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Cette doctrine a été confirmée par la Cour de cassation. Les art. 102 et 103 de la loi du 19 brumaire an vi veulent que le procès-verbal soit dressé sans déplacement et que l'officier municipal appose son cachet sur les objets saisis. Dans une espèce où, ces deux formalités n'ayant pas été observées, la nullité du procès-verbal avait été prononcée, le ministère public soutenait que les nullités ne peuvent être accueillies que lorsqu'elles sont prononcées par la loi, et la loi du 19 brumaire an vi, n'ayant pas proque noncé de nullité, cette peine ne pouvait être suppléée. Mais la Cour de cassation a rejeté le pourvoi: Attendu qu'il est de principe que tout acte dans lequel n'ont pas été observées les formalités prescrites par la loi est nul, si ce n'est dans le cas où l'application de ce principe a été expressément restreinte par la loi elle-même; que la loi du 19 brumaire an vi, en prescrivant les formalités relatives aux procès-verbaux dressés en matière de garantie d'or et d'argent, n'ayant point restreint l'effet que leur omission devait produire, il s'ensuit que cette omission doit opérer la nullité desdits procès-verbaux ; que l'omission des formalités prescrites par les art.102 et 103 rendait donc le procès-verbal nul'. » Dans une autre espèce la Cour a également prononcé la nullité d'un procès-verbal rédigé par un vérificateur des poids et mesures, parce qu'il n'avait pas été rapporté dans les vingt-quatre heures de la contravention, bien que l'art. 41 de l'ordonnance du 17 avril 1839, qui a

↑ Arr. Cass. 2 déc. 1824 (Journ. du pal., t. XVIII, p. 1169).

fixé ce délai, n'ait attaché aucune nullité à son inobservation'.

Cependant, et sans dévier de cette doctrine, la Cour de cassation a cherché à distinguer entre les formes substantielles et celles qui n'auraient pas ce caractère. Ainsi, elle a jugé : « Que si l'ordonnance du 9 décembre 1814, portant règlement sur les octrois, a emprunté au décret du 1er germinal an x111, concernant les droits réunis, les formalités des procèsverbaux dressés par les employés de la régie, pour les rendre communes aux procès-verbaux des employés de l'octroi, elle n'a cependant pas attaché à ces formalités la sanction pénale établie par l'art. 26 du décret; que, dans cet état de la législation sur la matière, le devoir des tribunaux est de rechercher quelles sont, parmi ces formalités, celles qui doivent être considérées comme substantielles, dans quels cas et dans quelles circonstances leur inobservation aurait porté atteinte au droit de la défense2. » On lit encore dans un réquisitoire dont les motifs ont été adoptés purement et simplement par la Cour de cassation : « Il est certain que l'omission d'une formalité quelconque ne peut entraîner la nullité d'un procès-verbal qu'autant qu'une disposition formelle de la loi y a attaché cet effet ou que la formalité omise tient à la substance même de l'acte. » Cette restriction est fondée. Les lois des 9 floréal an vii et 1er germinal an XIII, qui règlent les formes des

Arr. Cass. 28 sept. 1850, rapp. M. Quénault.

2 Arr. Cass. 17 juin 1836 (Bull., n° 197).

Arr. Cass. 22 janv. 1829 (Journ. du pál., t. XXII, p. 589).

procès-verbaux dans des matières où ces actes sont le titre même de l'action, ont elles-mêmes distingué entre les formes essentielles et les formes accessoires, et elles n'ont attaché de nullité qu'à l'omission des premières. Il est naturel que cette règle soit étendue aux matières où le procès-verbal n'est qu'une preuve à l'appui de l'action. Toutes les formalités n'ont pas la même importance: si celles qui tiennent à la constitution même de l'acte ou qui touchent aux droits du prévenu doivent être rigoureusement maintenues, il n'en est pas ainsi de celles qui n'ont ni l'un ni l'autre de ces deux caractères. Nous aurons occasion de revenir sur cette distinction en examinant les différentes formes de ces actes.

