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cissements désirables sur les faits de la dénonciation. Si le Corps législatif se prononçait contre le ministre mis en cause, l'acte de dénonciation était transmis au Procureur général près la Haute Cour impériale, qui examinait s'il y avait lieu à poursuites. Lorsque les conclusions de ce magistrat étaient défavorables aux poursuites, elles étaient soumises à l'appréciation de la Haute Cour.

En cas de poursuites, le Procureur général dressait l'acte d'accusation et le communiquait à un commissaire de la Haute Cour chargé de faire l'instruction. Sur le rapport de ce commissaire, la mise en accusation proprement dite était prononcée par une commission d'accusation composée de douze membres pris dans la Haute Cour." Si les douze commissaires, disait l'art. 125, jugent qu'il y a lieu à accusation, le commissaire rapporteur rend une ordonnance conforme, décerne les mandats d'arrêt et procède à l'instruction. „ Si cette commission estimait au contraire qu'il n'y avait pas lieu à accusation, il en était référé par le rapporteur à la Haute Cour elle-même, chargée de prononcer définitivement. Les débats et le jugement avaient lieu en public (art. 128). Il semble que la Haute Cour avait à certains égards un pouvoir discrétionnaire pour déterminer la peine à infliger à l'accusé reconnu coupable. Les art. 130 et 131 du sénatusconsulte du 28 floréal an XII disaient en effet : La Haute Cour impériale ne peut prononcer que des peines portées par le code pénal. — Elle prononce, s'il y a lieu, la condamnation aux dommages et intérêts civils. Lorsqu'elle acquitte, elle peut mettre ceux qui sont absous, sous la surveillance ou à la disposition de la haute police de l'Etat, pour le temps qu'elle détermine. „

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Les arrêts rendus par la Haute Cour qui prononçaient une condamnation à une peine afflictive ou infamante, ne pouvaient être exécutés que lorsqu'ils avaient été signés par l'Empereur (art. 132, C. XII).

898. ATTRIBUTIONS. Le Consulat et l'Empire ne modifièrent pas les attributions générales des ministres. Il semble cependant que les sénatus-consultes du 16 thermidor an X et du 28 floréal an XII ont eu pour effet de grandir la situation

des ministres dans l'Etat, comme conséquence fatale de l'accroissement des pouvoirs du premier Consul ou de l'Empereur et de l'amoindrissement des assemblées. Si les ministres continuaient à rester étrangers au Corps législatif (1) et au Tribunat, ils firent désormais partie, avec voix délibérative, du Conseil d'Etat, et ils prirent siège au Sénat, mais sans voix délibérative, s'ils n'étaient pas en même temps sénateurs. L'Empereur les chargea même souvent de communications à faire à cette assemblée au nom du Gouvernement." Dans l'ordre de notre hiérarchie constitution. nelle, disait le Moniteur du 15 décembre 1808, le premier représentant de la nation est l'Empereur et ses ministres, organes de ses décisions; la seconde autorité représentante est le Sénat; la troisième est le Conseil d'Etat, qui a de véritables attributions législatives; le Corps législatif a le quatrième rang „. "Ainsi, conclut M. Dupriez, les ministres s'identifient avec la personne même de l'Empereur..., Mais ce sont moins des conseillers de l'Empereur que des agents d'exécution; on leur demande moins des avis et des conseils que des renseignements. La constitution ne les a pas réunis en un conseil plus ou moins organisé... „ (2) Le sénatus consulte du 28 floréal an XII décrétait même en termes formels, nous l'avons vu, que les titulaires des grandes dignités de l'Empire formaient le Grand conseil de l'Empereur (art. 36) (3).

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(1) A l'ouverture des sessions, le ministre de l'intérieur présentait au Corps législatif un rapport sur la situation de la République ou de l'Empire. On trouvera ces rapports aux Archives parlementaires. (2) DUPRIEZ, Les ministres etc., t. II, p. 293.

(3) Voir plus haut, no 874. — L'Empereur conféra quelquefois le titre, purement honorifique, de ministre d'Etat à de hauts fonctionnaires.

LIVRE III

Les Tribunaux

899. LES RÉFORMES DU CONSULAT ET de l'empire. Le Consulat et l'Empire donnèrent aux tribunaux leur organisation moderne. Non seulement les bases fondamentales sur les quelles repose l'ordre judiciaire actuel remontent à cette époque, mais les textes mêmes qui les ont établies et déve. loppées sont, dans une large mesure, restés en vigueur jusqu'aujourd'hui.

