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686. La Légion d'honneur (1) se composait d'un grand Conseil d'administration et de quinze cohortes. La circonscription d'une cohorte comprenait un certain nombre de départements. Au chef-lieu de la cohorte, il y eut, jusqu'au décret du 28 février 1809, une résidence pour le grand offi cier chef de la cohorte. Les départements de la Dyle, de l'Escaut, de la Lys, des Deux-Nèthes, de l'Ourthe et de Sambre-et-Meuse formèrent la troisième cohorte dont le chef-lieu, fixé d'abord dans les anciens bâtiments du chapitre St-Martin à Ypres, fut plus tard transféré à l'abbaye de St-Pierre à Gand (2). Le département de Jemmapes faisait partie de la seconde cohorte, ayant pour chef-lieu l'abbaye de St-Waast, à Arras, et ceux des Forêts et de la Meuse inférieure étaient compris dans la quatrième cohorte ayant pour chef-lieu le château de Brühl près de Cologne (3).

Chaque cohorte se composait de sept grands officiers, de vingt commandants, de trente officiers et de trois cent cinquante légionnaires. Un traitement était attaché à la qualité de membre de la Légion. Un grand officier recevait cinq mille francs, un commandant deux mille francs, un officier mille francs, un légionnaire deux cent cinquante francs. Pour faire face à ces traitements, chaque cohorte (4) devait recevoir une dotation en biens nationaux produisant deux cent mille francs de rente (5).

Le grand Conseil se composait de sept grands officiers, savoir les trois Consuls, un sénateur, un membre du Corps législatif, un tribun et un conseiller d'Etat, respectivement élus par le corps dont ils faisaient partie. Sous le Consulat à vie, il fut décidé que les membres du grand Conseil d'admi

(1) Loi du 29 floréal an X (19 mai 1802) et arrêtés d'exécution du 13 messidor et du 3 thermidor an X, du 24 ventôse et du 22 messidor an XII et le décret du 11 avril 1809.

(2) Cfr. SOULAJON, ouv. cité, pp. 136 et suiv.

(3) Arrêté du 13 messidor an X.

(4) L'arrêté du 13 messidor an X créa une seizième cohorte pour les départements italiens.

(5) Plus tard, à raison des difficultés d'administration, etc., on adopta, partiellement d'abord, et définitivement ensuite un autre mode de dotation. Cfr. surtout à cet égard l'arrêté du 13 messidor an X, la loi du 11 pluvióse an XIII, et dans SOULAJON, ouv. cité, pp. 50 et 101, les décrets du 18 septembre 1806 et du 28 février 1809.

nistration seraient nommés par le premier Consul. Le Sénat, le Conseil d'Etat, etc., n'eurent plus qu'un droit de présentation (1). Sous l'Empire, enfin, l'administration de la Légion d'honneur fut confiée aux titulaires des grandes dignités de l'Empire (2) (art. 36, C. XII).

Le grand Conseil conférait la qualité de membre de la Légion. La loi du 29 floréal an X décréta qu'une fois la première formation faite, il faudrait, en temps de paix, vingtcinq années de services militaires ou civils pour être admis dans l'ordre. Mais les années de campagne comptaient double et quelquefois plus.

§ 2. Le Conseil d'État

687. La constitution de l'an VIII voulait, nous l'avons vu, que les Consuls exerçassent certaines de leurs attributions les plus importantes par l'intermédiaire d'un Conseil d'Etat, placé sous leur direction immédiate (3). Mais elle ne réglait ni la composition, ni le fonctionnement de cette institution. Ces points furent l'objet d'un arrêté des Consuls, en date du 5 nivôse an VIII.

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688. COMPOSITION. Le Conseil d'État se composait d'un nombre variable de membres: "trente à quarante „, disait l'arrêté organique.

