L'ajournement de la passe de Chokier jusqu'à l'aval de l'île des Veaux aurait permis deux essais de plus, si des crues continuelles ne s'y fussent point opposées la passe artificielle des Grands-Malades et le barrage des îles de Beez. D'abord la passe des Grands-Malades.

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A l'aval de Namur, et depuis le Pont-de-Meuse jusqu'à l'île d'Enheffe, la rivière coule avec une vitesse moyenne d'environ 1m,50 dans les basses eaux. Durant les quatre mois d'étiage, le bras de droite de l'île est à peu près à sec; aussi le halage, qui se fait sur la rive droite dans les hautes eaux, est-il sur l'île dans les eaux basses et moyennes. Dans ce court trajet, la navigation éprouve de nombreuses difficultés, dues au défaut d'un halage fixe et aux attérissements du thalweg, provoqués eux-mêmes par plusieurs causes. Les mauvaises dispositions prises pour la rive gauche en amont de la Sambre, et le gravier qu'accumule cette rivière à son confluent, sont des causes de désordre dans le régime de la Meuse. Un rétrécissement du lit d'étiage remédiera aux attérissements qui s'étendent sur une grande largeur au-dessous du pont, et, prolongé jusqu'au confluent de la Sambre, il s'opposera peut-être à un amoncellement périodique de gravier qui exige de fréquents curages. Une partie de ce gravier paraît être déplacée à chaque crue et emportée jusqu'aux Grands-Malades, où un haut-fond, qui date de loin et qu'on a plusieurs fois yainement essayé de détruire, s'étend sur une longueur d'environ 300 mèt., en ne laissant aux bateaux qu'un chemin étroit, où ils ont à peine 0,60 à 0,50 et même 0m,45 de mouillage.

Tel est l'endroit qu'il fallait améliorer par un essai de passe artificielle. On avait précédemment eu l'idée de creuser un chenal sur le haut-fond à l'aval de l'île, sur une longueur de 140 mèt., une largeur de 10 mèt., à 1 mèt. en contrebas de l'étiage, et on se proposait d'employer à cette opération le bateau-dragueur de la Sambre. Emise et abandonnée en 1834, cette idée a été reprise en 1837 et abandonnée de nouveau. Elle n'a été suivie d'aucune exécution, et le draguage effectué depuis par la société des bateaux à vapeur de la Meuse n'a pas eu de durée.

Comme à Chokier, ici encore se présentaient deux directions.

Les hautes eaux se jettent sur la rive droite, imparfaitement défendue par les riverains contre les érosions qui la détruisent : il est donc visible qu'une passe artificielle se serait maintenue dans ce bras de rivière et qu'elle s'y serait approfondie de plus en plus ; l'on eût conservé le halage sur la rive droite, où il était déjà forcément dans les hautes eaux navigables, et il y aurait eu peu de frais à faire pour le perfectionner; mais en favorisant le cours des hautes eaux dans ce coude, on eût exposé la rive à des dégradations annuelles, à cause de l'obliquité du courant, et pour atténuer cette obliquité, pour n'avoir point une courbe d'un trop petit rayon, il eût fallu de très grands déblais en amont et en aval de l'île; d'ailleurs la jetée en rivière, dans son raccordement avec la rive gauche, n'eût offert aucune sécurité : les hautes eaux l'auraient infailliblement emportée tous les hivers. Il devait donc paraître plus avantageux de placer la passe artificielle dans le lit même, en établissant le halage sur l'île. La nécessité de remblayer le bras de droite entraînait, à la vérité, un rétrécissement de la

section; mais il reste encore un débouché de 92 mèt., au point le plus étroit. Le pont de Huy, à 30 kilomètres en aval, sous lequel par conséquent il passe plus d'eau, n'a que 100 mèt., d'ouverture, et à mesure que l'eau s'élève à par tir de la naissance des voûtes, qui n'est qu'a 3 mèt. au-dessus de l'étiage, ce débouché diminue, tandis que dans les mêmes circonstances il s'augmente aux Grands-Malades.

Voici les résultats obtenus par les observations de vitesse.

