Page images
PDF
EPUB

pouvait, en toute matière, inviter, par écrit, le Conseil des Cinq-Cents à prendre un objet en considération. Il pouvait même lui proposer des mesures, mais non des projets rédigés en forme de loi, (art. 163, C. III).

66

En fait, de très nombreuses mesures furent prises par le Corps législatif et des lois modifiées ou décrétées par lui à la suite d'un message du Directoire (1).

Ni les directeurs, ni les ministres n'avaient cependant entrée aux Conseils." Le Directoire, disait l'article 170 de la constitution, a quatre messagers d'État. Ils portent aux deux Conseils législatifs les lettres et les mémoires du Directoire; ils ont entrée à cet effet dans le lieu des séances des Conseils législatifs. Ils marchent précédés de deux huissiers. Les Conseils avaient également leurs messagers d'État chargés de porter au Directoire les lois et actes du Corps législatif (art. 125-126, C. III).

"

38. Dans l'élaboration de la loi une part inégale était faite aux deux Conseils." La proposition des lois, disait l'article 76 de la constitution, appartient exclusivement au Conseil des Cinq-Cents.,

[ocr errors]

Chaque membre du Conseil des Cinq-Cents pouvait prendre l'initiative d'une proposition, mais aucune motion, ne pouvait être discutée, si elle n'était appuyée par quatre membres et préalablement déposée sur le bureau (2).

Sans droit d'initiative (3),les Anciens n'avaient aucun droit d'amendement." La proposition de la loi, faite par le Conseil des Cinq-Cents, disait l'article 95 de la constitution,

(1) Cf. les histoires du Directoire et spécialement une publication faite à Paris, Imprimerie nationale, vendémiaire an VII, par les soins de la Commission des inspecteurs du Conseil des Cinq-Cents et intitulée : Table alphabétique des matières contenues dans les messages adressés par le Directoire exécutif au Conseil des CingCents, depuis le 13 brumaire an IV jusqu'au 1er prairial an VI, un vol. in-8°, de 431 pages.

(2) Loi du 28 fructidor an III portant règlement d'ordre intérieur des Conseils (voir plus haut, no 29): articles 1 et 2 du titre consacré aux motions.

(3) Sauf en matière de revision de la constitution. Voir plus bas,

s'entend de tous les articles d'un même projet : le Conseil des Anciens doit les rejeter tous, ou les approuver dans leur ensemble.,, Indirectement toutefois, et grâce aux dispositions des articles 99-100, le Conseil des Anciens pouvait, dans une certaine mesure, faire prévaloir ses vues quant à la nécessité d'un amendement. L'article 99 disait, en effet, qu'en cas de rejet par les 'Anciens d'un projet de loi, ce projet ne pouvait plus être présenté par le Conseil des Cinq-Cents qu'après une année révolue. Mais, ajoutait l'article 100, le Conseil des Cinq-Cents peut néanmoins présenter, à quelque époque que ce soit, un projet de loi qui contienne des articles faisant partie d'un projet qui a été rejeté.

Cette répartition de fonctions était justifiée comme suit par Boissy d'Anglas: "Le Conseil des Cinq-Cents étant composé de membres plus jeunes, proposera les décrets qu'il croira utiles; il sera la pensée, et, pour ainsi dire, l'imagination de la République; le Conseil des Anciens en sera la raison : il n'aura d'autre emploi que d'examiner avec sagesse quelles seront les lois à admettre ou les lois à rejeter, sans pouvoir en proposer jamais. Le contraire eût été dange. reux; rien n'eût empêché qu'une faction, s'établissant dans le Conseil des Anciens, ne voulût conquérir l'opinion populaire par des propositions exagérées, et ne rivalisât d'extravagance avec le Conseil qu'il doit contenir (1). „

39. Interdiction au Corps législatif de déléguer ses pouvoirs. L'article 45 de la constitution déclarait qu'en aucun cas, le Corps législatif ne pouvait déléguer à un ou plusieurs de ses membres, ni à qui que ce soit, aucune des fonctions qui lui étaient attribuées par la constitution. Il n'y aurait plus désormais de représentants du peuple en mission.

40. RAPPORTS AVEC LE POUVOIR EXÉCUTIF. Tout en confiant aux Conseils l'élection des membres du Directoire exécutif, la constitution ne considérait pas néanmoins ceux-ci comme les délégués du Corps législatif pour l'exercice du pouvoir exécutif. C'est la nation qui déléguait le pouvoir exécutif au

(1) Discours préliminaire cité, pp. 41-42.

