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rédigé à l'instant et sans déplacer, est également nul '; 3o qu'en matière de douanes, le procès-verbal qui n'est pas rédigé de suite est aussi frappé de nullité, sauf l'intervalle nécessité par la fin du jour et l'impossibilité légale de vaquer la nuit à la vérification et description des marchandises 2. La question doit encore recevoir la même solution en matière de délits de chasse, puisque l'art. 24 de la loi du 3 mai 1844 prononce textuellement la peine de nullité.

En est-il ainsi dans les autres matières, soit qu'elles aient déterminé un délai particulier, soit qu'il faille se référer au délai de trois jours fixé par l'art. 15 du C. d'instr, crim.? Notre opinion est que le délai déterminé par cet article, bien qu'il n'ait pas prononcé de nullité, est une forme essentielle de tout procès-verbal. Ce n'est pas seulement parce que la preuve que forme cet acte ne peut exister qu'autant qu'il suit immédiatement la reconnaissance des faits qu'il constate; c'est encore parce que si le délai légal est impunément enfreint, il n'existe plus aucune limite à sa rédaction tant que la contravention ne sera pas prescrite, le procès-verbal pourra être dressé. Or, peut-on accorder la puissance d'une preuve légale à un procès-verbal qui constaterait un fait dont la perpétration remonterait à six ou neuf mois? Lorsqu'il s'agit d'infractions légères et fugitives, qui ne laissent après elles aucunes traces, serait-il possible d'admettre comme base unique

Arr. Cass. 2 déc. 1824 (Journ. du pal., t. XVIII, p. 1169). 2 Arr. Cass. 7 mai 1830 (Devill.. 30, I, 411), et 12 janv. 1837 (Bull., no 9),

le

d'une condamnation le souvenir lointain et nécessairement vague de l'officier négligent qui aurait laissé passer un délai plus ou moins considérable sans remplir le devoir de sa fonction? Pour que procès-verbal fasse foi, il faut que sa rédaction soit le plus proche possible du délit; or, le seul moyen de maintenir cette règle essentielle est de maintenir la stricte exécution de l'art. 15. Hors de son texte il n'y a plus de délai, et comment soutenir que, jusqu'au terme de la prescription, il sera loisible à l'agent de rédiger son procès-verbal?

Cependant la législation, ou plutôt la jurisprudence peut-être, a établi une exception à cette règle en matière forestière. Le Code forestier ne fixe aucun délai pour la rédaction des procès-verbaux. L'art. 165 se borne à prescrire que les gardes les affirmeront au plus tard le lendemain de la clôture desdits procèsverbaux, et l'art. 170, qu'ils seront, sous peine de nullité, enregistrés dans les quatre jours qui suivront l'affirmation. A la vérité, l'art. 3 du tit. 4 de la loi du 29 septembre 1791, et l'art. 181 de l'ordonnance du 1 août 1827 portent : « Les agents et gardes dresseront, jour par jour, des procès-verbaux des délits et contraventions qu'ils auront reconnus. » Mais la loi du 29 septembre 1791 a été abrogée par l'art. 218 du C. for., et la disposition réglementaire de l'ordonnance n'est qu'une mesure d'ordre, insuffisante pour produire une nullité. Faut-il donc décider que les agents forestiers ne sont enchaînés par aucun délai; ou faut-il les assujettir au délai de trois jours fixé par l'art. 18 du C. d'instr. crim.,

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auquel renvoie l'art. 181 de l'ordonnance du 1er août 1827?

