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l'art. 296, des écoles primaires où les enfants apprennent à lire, à écrire, les éléments du calcul et ceux de la morale. La République pourvoit aux frais de logement des instituteurs préposés à ces écoles.,,-"Il y a, ajoutait l'art. 297, dans les diverses parties de la République, des écoles supérieures aux écoles primaires, et dont le nombre sera tel qu'il y en ait au moins une pour deux départements., L'organisa tion de l'instruction publique ne pouvait d'ailleurs avoir un caractère de centralisation accentuée: "Les divers établis sements d'instruction publique, disait l'art. 299, n'ont entre eux aucun caractère de subordination, ni de correspondance administrative.

La constitution proclamait ensuite, en termes catégoriques, le principe de la liberté d'enseignement. Les citoyens, disait l'art. 300, ont le droit de former des établissements particuliers d'éducation et d'instruction, ainsi que des sociétés libres pour concourir aux progrès des sciences et des lettres.

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489. Loi du 3 brumaire an IV sur l'instruction publique. La Convention avait tenu à voter avant de se séparer la loi organique de l'instruction publique: ce fut l'objet d'un décret du 3 brumaire an IV, qui resta en vigueur jusqu'au Consulat. Ce décret s'occupait tout à la fois de l'enseignement

de 1789, publiée sous les auspices du ministère de l'instruction publique.-M. HIPPEAU, L'instruction publique en France pendant la Révolution, a réuni en 2 vol. in-12, Paris, 1881 et 1883, les principaux rapports et discours législatifs.

Les travaux d'érudition sur la question de l'enseignement à cette époque sont extrêmement nombreux. Nous ne pouvons citer que les ouvrages les plus généraux : GUILLAUME, l'introduction aux divers volumes des Procès-verbaux cités ; A. DURUY, L'instruction publique et la Révolution, Paris, 1882; BABEAU, L'école de village pendant la Révolution, Paris, 1885; ALLAIN, L'œuvre scolaire de la Révolution (1789-1802), Paris, 1891; LIARD. L'enseignement supérieur en France (1789-1893), Paris, 1894; A. MALET, Les créations scolaires et scienti fiques de la Révolution, dans le t. VIII de l'Histoire générale de MM. LAVISSE et RAMBAUD, Paris, 1896; etc. - On trouvera, dans la plupart de ces ouvrages généraux, l'indication des monographies départementales ou locales.

primaire, moyen et supérieur, de l'Institut et des fêtes nationales.

§ 1. L'enseignement primaire

490. L'organisation donnée à l'enseignement primaire par la loi du 3 brumaire an IV différait à beaucoup d'égards de celle qui avait paru réunir les sympathies de la Constituante et de la Législative; elle différait même notablement des systèmes que la Convention avait consacrés par des lois antérieures. Il importe, avant d'analyser les dispositions de la loi du 3 brumaire, d'esquisser les efforts qui furent faits avant cette époque pour résoudre le problème de l'enseignement populaire.

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L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE DEPUIS LA RÉVOLUTION
JUSQU'A LA LOI DU 3 BRUMAIRE AN IV

491. L'ŒUVRE de l'AssemblÉE CONSTITUANTE. L'enseignement primaire et les cahiers (1). A la veille de 1789, grâce surtout aux initiatives du clergé et des autorités locales, les écoles élémentaires étaient largement répandues sur toute la surface du territoire français. Sans doute, leur organisation, qui variait de localité à localité, était souvent rudimentaire. De là, dans les cahiers, le vœu de voir "nationaliser, l'enseignement populaire, c'est-à-dire le vœu que son organisation et son fonctionnement soient établis d'après un plan d'ensemble.

On espérait que cette organisation "nationale „, étendant les programmes, perfectionnant les méthodes et relevant la situation, assez déprimée, du personnel enseignant, assurerait une plus large diffusion de l'instruction.

(1) ALLAIN, L'instruction primaire en France avant la Révolution, Paris, 1881; ID., La question d'enseignement en 1789, d'après les cahiers, Paris, 1886.

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492. Mesures transitoires (1). Le temps fit défaut à la Constituante pour réaliser les vœux de l'opinion. Cette assemblée ne laissa, en fait d'enseignement, ni une œuvre, ni une loi. Elle se borna à décréter, au nombre des dispositions fondamentales que garantissait la constitution du 3 septembre 1791, qu'il serait créé et organisé une instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l'égard des parties d'enseignement indispensables pour tous les hommes, et dont les établissements seraient distribués dans un rapport combiné avec la division du royaume. En attendant, et tout en détruisant leurs privilèges et en confisquant leurs biens, elle maintint provisoirement les corps et les établissements alors existants (2), après les avoir placés sous la tutelle des autorités administratives (3). Indirectement cependant, l'Assemblée nationale jeta un trouble profond dans le fonctionnement de l'instruction aux divers degrés, tant par ses décrets relatifs aux dimes et aux octrois municipaux (4) que par ceux relatifs aux serments (5). Les premiers privèrent les écoles d'une partie importante de leurs

(1) Voir au sujet des mesures prises par la Constituante en matière d'instruction publique un résumé de l'archiviste Camus, reproduit dans GUILLAUME, Procès-verbaux du Comité d'instruction publique de l'Assemblée législative, pp. 1v et suiv.

