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CHAPITRE X.

DE LA FOI DUE AUX PROCÈS-VERBAUX.

$284. De l'autorité des procès-verbaux en général, et de leurs effets.

§ 285. De quels faits ils font foi.

§ 286. Des procès-verbaux qui ne constituent que de simples renseignements.

§ 287. Des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire.

§ 288. Des procès-verbaux qui font foi jusqu'à inscription de faux.

$ 284.

De l'autorité des procès-verbaux et de leurs effets.

La loi n'a pas attaché à tous les procès-verbaux la même autorité les uns n'ont que la valeur de simples renseignements, les autres font foi jusqu'à preuve contraire, les autres, enfin, font foi jusqu'à inscription de faux.

L'art. 154 du C. d'instr. crim. consacre cette distinction: « Les contraventions seront prouvées, soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux ou à leur appui. Nul ne sera admis, à peine de nullité, à faire preuve par témoins outre ou contre le contenu aux procès-verbaux ou rapports des officiers de police

ayant reçu de la loi le pouvoir de constater les délits ou les contraventions jusqu'à inscription de faux. Quant aux procès-verbaux et rapports faits par des agents, préposés ou officiers auxquels la loi n'a pas accordé le droit d'en être crus jusqu'à inscription de faux, ils pourront être débattus par des preuves contraires, soit écrites, soit testimoniales, si le tribunal juge à propos de les admettre.

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La dernière partie de cet article n'existait point. dans le projet du Code d'instruction. On y lisait seulement: « Nul ne sera admis, à peine de nullité, à faire preuve par témoins outre ou contre le contenu aux procès-verbaux ou rapports des officiers de police, des agents, préposés ou autres officiers ayant reçu de la loi le pouvoir de constater les délits ou les contraventions leurs procès-verbaux ou rapports feront foi jusqu'à inscription de faux. » Cette disposition fut combattue dans le sein du conseil d'Etat. M. Defermon fit observer, d'abord, que les formalités aussi graves que celles de l'inscription de faux ne sont point proportionnées aux délits légers dont connaît le tribunal de police; que peu de citoyens sé détermineront à entreprendre une procédure de faux pour échapper à une amende modique; qu'il semble qu'il faudrait permettre de détruire, par des moyens plus faciles, les fausses assertions des agents de police. Le ministre de la justice ajouta : «Que ce serait trop exposer la tranquillité des citoyens que de permettre qu'elle fût compromise par les assertions d'un homme obscur, tandis que même les procès-verbaux des juges ne font point foi en justice, s'ils ne sont si

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gnés du greffier; que l'article en discussion est contraire à tous les principes reçus jamais la loi n'a donné créance à des procès-verbaux dressés sans témoins. Et qu'on ne dise pas qu'en réservant à la tie la preuve contraire, on ôte au procès-verbal tous ses effets; il conserve toujours la force de faire preuve directe. On y attacherait trop d'importance, si, en allant plus loin, on décidait qu'il fait preuve absolue. La foi sans doute est due aux actes, mais seulement lorsqu'à raison de leur forme, ils offrent une garantie. M. Treilhard objectait : « Qu'il deviendrait impossible de constater les contraventions qui n'exposent qu'à une amende très-modique, si on ne les regarde comme constatées que lorsque le procès-verhal aura été dressé par deux officiers de police ou par un seul assisté de deux témoins. » M. Cambacérès répondit : « Que, dans tous les délits qui résultent de circonstances fugitives, le procès-verbal peut être fautif; il est difficile de le détruire, il ne faut donc pas qu'il suffise pour condamner. Il n'en est pas dans ce sujet comme dans la matière des impôts, où l'intérêt d'assurer les revenus de l'État oblige de s'écarter des règles dont la stricte observation rendrait la perception nulle. Dans les circonstances ordinaires, le grand motif de l'intérêt public n'oblige pas de don. ner la même importance aux procès-verbaux. L'article est donc vicieux en ce qu'il obligerait le juge à condamner sur cette seule preuve. » D'après ces ob. servations, le conseil adopta en principe qu'il ne serait pas nécessaire de recourir à l'inscription de faux pour détruire les procès-verbaux de police et

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qu'il serait permis aux juges d'admettre la preuve contraire1. >>

Il résulte de cette discussion que l'autorité plus ou moins étendue des procès-verbaux a pour base unique la matière dans laquelle ils interviennent: c'est la nature de la contravention, c'est la difficulté d'en faire preuve autrement que par un procèsverbal qui la saisit au moment même où elle se manifeste, qui ont attaché à ces actes tantôt une foi pleine et entière, tantôt une foi qui ne cède qu'à une preuve contraire, tantôt enfin la valeur d'un simple renseignement. A la vérité, l'art. 154 semble faire dériver exclusivement ces effets différents des termes de la délégation faite par la loi aux agents, préposés et officiers qui ont pouvoir de constater les délits et contraventions. Mais cette délégation diverse est fondée, non sur la position hiérarchique de ces agents, mais sur le caractère des infractions qu'ils sont chargés de surveiller. Ce n'est pas parce que les gardes forestiers, les préposés des contributions et des douanes inspirent au législateur une confiance plus grande que les commissaires de police ou les officiers de gendarmerie, que leurs procès-verbaux ont une autorité plus étendue; c'est parce que cette autorité a paru nécessaire pour assurer la répression des contraventions forestières des contributions indirectes et des douanes. Il n'est donc pas exact de dire, comme l'a fait un auteur justement accrédité 2,

1 Procès-verbaux du Conseil d'État, séance du 28 fructidor an xII (Locré, t. XXIV, p. 207 et suiv.).

2 Mangin, no 30, p. 76.

<«< que la loi a dû régler, d'après les connaissances, les qualités, les garanties enfin qu'elle exige de ses agents, l'autorité qu'elle accorde à leurs déclarations. » La loi n'a mesuré le degré de foi dont ces déclarations sont investies, qu'à raison de la matière dans laquelle elles interviennent. Toute la théorie des procès-verbaux est dans ce principe.

Ainsi, nous avons vu précédemment qu'en matière de crime ou de délit commun, les procèsverbaux, quels que soient les agents qui les ont dressés, ne forment que des renseignements qui peuvent éclairer les juges, mais qui n'enchaînent pas leur conviction 1; car le débat oral est le principe de notre procédure criminelle, et suivant les termes d'un arrêt de la Cour de cassation: « Tout accusé ou prévenu d'un crime ou délit prévu par le Code pénal est toujours et nonobstant tous procèsverbaux dressés pour constater le fait, admissible à prouver sa non-culpabilité 2. » » En matière de simple police, en matière de délits ruraux, les procès-verbaux font foi jusqu'à la preuve contraire, parce que ces délits et contraventions n'ont le plus souvent aucuns témoins, qu'il serait trop onéreux, d'ailleurs, de les déplacer dans un intérêt aussi minime, et que le procès-verbal doit constituer une base suffisante du jugement, sauf l'admission, s'il y a lieu, d'une preuve contraire. Enfin, en matière de douanes, de contributions indirectes et d'eaux et forêts, les procès-verbaux font foi jusqu'à inscription

Voy. suprà, p. 446.

2 Arr. Cass. 2 oct. 1818 (Journ, du pal., t. XIV, p. 1033).

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