Il faut ajouter que les formalités ne sont point réputées omises lorsque leur omission est le résultat d'une force majeure ou du fait même de la partie. On ne peut, en effet, rendre une administration publique responsable que de la négligence ou de l'impéritie de ses préposés, et non de l'impossibilité d'agir où ils se sont trouvés. La Cour de cassation a jugé, en conséquence, 1° en matière de contributions indirectes: « Que les formalités prescrites par l'art. 24 du décret du 1er germinal an XIII, pour la validité des procès-verbanx, ne peuvent être requises des préposés de la régie que dans le cas où la résistance des contrevenants n'a pas été un obstacle à leur observation; que, dans l'espèce, il était constaté par un procès-verbal régulier dans toutes les formes que les préposés avaient pu remplir, que le prévenu avait opposé à leur exercice une résistance qui avait

été un obstacle à l'accomplissement des autres formes; que foi était due à ce procès-verbal '; 2o en matière de garantie d'or et d'argent : « Que s'il est de principe que tout acte dans lequel les formalités prescrites par la loi n'ont pas été observées doit être déclaré nul, il n'en peut être de même lorsque l'inobservation de ces formalités est la conséquence d'une force majeure ou provient du fait de la partie; qu'il résulte des termes du procès-verbal que c'est dans un cas de force majeure, et à cause de l'absence forcée, immédiate, et en vertu d'ordres supérieurs du commissaire de police, que ce procès-verbal n'a pas été dressé de suite et sans déplacer; d'où il suit qu'en méconnaissant ce cas de force majeure, et en annulant le procès-verbal dont il s'agit, l'arrêt attaqué a violé la foi qui lui était due 2. »

Enfin, l'omission des formes prescrites pour la validité des procès-verbaux peut être proposée comme moyen de défense, soit en appel, soit en cassation : la nullité qui peut en résulter n'est couverte ni par le silence des parties, ni par leur défense au fond. La raison en est qu'il n'est pas permis d'asseoir une condamnation pénale sur un acte dont la loi reconnaît la nullité, et d'accorder à cet acte le caractère d'une preuve légale lorsque les conditions exigées pour qu'il ait ce caractère n'existent pas. La Cour de cassation a consacré cette règle par deux arrêts. L'un, rendu en matière de contributions indirectes,

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1 Arr. Cass. 7 avril 1808 et 8 mars 1821 (Journ. du pal., t. VI et XVI, p. 615 et 429).

2 Arr. Cass 12 juill, 1834 (Journ. du pal., t. XXVI, p. 741).

porte: «Que les nullités de forme proposées contre un procès-verbal, en matière de droits réunis, ne sont pas de simples nullités d'instruction et de procédure devenues inadmissibles quand elles n'ont pas été proposées in limine litis; qu'elles constituent, au contraire, des exceptions péremptoires qui tombent sur le titre même de l'action et tendent à l'anéantir, et qui, comme telles, peuvent être proposées en tout état de cause et, par conséquent, sur l'appel'. » Le second arrêt, rendu en matière forestière, dispose: « Que si le prévenu n'a point excipé en première instance de la nullité du procès-verbal qui lui était opposé, son silence sur ce point ne pouvait le rendre non recevable à la proposer, soit en cause d'appel, soit même devant la Cour, puisqu'en matière criminelle les nullités sont d'ordre public et ne peuvent être couvertes par le fait des parties 2. »

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Ces premières règles posées, nous allons successivement examiner chacune des formes que la loi a prescrites pour la validité des procès-verbaux.

Nous ne diviserons pas ces formes, comme l'ont fait quelques auteurs, en formalités intrinsèques et extrinsèques les premières, qui sont relatives à la rédaction même du procès-verbal, telles que l'écriture, la signature et la date; les autres, qui ont pour objet de lui donner un caractère d'authenticité quand il est clos, telles que l'affirmation et l'enre

1 Arr. Cass. 10 avril 1807 (Journ. du pal., t. VI, p. 16). 2 Arr. Cass. 25 oct. 1824 (Journ. du pal., t. XVIII, p.1067). - Merlin, Rép., v' Procès-verbal; et Quest., v° Garde forestier.

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