Cette question difficile a été résolue dans le sens de la première de ces deux interprétations, par la Cour de cassation : « Attendu que les art. du C. for. 165 et suivants, jusques et y compris l'art. 170, lesquels déterminent les formes à suivre par les gardes forestiers pour la rédaction de leurs procès-verbaux, ont soigneusement indiqué toutes celles de ces formes à l'inobservation desquelles ils attachaient les peines de nullité; mais que ces mêmes articles n'ont point fixé de délais dans lesquels devraient être rédigés ces procès-verbaux; que s'il est désirable que le moment où ces actes sont rédigés soit le plus rapproché possible de la reconnaissance du délit qu'ils ont pour but de constater, et si, d'après ce motif, il est enjoint aux gardes forestiers, par l'art. 181 de l'ordonnance d'exécution du 1er août 1827, de dresser jour par jour des procès-verbaux des délits qu'ils auraient reconnus, néanmoins cette injonction ne leur est pas faite à peine de nullité; que si cet art. 181 prescrit aux gardes forestiers de se conformer aux règles tracées par les art. 16 et 18 du C. d'instr. crim., soit pour la rédaction de ces procès-verbaux, soit pour leur remise aux autorités supérieures, ces articles, qui ne sont pas d'ailleurs prescrits à peine de nullité, ont été modifiés, en ce qui concerne les gardes forestiers, par l'art. 170 du C. for.; que dès lors, en annulant dans la cause le procès-verbal qui a servi de base aux poursuites, lequel est régulier dans sa forme, et ce, sur le motif que cet acte n'a été

rédigé que trente-six jours après la reconnaissance faite, par le garde rédacteur, de la perpétration du délit, le jugement attaqué a admis une nullité qui n'est pas formellement prononcée par la loi '. »

Cette solution n'est que l'application rigoureuse d'une loi évidemment imparfaite. Nous avons vu que la législation a prescrit comme une règle générale la rédaction des procès-verbaux au moment même ou le plus près possible de la découverte des délits. Cette règle est-elle inapplicable en matière forestière? L'ordonnance de 1669, qui fixait le délai de cette rédaction à deux jours, et la loi du 29 septembre 1791, qui le limitait à vingt-quatre heures, attestent que la constatation des délits forestiers peut facilement y être assujettie. On a dit, néanmoins, qu'il est des délits qui exigent souvent plusieurs jours pour en suivre les traces et arriver à en découvrir les auteurs; mais les gardes peuvent alors constater jour par jour, jusqu'à la clôture de leur procès-verbal, les recherches auxquelles ils se sont livrés; ils ne sont pas même obligés d'attendre, pour le clore, qu'ils aient découvert les auteurs du délit. Il n'y avait donc pas de motif de déroger au principe qui domine tous les procès-verbaux. Et ce principe ne devait-il pas être appliqué avec plus de sévérité lorsque les procèsverbaux font foi jusqu'à inscription de faux, lorsqu'ils excluent tout autre témoignage? Il faut remarquer, en outre, qu'aux termes de l'art. 185 du C. for., la

Arr. Cass. 11 janvier 1850, rapp. M. Fréteau de Pény (Bull., no 8).

prescription de trois ou de six mois ne court qu'à compter du jour où les délits et contraventions ont été constatés. Dépendra-t-il donc d'un garde de retarder la prescription d'un délit en retardant sa constatation, de fixer arbitrairement le point de départ de la prescription? Et puisque les délits non constatés ne se prescrivent que par trois ans, faut-il laisser à cet agent, pendant trois années après la perpétration d'un délit, la faculté de le constater par un procès-verbal? Qu'est-ce donc qu'un procèsverbal qui constaterait un délit six mois, un an, deux ans après sa perpétration? Quelle preuve pourrait-il apporter? Comment admettre que la loi ait voulu imposer un tel acte à la conviction des tribunaux?

Et cependant, quand on cherche une voie pour sortir de ces embarras, la loi n'en fournit aucune. Il semblerait d'abord que, dans le silence du Code forestier, il faut se reporter au C. d'instr. crim. : l'art. 18 dit en effet que les gardes forestiers remettront leurs procès-verbaux dans le délai fixé par l'art. 15, c'est-àdire, dans les trois jours au plus tard, y compris celui où ils ont reconnu le fuit. Mais il s'agit ici de la remise des procès-verbaux et non de leur rédaction; or, comment concilier cette remise dans les trois jours avec l'art. 170 du C. for. qui accorde aux gardes les quatre jours qui suivront celui de l'affirmation pour faire enregistrer ces actes? Le Code forestier n'a-t-il pas en ce point dérogé au C. d'instr. crim.? Faut-il admettre que les trois jours de ce dernier code ne courront qu'après l'expiration des quatre jours du

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