Si dans ces jauges, faites avec beaucoup de soin, le volume d'eau varie avec les profils; s'il y a, par exemple, 17m3,42 de différence entre le produit trouvé le 29 avril au profil no 3 et celui qu'a donné le même jour le profil no 5; si, le 11 mai, les volumes des mêmes profils ont différé de 70m3,34, cela tient à l'imperfection des formules selon le lieu du jaugeage, selon l'époque et la hauteur d'eau, le courant est accéléré ou ralenti, la masse entière participe plus ou moins au mouvement général, et, ainsi que la remarque en a été faite plus haut, la vitesse moyenne, calculée sur la vitesse mesurée au milieu du courant de surface, n'est exacte que dans certaines conditions. Il serait plus difficile encore de déduire du cube connu à une hauteur déterminée, le cube pour une autre hauteur. Dans l'impossibilité de trouver avec précision le produit d'étiage en ce point, ne connaissant pas alors celui de la Sambre à son confluent, mais sachant que le volume d'eau à Chokier était de 65m3 dans l'étiage de 1840, et que les deux affluents les plus considérables depuis Namur jusqu'à Liége, la Méhaigne et le Hoyoux, ne donnent guère que 1m3,25 chacun, il m'a semblé que l'on pouvait, sans erreur sensible, admettre qu'à l'aval de Namur le produit minimum est de 62m3.

Appliquant les formules à ce volume d'eau, en supposant successivement 30 mèt. et 25 mèt. de largeur au plafond, le mouillage étant de 1,50, et les

talus de 3 mèt. de base pour 2 de hauteur, on en conclut la longueur de la passe pour chacune de ces deux hypothèses.

RAYON MOYEN.

0.0006300

25 1.50 40.875 1.516 30.4082 1.344 0.0008814 0.0006558 0.943 1,437.93

La section ayant 30 mèt. de largeur au fond, la longueur de la passe eût été de 2,044,66. Je me suis abstenu de proposer une aussi grande longueur, d'après les observations qui m'avaient été faites sur le projet du Val-St-Lambert. Ce n'est pas, ainsi que je l'ai déjà dit, que je regarde les attérissements comme plus à craindre dans une passe de 2,000 mèt., que dans une de 1,000 à 1,200 : l'étendue est une considération secondaire; tout dépend, je crois, de la direction, et il ne peut résulter de la longueur aucune gêne pour la navigation en remonte. la vitesse diminuant à mesure que cette dimension de la passe augmente; mais le conseil des ponts et chaussées ayant jugé qu'il était convenable de ne pas trop s'éloigner des limites dans lesquelles ont eu lieu les essais sur la haute-Meuse, il ne m'était plus permis de m'en écarter. J'ai donc restreint la largeur de la section à 25 mèt, et j'ai même réduit la longueur à 1,312m,25, ou à 125m,68 de moins que ne lui assigne la formule. En cela, j'ai été déterminé par l'état de la rivière. La partie d'aval de la passe débouche dans une fosse profonde et s'y étend sur près de 300 mèt. ; en la diminuant de moins d'un onzième, il ne m'a pas semblé qu'il y eût à redouter un abaissement des eaux en amont ; si cependant cette espérance était trompée. rien ne serait plus facile que de prolonger la jetée, puisque pour effectuer ce prolongement il n'y aurait aucun draguage

à faire.

La dépense portée au devis s'élevait à la somme de fr. 109,114-78 pour draguages, moellons bruts, moellons dégrossis, construction de la jetée et revêtement en amont du halage sur une longueur de 104 mèt. Il m'a paru qu'on pouvait la diminuer de beaucoup. En ne draguant qu'à 1 mèt. de profondeur, il Ꭹ Ꭹ avait 15,818m3,63 de draguages à déduire, dont le prix, qui est de fr. 37,964-71 retranché de la première évaluation, ne laissait plus pour le coût total des travaux que fr. 71,150-07, somme trop élevée encore, puisqu'à une moindre profondeur le prix du mètre cube de draguage devait nécessairement s'abaisser (1). A l'économie se joignait d'ailleurs l'avantage d'essayer sur un point de plus l'effet des hautes eaux, et de reconnaître là, comme à l'île

(1) Sur la Moselle, les chenaux n'ont pas été dragués; on s'est contenté de construire des jetées en rivière, en abandonnant aux crues le draguage des passes. Cours de construction des ouvrages qui établissent la navigation des rivières et canaux, etc.; par M. MINARD, pag. 8!.