(2) Décrets des 4 août- 21 novembre 1789 abolissant les droits féodaux, les dîmes, les privilèges; des 2-4 novembre 1789 (confiscation des biens ecclésiastiques); des 20-22 avril 1790; loi du 26 septembre 1791.

(3) Art. 2 de la section III de la loi du 22 décembre 1789, lois du 22 mars 1791, des 15-17 avril 1791, du 26 septembre 1791, du 9 septembre 1793 et les deux décrets du 3 octobre 1793. Cfr. n° 234.

(4) Décrets des 4 août- 21 novembre 1789 (art. 5) abolissant les dîmes, et des 19-25 février 1791, abolissant tous les impôts perçus à l'entrée des villes, bourgs et villages.

(5) Décret du 22 mars 1791, art. 3 "... Nul individu ne sera appelé à exercer, et nul professeur ne pourra continuer aucune fonction ou remplir aucune place dans les établissements appartenant à l'instruction publique dans tout le royaume, qu'auparavant il n'ait prêté le serment civique; et s'il est ecclésiastique, le serment des fonc tionnaires publics ecclésiastiques, c'est-à-dire le serment à la constitution civile du clergé (Voir plus haut, no 458). Cfr. aussi le décret des 15-17 avril 1791.

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ressources; les autres désorganisèrent le personnel, un grand nombre de professeurs, d'instituteurs ou d'institutrices ayant refusé de prêter le serment que l'Assemblée prétendait leur imposer.

493. LE RAPPORT DE TALLEYRAND (1). A défaut de loi, l'Assemblée laissa un projet de décret préparé par son Comité de constitution. Il importe d'analyser ici brièvement ce projet ainsi que le rapport de Talleyrand qui le précédait, parce que ces documents reflètent, dans une large mesure, en matière d'enseignement, les vues des hommes de 1789 à une époque où les discordes civiles et religieuses n'avaient pas encore atteint leur paroxysme.

494. Le projet du Comité de constitution admettait la liberté de l'enseignement. "Si chacun, disait Talleyrand, a le droit de recevoir les bienfaits de l'instruction, chacun a réciproquement le droit de concourir à les répandre : car c'est du concours et de la réalité des efforts individuels que naîtra toujours le plus grand bien. La confiance doit seule déterminer les choix pour les fonctions instructives; mais tous les talents sont appelés de droit à disputer ce prix de l'estime publique. Tout privilège est par sa nature odieux; un privilège, en matière d'instruction, serait plus odieux et plus absurde encore (2). „

495. Le rapport de Talleyrand repoussait l'instruction obligatoire." La nation, disait-il, offre à tous le bienfait de l'instruction; mais elle ne l'impose à personne... Elle respectera ces éternelles convenances de la nature qui, mettant sous la sauvegarde de la tendresse paternelle le bonheur des enfants, laisse au père le soin de prononcer sur ce qui leur importe davantage jusqu'au moment où, soumis à des devoirs personnels, ils ont le droit de se décider eux-mêmes.

(1) On le trouvera dans HIPPEAU, ouv. cité, t. I, pp. 33 et suiv., et dans les Archives parlementaires, 1re série, t. XXX, pp. 480 et suiv. Quant aux projets de décrets annexés au rapport, on les trouvera dans les Archives parlementaires, ibid., pp. 480 et suiv. (2) HIPPEAU, ouv. cité, t. I, pp. 43-44.

Elle se défendra des erreurs de cette République austère qui, pour établir une éducation strictement nationale, osa d'abord ravir le titre de citoyen à la majorité de ses habitants, qu'elle réduisit à la plus monstrueuse servitude, et se vit ensuite obligée de briser tous les liens des familles, tous les droits de la paternité, par des lois contre lesquelles s'est soulevée dans tous les temps la voix de la nature (1). „

496. Quant au programme de l'enseignement dans les écoles primaires, il devait comprendre" des documents généraux nécessaires à tous, et dont l'ensemble puisse être regardé comme l'introduction de l'enfance dans la société „. Le Comité y faisait rentrer les objets suivants : 1o la lecture, l'écriture, les éléments du calcul, les mesures; 2o les éléments de la religion, " car, disait le rapporteur, si c'est un malheur de l'ignorer, c'en est un plus grand peut-être de la mal connaître, ; 3° les principes de la morale: "elle est, aux yeux de Talleyrand (2), à la fois et pour tous, le bonheur de l'âme, le supplément nécessaire des lois, et la caution véritable des hommes réunis par le besoin, et trop souvent divisés par l'intérêt,; 4 les principes de la constitution; 5o la gymnastique, le dessin, des notions d'histoire, de géographie et de botanique.

497. Il devait y avoir une école primaire par canton, " ou plus exactement, selon le rapporteur, dans chaque division qui renferme une assemblée primaire, (3).

L'accès à ces écoles devait être gratuit. “ La seule instruc tion que la société doive avec la plus entière gratuitė, disait toujours Talleyrand dans son rapport, est celle qui est essentiellement commune à tous, parce qu'elle est nécessaire à tous. Le simple énoncé de cette proposition en renferme la preuve : car il est évident que c'est dans le trésor commun que doit être prise la dépense nécessaire pour un bien commun; or, l'instruction primaire est absolument et rigou

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