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Elle place, dans les institutions qu'elle établit, les premiers magistrats dont le dévouement a paru nécessaire à son activité.

La constitution est fondée sur les vrais principes du gouvernement représentatif, sur les droits sacrés de la propriété, de l'égalité, de la liberté.

,, Les pouvoirs qu'elle institue seront forts et stables, tels qu'ils doivent être pour garantir les droits des citoyens et les intérêts de l'État.

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Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée; elle est finie.

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Au recensement général des votes, le 18 pluviose an VIII, il se trouva que le plébiscite avait donné 3.011.007 oui contre 1562 non (1). La fin de cette consultation populaire ne fut pas même attendue, d'ailleurs, pour la mise en vigueur de la constitution nouvelle. Une loi du 3 nivôse en décida la mise en activité à partir du lendemain 4 nivôse (25 décembre 1799).

603. LA CONSTitution du 22 FRIMAIRE AN VIII. Déclaration de droits, garanties de droits. A la différence des constitutions antérieures, celle de l'an VIII ne fut précédée d'aucune déclaration de droits ni de devoirs (2). Elle ne contenait même guère de garanties de droits. Il n'y est pas question de la liberté de presse, ni de la liberté de conscience, ni de la liberté des cultes. Parmi les rares dispositions libérales qui y trouvèrent place, il faut noter le principe de l'inviolabilité du domicile (art. 76), la garantie de la liberté individuelle (art. 77 et suiv.) et le droit de pétition (art. 83) (3).

Quelques membres des Commissions avaient essayé d'élever des barrières contre les abus possibles de la part des autorités et de stipuler des garanties. Bonaparte témoigna

(1) En Belgique, la masse des citoyens s'abstinrent de voter : la République était en guerre avec l'Autriche, et il était dès lors incertain si la maison d'Autriche ne rentrerait pas en possession des Pays-Bas. — Cfr. LANZAC, ouv. cité, t. I, p. 309.

(2) Voir plus haut, no 2.

(3) Comme dans la constitution de l'an III (art. 364), les citoyens ne pouvaient adresser que des pétitions individuelles. Cfr. plus haut, nos 451 et 452.

de l'humeur, et, lorsque le moment fut arrivé d'examiner ces questions qui prêtaient à discussions, il brusqua, comme nous venons de le dire, le travail des commissions. Il tenait d'ailleurs à spécifier le moins de choses possible dans la constitution (1).

Les art. 93 et 94 de la constitution du 22 frimaire an VIII garantissaient, à peu près dans les mêmes termes que la constitution de l'an III, l'irrévocabilité des lois rendues contre les émigrés, ainsi que celle de toute vente légalement consommée de biens nationaux (2).

604. Organisation des pouvoirs publics. Caractère géné ral de la constitution de l'an VIII. Comparée aux constitutions précédentes, la constitution de l'an VIII est fort peu détaillée : elle ne comprend que 95 articles. C'est qu'elle ne s'occupait que de l'organisation des grands pouvoirs consti tutionnels. L'organisation départementale et locale, les finances, les cultes, l'instruction publique, la force publique n'y étaient traités que d'une façon incidente.

A côté d'une organisation très forte du pouvoir exécutif, le trait le plus notable de la constitution de l'an VIII" c'est qu'on y ôte à la nation, tout en la reconnaissant souveraine, le droit d'élire ses députés, de faire des lois par eux, de régler par eux les recettes et les dépenses, (3). On se tromperait si l'on attribuait la suppression des élections à l'influence de Bonaparte et des militaires. Elle répondait directement aux vues de Siéyès et des principaux meneurs civils du coup d'État de brumaire. " Depuis cinq ans, écrit M. Vandal (4), le parti des anciens conventionnels et de leurs adhérents déte nait la France, se prolongeait au pouvoir par usurpations périodiques sur la souveraineté nationale. En l'an III, ces hommes avaient faussé les élections, en imposant arbitraire. ment au choix des citoyens les deux tiers de la Convention; en fructidor an V, ils les avaient brisées par le sabre d'Au

(1) VANDAL, ouv. cité, pp. 516, 521.

(2) Voir plus haut, no 3, in fine.

(3) AULARD, ouv. cité, p. 706.

(4) Vandal, ouv. cité, p. 495. Cfr. THIERS, Histoire du Consulat et de l'Empire, t. I, p. 25.

gereau; en floréal an VI, ils les avaient invalidées au profit de leurs candidats mis une fois de plus en minorité (1). Siéyès aujourd'hui allait jusqu'au bout et supprimait les élections.,

D'après lui, le pouvoir, devait venir d'en haut; la “confiance, seule devait venir d'en bas (2), c'est-à-dire du peuple. Dès lors, le peuple ne devait plus désigner lui-même ses représentants. Mais il conserverait le droit de dresser des listes de candidats. A une autorité supérieure (un Sénat se recrutant lui-même) incomberait la mission de choisir, parmi les candidats honorés de la confiance du peuple, ceux qui seraient effectivement ses représentants. Pour que le pouvoir vint réellement d'en haut, il fallait évidemment que ce choix s'exerçât entre un très grand nombre de candidats. Mais alors le droit du peuple de marquer au préalable les candidats du sceau de sa confiance devenait presqu'illusoire. Une pareille combinaison devait tout naturellement rentrer dans les vues de ceux qui avaient toujours redouté les verdicts du corps électoral et cherché à s'insurger contre lui.

(1) Voir plus haut, nos 20, 21 et 22.

(2) Cfr. BOULAY DE LA MEURTHE, Théorie constitutionnelle de Siéyès.

LIVRE PREMIER

Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif pendant le Consulat décennal

CHAPITRE I

LE POUVOIR LÉGISLATIF

605. COMPLEXITÉ DU POUVOIR LÉGISLATIF. Dans la constitution de l'an VIII, le pouvoir législatif s'exerçait sous le haut contrôle du Sénat collectivement par le Gouvernement, assisté du Conseil d'Etat, par le Tribunat et par le Corps législatif.Ces divers corps participaient d'ailleurs d'une manière fort inégale à l'exercice du pouvoir législatif. Le Gouvernement proposait les lois, dont le projet était rédigé sous sa direction par le Conseil d'Etat. Le Tribunat les exa. minait et émettait un vou d'adoption ou de rejet. Le Corps législatif les décrétait après avoir entendu les orateurs du Tribunat et du Conseil d'Etat. Le Sénat, enfin, maintenait ou annulait tout acte qui lui était déféré comme inconstitutionnel. Cette institution ne tarda pas d'ailleurs à s'écarter de sa mission de contrôle pour s'attribuer, collectivement avec le Gouvernement, le pouvoir constituant lui-même. Pendant le Consulat à vie et sous l'Empire, le rôle du Sénat en matière législative grandit encore.

Le trait caractéristique de l'organisation du pouvoir législatif telle que nous venons de l'esquisser, c'est la séparation

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