Directoire, le Corps législatif faisant simplement, aux termes de l'art. 132," les fonctions d'assemblée électorale, au nom de la nation

[ocr errors]

La constitution proclamait d'ailleurs en termes fort nets la séparation et l'indépendance du pouvoir exécutif à l'égard du pouvoir législatif: "Le Corps législatif, disait l'article 46, ne peut exercer par lui-même, ni par des délégués, le pouvoir exécutif, ni le pouvoir judiciaire. „ “ Il faut, expliquait Boissy d'Anglas, que les lois se fassent avec lenteur et s'exécutent avec promptitude, et le contraire existe nécessairement, si le pouvoir de faire les lois est confondu avec celui de les faire exécuter; il faut que les lois soient générales, qu'elles embrassent tous les hommes, qu'elles soient connues d'avance par tous ceux qui y sont soumis, et le contraire arrive nécessairement, si le législateur peut encore être chargé de l'exécution; alors vous n'avez plus des lois positives, vous n'avez que des décisions appliquées à des cas particuliers.

[ocr errors]

Les Conseils n'exerçaient même pas à l'égard du Directoire et de ses ministres ce droit de contrôle que les Chambres exercent aujourd'hui sur les actes des ministres responsables.

Les ministres n'ayant point entrée aux Conseils, on ne pouvait ni leur poser des questions, ni les interpeller. Les Conseils ne possédaient même pas le droit d'enquête parlementaire (2). Mais ils avaient le droit de demander par écrit au Directoire des comptes et des éclaircissements, que celui-ci devait lui fournir, par écrit également (art. 161, C. III). Il arriva souvent que les demandes d'éclaircissements visaient la conduite et les agissements des ministres ou des fonctionnaires du Directoire (3).

Les Commissions des Conseils avaient d'ailleurs des conférences fréquentes, soit avec le Directoire, soit avec les ministres (4).

(1) Discours préliminaire cité, pp. 45-46.

(2) ESMEIN, ouv. cité, p. 830.

(3) Voir des exemples dans les Mémoires de Barras, t. II, pp. 87, 142; t. III, 254.

(4) Mémoires de Barras, t. II, 161, 186, 216, etc.; Mémoires de La Revellière-Lépeaux, t. I, p. 368.

41. Si le Directoire et ses ministres n'étaient pas politiquement responsables vis-à-vis des Conseils, c'était cependant le Corps législatif qui mettait en œuvre la responsabilité pénale des membres du Directoire. Il possédait à leur égard le droit d'accusation (art. 158, C. III).

42. REVISION DE LA CONSTITUTION. La constitution de l'an III consacrait un titre entier à ce sujet (art. 336 et suiv.).

Elle donnait au Corps législatif le droit de déclarer qu'il y avait lieu à revision. Elle ne lui donnait pas le droit de statuer sur les modifications mêmes à apporter à l'acte constitutionnel : c'était là l'œuvre d'une assemblée spéciale, dite Assemblée de revision, dont la constitution réglait l'organisation et la convocation. Les assemblées primaires devaient statuer sur le projet de réforme arrêté par l'Assemblée de revision.

La déclaration par le Corps législatif qu'il y avait lieu à revision était soumise à des solennités spéciales. La proposition de revision ne pouvait émaner que des Anciens, elle devait être ratifiée par les Cinq-Cents. "Lorsque, disait l'art. 338 de la constitution, dans un espace de neuf années, la proposition du Conseil des Anciens, ratifiée par le Conseil des Cinq. Cents, a été faite à trois époques éloignées l'une de l'autre de trois années au moins, une Assemblée de revision est convoquée. »

LIVRE II

Le Pouvoir exécutif

CHAPITRE I

LE DIRECTOIRE EXÉCUTIF

§ 1. Organisation du Directoire exécutif

43. NOMINATION. L'art. 132 de la constitution déléguait le pouvoir exécutif" à un directoire de cinq membres, nommé par le Corps législatif, faisant alors les fonctions d'assemblée électorale au nom de la nation

"Cette combinaison, disait Boissy d'Anglas (1), concentre assez la force du gouvernement pour qu'il soit rapide et ferme, et la divise assez pour rendre chimérique toute prétention d'un des directeurs à la tyrannie. „ Elle ne fut cependant pas adoptée sans discussion dans la commission chargée de préparer le projet de constitution (2). Les uns voulaient deux magistrats suprêmes, ou consuls biennaux, dont l'un gouvernerait pendant la première année, et l'autre pendant la seconde ; d'autres, un président annuel; d'autres, un conseil d'au moins trois membres. On finit par en adopter cinq." Chacun se décida, écrit Thibaudeau (3), pour tel ou

(1) Discours préliminaire cité, p. 47.

(2) AULARD, Histoire politique citée, p. 564.

(3) Mémoires sur la Convention et le Directoire, Paris, 1824, t. I, p. 183.

« PreviousContinue »