Les principes de l'organisation nouvelle rompaient d'ailleurs nettement, en plusieurs points capitaux, avec ceux que la Révolution, à ses débuts surtout, avait cherché à faire prévaloir. Autant la Constituante, par préjugé contre les Parlements, avait amoindri les organes du pouvoir judiciaire, autant le Consulat et l'Empire cherchèrent à en assurer l'autorité et le prestige. La transformation de l'organisation judiciaire fut l'œuvre de trois étapes. Le sénatusconsulte organique du Consulat décennal confia la nomination. des juges au Gouvernement, leur donna un mandat à vie, rendit au ministère public l'exercice de l'action publique et rétablit les tribunaux d'appel. Le sénatus-consulte orga nique du Consulat à vie organisa" la hiérarchie dans l'ordre. judiciaire dont l'influence, disait le Moniteur du 18 thermidor an X, est si grande sur le maintien des propriétés et le bonheur des citoyens, (1). Le Code d'instruction criminelle, enfin, et la loi du 20 avril 1810 sur l'organisation de l'ordre judiciaire et l'administration de la justice, précisèrent

(1) Cité par THIBAUDEAU, Mémoires sur le Consulat, p. 302.

et achevérent ces réformes dans le détail, supprimèrent les tribunaux criminels et réunirent de nouveau dans le sein des cours impériales la justice civile et la justice répressive.

Les diverses étapes de cette transformation coïncidèrent avec un renouvellement partiel du personnel judiciaire. En l'an VIII et en 1811, les membres des tribunaux reçurent une institution nouvelle qui permit au Gouvernement d'écarter du sanctuaire de la justice les éléments indignes qui avaient pu s'y introduire. En 1807, un sénatus-consulte autorisa le Gouvernement à procéder à une épuration générale de la magistrature.

CHAPITRE I

LA JUSTICE CIVILE

§ 1. Les juges de paix (1)

900. ORGANISATION. La réorganisation des justices de paix au début du Consulat fut l'œuvre de la loi du 8 pluviôse et des deux lois du 29 ventôse an IX.

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La loi du 8 pluviôse réduisit de près de moitié le nombre de ces juridictions. Il y en avait plus de six mille. L'art. 1er de la loi décréta qu'il y aurait désormais tout le territoire européen de la République, trois mille justices de paix au moins, et trois mille six cents au plus „. La loi du 8 pluviôse an IX supprima, en outre, les juges de paix spéciaux des villes, superfétation inutile, qui n'avait d'ailleurs pas été introduite dans les départements belges (2).

(1) HIVER, ouv. cité, pp. 448, 484 et suiv. Voir plus haut, nos 95

et suiv.

(2) Voir plus haut, no 96. — Dans les départements réunis, les justices de paix étaient moins nombreuses que dans l'ancienne France, même sans tenir compte des juges de paix spéciaux des villes. Sur les cantons supprimés, voir les arrêtés de frimaire à ventôse an X, reproduits dans la Coll. HUYGHE, t. VII et t. VIII.

Aux termes de l'art. 3 de la même loi," la population moyenne d'un arrondissement de justice de paix (1) devait être de dix mille habitants: elle ne pouvait dépasser quinze mille. Le nombre beaucoup trop considérable des justices de paix, disait une circulaire du préfet de la Dyle, en date du 14 prairial an X, en multipliant dans ces places les sujets peu dignes de les occuper, en écartait la considération et la confiance, (2).

L'une des lois du 29 ventôse an IX supprima les assesseurs des juges de paix. " Avec un peu de réflexion, disait au Corps législatif le conseiller d'Etat Berlier (3), on sentira que l'établissement dont il s'agit est plus nuisible qu'utile. En effet considère-t-on les assesseurs comme conciliateurs concurremment avec les juges de paix? Un seul en cette matière fait souvent mieux que plusieurs; c'est un point d'expérience. Peut-on les considérer comme juges? Sans doute, en général, la pluralité des juges est une garantie. pour les citoyens; mais quels juges peut-on apercevoir dans la personne de deux assesseurs pris dans chaque point de la République, même dans le plus petit village... Voyous enfin ce qui se passe aujourd'hui: combien de temps perdu, combien d'audiences manquant par la difficulté de réunir des assesseurs non salariés...

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En cas de maladie, absence ou autre empêchement du juge de paix, ses fonctions devaient, aux termes de la même loi du 29 ventôse an IX (4), être remplies par un suppléant. Cette loi décidait, en conséquence, que chaque juge de paix aurait deux suppléants.

Une loi du 28 floréal an X confia au premier Consul la nomination du greffier.

(1) Un arrêté du 9 fructidor an 1X décida que les arrondissements de justice de paix continueraient à porter le nom de cantons, qu'ils avaient porté jusqu'à ce jour.

(2) Circulaire reproduite par extrait dans ERNST, L'organisation judiciaire du département de l'Ourthe de 1799 à 1803 (mercuriale du 1er octobre 1879, p. 36).— Cfr. LANZAC DE LABORIE, ouv. cité, t. 1, p. 380. (3) Moniteur, an IX, séance du 29 ventôse.

(4) L'autre loi du 29 ventôse an IX (no 594 dans le Bulletin des lois) était relative à l'élection des juges de paix.

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