Ces membres se distinguaient, en vertu d'un arrêté du 7 fructidor an VIII, en conseillers en service ordinaire et conseillers en service extraordinaire. Les uns et les autres étaient à la nomination du premier Consul qui pouvait les révoquer à volonté (art. 41, C. VIII).

(1) Sénatus-consulte du 28 frimaire an XII, art. 37.

(2) Les membres nommés en l'an XI devaient cependant conser. ver leurs fonctions toute leur vie (art. 36, C. XII).

(3) Aucoc, Le Conseil d'État avant et depuis 1789, Paris, 1876. — On trouvera dans cet ouvrage la bibliographie des sources du Conseil. Consulter aussi les mémoires, souvenirs, etc., d'anciens conseillers, maîtres de requête ou auditeurs, comme Thibaudeau, Roederer, Pelet (de la Lozère), Miot de Melito, Pasquier, etc.

Sauf la disposition de l'article 58 de la constitution : “le Gouvernement ne peut élire ou conserver pour conseillers d'Etat que des citoyens dont les noms se trouvent inscrits sur la liste nationale,, aucune condition spéciale d'éligibilité n'était prescrite ni par la constitution, ni par l'arrêté organique. Le Conseil d'État avait un secrétaire général, nommé par le premier Consul (1). Sa fonction était de faire le départ des affaires entre les différentes sections, de tenir la plume aux assemblées générales du Conseil, etc. (2). Nommé secré taire général en nivôse an VIII, Locré exerça ses fonctions pendant toute la durée du Consulat et de l'Empire (3).

(1) Ce Conseil d'État n'avait rien de commun avec le Conseil d'Etat de la loi des 27 avril-25 mai 1791 (voir plus haut, no 81) relative à l'organisation du ministère. Composé du Roi et des ministres, ce Conseil d'Etat n'était qu'un Conseil des ministres.

(2) Sur ses fonctions, voir l'art. 13 du règlement du 5 nivôse an VIII. (3) Le Conseil d'Etat, dès sa seconde séance, le 5 nivôse an VIII, avait décidé que les procès-verbaux de ses assemblées générales ne relateraient pas les opinions des divers orateurs qui prendraient part aux discussions. Lorsque plus tard il s'occupa de la rédaction des codes, il décida que pour cet objet particulier il serait fait exception à la règle générale et que les procès-verbaux contiendraient une relation analytique des discussions. Locré a publié intégralement ces procès-verbaux dans sa Législation civile, commerciale et criminelle ou commentaire et complément des codes français, Paris, 1827-1832. Ils se trouvent reproduits également dans les Archives parlementaires, 2me série. Sous l'Empire, Locré, pour ses travaux sur l'Esprit du Code Napoléon (1807), l'Esprit du Code de commerce (1811-1813), etc., avait déjà fait usage des procèsverbaux du Conseil d'Etat. Un certain nombre de ces procès-verbaux, mais pas tous, avaient déjà reçu avant les ouvrages de Locré une certaine publicité. Le Conseil d'Etat avait, en effet, décidé d'abord que les procès-verbaux détaillés de la discussion des codes seraient imprimés, et le premier Consul en avait même fait paraître un certain nombre au Moniteur. Lorsque plus tard le Tribunat commença son opposition, cette publication fut suspendue sans être jamais reprise, et les procès-verbaux cessèrent même d'être imprimés.

Les registres des procès-verbaux du Conseil d'Etat sont perdus. Locré, le secrétaire général du Conseil, avait, pour son compte personnel, rédigé des procès-verbaux détaillés des discussions qui n'avaient pas les codes pour objet. Il semble que ce recueil de caractère privé ne soit pas perdu. Cfr. LoCRÉ, Législation civile

689. FONCTIONNEMENT. Le Conseil d'État délibérait sous deux formes en sections et en assemblée générale.

690. Des sections du Conseil d'État. Les membres du Conseil d'État étaient répartis en cinq sections: celles des finances, de la législation civile et criminelle, de la guerre, de la marine, et de l'intérieur.

