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d'Amiens, ainsi que dans les colonies des Indes orientales, abandonna à titre provisoire au Gouvernement le soin de régler l'organisation des colonies." Nonobstant toutes lois antérieures, disait l'art. 4, le régime des colonies est soumis, pendant dix ans, aux règlements qui seront faits par le Gouvernement, (1).

Le Consulat à vie enleva définitivement au pouvoir légis latif le droit de régler la constitution des colonies (art. 54, C. X) (2), et l'attribua au Gouvernement et au Sénat.

-

(1) Entre autres règlements décrétés par le Gouvernement, voir ceux du 6 et du 29 prairial an X, du 11 messidor an X, du 13 pluviôse, du 3 et du 28 germinal an XI, du 21 frimaire an XIV, etc. Sur la politique coloniale de Napoléon, on peut consulter la mono. graphie documentée de PRENTOUT, L'lle de France sous Decaen (1803-1810), Paris, 1901.

(2) Voir plus bas, nos 747 et 770.

LIVRE II

Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif pendant le Consulat à vie

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

LE SÉNATUS-CONSULTE ORGANIQUE DU CONSULAT A VIE

719. LE SÉNATUS-CONSULTE DU 16 THERMIDOR AN X (1). Le Concordat (2), approuvé par la loi du 18 germinal an X, avait ouvert les voies au rétablissement officiel du culte catholique et annoncé la fin des discordes religieuses; le traité d'Amiens, signé le 6 germinal an X (27 mars 1802), avait consacré la conquête des frontières naturelles. Les gouvernements précédents avaient vainement promis à la République la liberté des consciences catholiques et la paix extérieure dans la gloire des conquêtes: aussi l'opinion savait-elle au premier Consul un gré infini de ce double bienfait. Le Tribunat s'en constitua l'organe lorsque le 16 floréal, le jour même où le traité d'Amiens fut porté au Corps législatif pour recevoir l'approbation exigée par la constitution il émit à l'unanimité le vœu d'une grande manifestation de la reconnaissance nationale envers le premier Consul. Le 18 floréal, le Sénat

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(1) AULARD, Histoire politique citée, p. 754; THIERS, ouv. cité, t. I, pp. 467 et suiv. — Cfr. ROEDERER, Œuvres, t. III, pp. 450 et suiv., 487 et suiv.; THIBAUDEAU, Mémoires sur le Consulat, p. 288.

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(2) La convention fut signée le 26 messidor an IX, les ratifications furent échangées le 23 fructidor an IX et le Corps législatif l'approuva le 18 germinal an X.

donna à ce vœu une forme pratique et concrète en prorogeant de dix ans, par une élection nouvelle en qualité de premier Consul, les pouvoirs de Bonaparte. Le Consulat à vie, désiré par lui, n'avait pas été admis. "Vous jugez, répondit Bona. parte au Sénat, que je dois au peuple un nouveau sacrifice; je le ferai, si le vœu du peuple me commande ce que votre suffrage autorise, (1). Un arrêté des Consuls du 20 floréal an X décida en conséquence que le peuple français serait consulté. Mais au lieu de faire porter le plébiscite sur la prorogation de dix ans accordée par le Sénat, l'arrêté consulaire disait art. 1er "Le peuple français sera consulté sur cette question: Napoléon Bonaparte sera-t-il Consul à vie? „ art. 2 Il sera ouvert, dans chaque commune, des registres où les citoyens seront invités à consigner leur vœu sur cette question..

"

3.577.259 citoyens donnèrent leur suffrage. Chargé de dépouiller les registres, le Sénat, par le sénatus-consulte du 14 thermidor an X, constata qu'il avait été émis 3.568.885 suffrages affirmatifs (2), et proclama en conséquence Napoléon Bonaparte Consul à vie.

720. A la date de ce sénatus consulte, le premier Consul avait déjà arrêté le texte des changements qu'il jugeait nécessaires à la constitution du 22 frimaire an VIII. Dans les premiers jours de thermidor, il soumit son œuvre aux autres Consuls et à quelques conseillers d'État qui n'y firent que des retouches sans importance. Officieusement communiqué à la commission sénatoriale chargée du recensement du plé biscite, ce projet fut officiellement transmis au Conseil d'État le 16 thermidor, porté au Sénat le même jour et voté par cette assemblée séance tenante (3).

(1) Bonaparte tenait ses pouvoirs d'un plébiscite. Cfr. plus haut, no 602.

· Cfr. plus haut, no 602,

(2) Il y eut donc 8374 suffrages négatifs. in fine. (3) On lit dans le procès-verbal de la séance du Sénat du 16 thermidor: "La commission spéciale nommée dans la séance du 11 [pour le dépouillement du plébiscite] observe par l'organe d'un de ses membres, qu'elle a été appelée par le gouvernement à prendre

721. Caractère des changements apportés à la constitution du 22 frimaire an VIII (1). Le sénatus-consulte du 16 thermidor an X était presqu'une constitution nouvelle. Il comprenait quatre-vingt-six articles (la constitution de l'an VIII en avait quatre-vingt-quinze). Il remaniait profondément l'organisation des grands pouvoirs de l'État. Mais pas plus que la première constitution consulaire, il ne se préoccupait de déclarations ou de garanties de droits (2). Notons cependant que le citoyen nommé pour succéder au premier Consul devait prêter le serment, entre autres, "de respecter la liberté des consciences, et de s'" opposer au retour des institutions féodales,, (art. 43 et 44, C. X) (83). Tout en sauvegardant les apparences, cet acte donnait à l'État une organisation toute monarchique. Quatre traits primordiaux caractérisent, semble-t-il, les changements apportés à l'œuvre de l'an VIII: l'extension notable des pouvoirs du premier Consul; l'augmentation des attributions du Sénat, placé d'ailleurs, à divers points de vue, sous la dépendance du Gouvernement; l'amoindrissement du Tribunat et la diminution de ses attributions comme de celles du Corps législatif; la transformation, enfin, de cette dernière assem⚫ blée dans un sens plus populaire. Le peuple, rentré en possession de ses droits électoraux, exercera désormais sur la composition du Corps législatif une influence bien plus déci sive que dans le système des listes de notabilité. Il existera dans l'Etat un corps véritablement représentatif de la nation. Le retour au système monarchique devait bien être payé d'une concession de caractère populaire. Bonaparte, pourvu qu'il pût les dominer, préférait d'ailleurs des députés ayant leurs attaches dans la nation même à des représentants sans liens avec le peuple comme ceux de la constitution de l'an VIII. "Tous les pouvoirs sont en l'air, disait le

connaissance du projet... et qu'elle se trouve par cet examen à portée de faire son rapport au Sénat. „, Registre des procès-verbaux, etc. Archives nationales.

(1) AULARD, Histoire politique citée, pp. 755 et suiv.; THIERS, Ouv. cité, t. I, pp. 476 et suiv.

(2) Voir plus haut, no 603. (3) Voir plus bas, no 783.

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