice d'un culte, lira ou affichera ou distribuera un écrit émané ou annoncé comme émané d'un ministre de culte qui ne sera pas résidant dans la République française, ou même d'un ministre de culte résidant en France qui se dira délégué d'un autre qui n'y résidera pas, sera condamné à six mois de prison, et, en cas de récidive, à deux ans (2).

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472. MESUREs répressives. La loi du 7 vendémiaire comminait enfin des peines sévères pour la répression des faits que le législateur de l'époque considérait comme des abus commis à l'occasion de l'exercice des cultes.

C'est ainsi qu'une amende de cinquante à cinq cents livres frappait ceux qui tenteraient, par injures ou menaces, de contraindre un ou plusieurs individus à contribuer aux frais d'un culte ou qui seraient instigateurs des dites injures ou menaces. Si des violences ou des voies de fait étaient exercées, l'emprisonnement s'ajoutait à l'amende (art. 12).

(1) Loi du 3 ventôse an III, art. 7. Voir aussi la loi du 22 germinal

(2) Cfr. plus bas, p. 345, note 2.

Une amende de mille livres et deux ans de prison frappaient le ministre du culte qui par des écrits, placards ou discours chercherait" à égarer les citoyens, en leur présentant comme injustes et criminelles les ventes ou acquisitions de biens nationaux possédés ci-devant par le clergé ou les émigrés,,. Il devait, de plus, lui être défendu de continuer ses fonctions de ministre de culte s'il contrevenait à cette défense, il devait être puni de dix ans de gêne (art. 24).

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L'article 23 était draconien. Il punissait d'une peine uniforme, celle de la gêne à perpétuité, le ministre de culte qui se rendait coupable par des discours, exhortations, prédications, invocations, prières, etc., de l'un des délits suivants, dont la gravité intrinsèque différait cependant du tout au tout provoquer au rétablissement de la royauté en France; inviter des individus à abattre les arbres consacrés à la liberté, à en détruire ou avilir les signes et couleurs; provoquer au meurtre ou exciter les défenseurs de la patrie à déserter leurs drapeaux, ou leurs pères et mères à les rappeler; exhorter ou encourager des personnes quelconques à la rébellion contre le gouvernement.

473. Telle était la législation que le Directoire fut chargé d'appliquer. Elle était singulièrement étroite." On a dit avec beaucoup de raison, écrit M. Sciout, que la Convention en édictant cette loi semblait regarder la religion comme une peste, contre laquelle il fallait protéger les citoyens par tous les moyens possibles. Les plus minutieuses précautions sont prises pour qu'aucun signe religieux ne puisse blesser les regards des iconoclastes; la religion est parquée soigneusement dans l'intérieur des maisons, comme industrie insalubre et honteuse; le prédicateur est bâillonné, la hiérarchie entravée !

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En fait, comme nous allons le voir en étudiant le fonctionnement et l'application de la loi, les catholiques, sous le Directoire, ne jouirent même pas de la liberté si restreinte qui leur était promise.

§ 3. Le fonctionnement de la séparation de l'Église et de l'État avant le coup d'Etat de fructidor

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474. LA POLITIQUE RELIGIEUSE DU DIRECTOIRE. "Les cultes. avait dit Boissy d'Anglas, en exposant les devoirs de la puissance publique à leur égard lors de la présentation de la loi du 3 ventose an III (1), les cultes quels qu'ils soient n'auront de vous aucune préférence; vous n'adopterez point celui-ci pour persécuter celui-là... En fait, le Directoire s'inspira dans sa ligne de conduite en matière religieuse de vues très différentes." Le Directoire, dit M. Aulard (2), a un parti pris contre l'Église catholique romaine. Cette Église est la plus forte; elle est très forte; elle menace de dominer les autres églises et l'État : la politique gouvernementale vise à l'affaiblir, ou même, comme ses dogmes semblent incompatibles avec les principes de la République, à la détruire... D'autre part, favoriser l'église ci-devant constitutionnelle comme élément de contrepoids, mais la combattre en ce qu'elle professe de contraire aux lois républi caines...; ne pas s'occuper des groupes protestant et israélite, qui sont sages (3); favoriser le développement des cultes nouveaux à base rationaliste...; éliminer peu à peu la religion révélée de la conscience nationale en faisant l'éducation de cette conscience par un système laïque d'instruction publique et de fêtes civiques: voilà les tendances et la méthode que révèlent presque tous les actes politico-religieux du Directoire.

Il convient d'étudier de plus près l'application de cette politique dans ses rapports surtout avec l'Église romaine, avec l'Eglise schismatique et avec les cultes rationalistes.

475. LE SORT DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE ROMAINE. Indépendamment des dispositions hostiles du pouvoir exécutif, des

(1) Voir plus haut, no 467, in fine.

(2) Voir AULARD, Histoire politique citée, pp. 642-643.

(3) Cf. KAHN, Les juifs de Paris pendant la Révolution, Paris, 1898; LoDs, Les églises luthériennes d'Alsace pendant la Révolution. (article paru dans la Revue chrétienne, 1898); ID., L'Église réformée de Paris pendant la Révolution, Paris, 1889.

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