Chaque section était présidée par un conseiller d'État que premier Consul nommait à cette fin pour un an. Lorsque le second ou le troisième Consul se trouvaient à une section, ils la présidaient.

Les ministres pouvaient assister, sans voix délibérative, aux séances des sections.

691. Des assemblées générales du Conseil d'État. Convoquées par le premier Consul, les assemblées générales étaient présidées par lui et, en son absence, par l'un des deux autres Consuls.

Les ministres avaient la faculté d'entrer dans l'assemblée générale sans que leur voix y fût comptée.

692. SERMENT. TRAITEMENTS. IMMUNITÉS. RESPONSABILITÉ. Les membres du Conseil d'État prêtaient le même serment que les législateurs, tribuns, Consuls, etc. (1).

Les conseillers d'État avaient un traitement uniforme de 25.000 fr. et le secrétaire général un traitement de 15.000 fr. D'après l'art. 69 de la constitution, les fonctions de conseiller d'Etat ne donnaient lieu" à aucune responsabilité,. Mais "les délits personnels emportant peine afflictive ou infamante, commis par les membres du Conseil pouvaient, sous l'autorisation préalable du Conseil, donner lieu à des poursuites judiciaires. Les tribunaux de droit commun restaient compétents pour en connaître (art. 70, C. VIII).

citée, édit. de Bruxelles 1836, t. I, pp. 31, 47 et suiv., 54 et suiv.; un article de M. A. GAZIER, Napoléon au Conseil d'Etat, dans la Revue de Paris, année 1903 (1er mars).

(1) Loi du 25 nivôse an VIII. — Voir plus haut, no 622.

III. LES ATTRIBUTIONS DU CONSEIL D'ÉTAT

693. ATTRIBUTIONS. Le Conseil d'État avait des attributions aussi importantes que variées. 1 Il participait à l'exercice du pouvoir législatif (1). 2o En délibérant sur les règlements d'administration publique, il prenait une part non moins importante à l'exercice du pouvoir exécutif (2). 3o Jl constituait la juridiction supérieure en matière de contentieux administratif et prononçait sur les conflits d'attribution (3). 4o Il exerçait, enfin des attributions diverses. Il lui appartenait notamment d'autoriser les poursuites judiciaires contre ses membres à raison de délits privés, et les poursuites contre tous autres agents du Gouvernement (sauf les ministres) pour faits relatifs à leurs fonctions (art. 75, C. VIII).

Cinq de ses membres étaient, en outre, spécialement chargés d'une branche de l'administration générale, mais "quant à l'instruction seulement,, (4).

694. Jusqu'à l'époque du Consulat à vie, le Conseil d'Etat fut de fait, selon Thibaudeau (5), “ la première des autorités nationales et, pour ainsi dire, à la fois le conseil, la maison, la famille du premier Consul. Les conseillers d'Etat l'environnaient dans les cérémonies, arrivaient facilement dans son intérieur, mangeaient souvent à sa table, conversaient familièrement et traitaient directement avec lui. Tous les projets de loi et la plus grande partie des décrets étaient discutés au Conseil d'Etat. Le premier Consul présidait presque toutes les séances. L'ordre du jour y était réglé d'avance et suivi. La discussion y était libre et franche. Le premier Consul la provoquait, l'écoutait, y prenait une part très active et s'y conduisait comme le président d'un corps, et pour ainsi dire le premier entre des égaux.,

(1) Voir plus haut, no 606. (2) Voir plus haut, no 675.

(3) Voir plus haut, no 681.

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(4) Art. 7 de l'arrêté du 5 nivôse an VIII. (5) Mémoires sur le Consulat, t. I, p. 308. Cfr. CHAPTAL, Mes souvenirs sur Napoléon, Paris, 1893, pp. 55-56, 226 ; duc d'AudiffretPASQUIER, Mémoires du chancelier Pasquier, t. I, pp. 164, 258-260, etc.

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