Très-Douce, comme à l'ile de Dave, l'approfondissement qu'on peut se promettre des crues annuelles du fleuve. Mais la commission permanente a pensé qu'il fallait que le travail fùt complet tout d'abord, qu'un draguage à fond était nécessaire, et vous avez, Monsieur le Ministre, adopté le projet primitif sans aucune modification.

Il est donc à regretter que l'exécution doive en être différée jusqu'à la campagne prochaine.

Il en est de même du travail suivant, projeté pour l'amélioration du lit de la rivière aux îles d'Anseremme.

Les inconvénients qu'éprouve la navigation dans cette partie de la Meuse proviennent principalement d'un chemin de halage trop bas et trop étroit, d'un tirant d'eau trop faible, à cause de la largeur de la section, des attérissements dans le bras de gauche des îles, et de la nécessité, durant les basses eaux, de monter d'abord entre l'île Roualette et la rive droite, puis entre la rive gauche et l'île St-Jean, et enfin entre l'ile St-Jean et l'île Dossia.

Il faudrait, pour avoir une amélioration complète, que le halage fût établi sur l'île Dossia, à partir d'un point pris sur la rive gauche à 60 ou 65 mèt. en amont de cette île, et qu'il se raccordât avec la même rive à 90 mèt. en aval; mais l'établissement du halage n'étant point un travail d'essai, je me suis abstenu de proposer un ouvrage pour lequel les déblais du lit, nécessités par le creusement de la passe, ne me fournissaient pas les matériaux suffisants à l'amélioration de la rive.

La section, en amont de l'île Dossia, a 118 mèt.; plus bas, elle s'élargit encore: elle a 130 mèt. et jusqu'à 160 mèt. Je l'ai diminuée graduellement par une jetée qui retient les eaux vers la rive gauche, en réduisant le lit à 100 mèt. en tête de la passe; la jetée continue le rétrécissement jusqu'à l'île Roualette, et, depuis l'amont de cette dernière île, à l'aval de laquelle il se termine, le chenal se poursuit avec 30 mèt. de largeur au fond, sur une longueur d'environ 400 mèt.

pas

La direction de la passe, dont la longueur totale est à peu près de 1,000 mèt., n'était douteuse. Elle devait être dans la partie du fleuve la plus rapprochée de la rive du halage, la partie de droite, abandonnée à la Lesse, ne pouvant plus servir qu'à la navigation en descente pendant les hautes eaux (1).

Une jauge faite en amont de l'île Dossia, le 28 mai dernier, les eaux étant à 0,47 à l'échelle du pont de Meuse, à Namur, et par conséquent à 0m,16 au-dessus de l'étiage annuel, a donné 56m3,86 pour le produit de la rivière,

(1) Il sera difficile de remonter pendant l'étiage de l'aval de l'île Roualette au pont St-Jean, et, depuis les usines au dessus du pont, la Lesse s'abaissera de manière à se réduire à rien dans le bras de droite, où ses eaux, sur une section de 100 mèt. de large, ne formeront plus qu'un ruisseau très maigre; mais il s'agit ici de l'amélioration de la navigation de la Meuse, et non de celle de la Lesse. Pour celle-ci, il eût également fallu construire un chenal à partir du pont St-Jean, et le faire déboucher dans la passe, entre l'île St-Jean et l'île Roualette; mais des attérissements auraient été à craindre, et il fallait les éviter.

volume trop élevé d'environ 20m3. En effet, à l'aval de Givet, le débit est de 35m3; depuis le pont de Jaspe, la Meuse ne reçoit que l'Hermeton, les ruisseaux d'Hastières, de Ranle et de Moniat; en y joignant la Lesse, le ruisseau de Leffe, le Bocq, le Burnot, les ruisseaux de Profondeville et de Tailfer, elle n'a encore à Dave que 40m3 ; la Lesse ayant de 3m3 à 3m3.50 à l'étiage, le volume d'eau de la Meuse à Moniat et à l'île St-Jean ne doit guère dépasser 36m3.

Si, partant de ce volume d'eau, on veut déterminer la longueur d'une passe artificielle à établir dans toute l'étendue qu'il s'agit de perfectionner, on trouvera, pour des largeurs de 30 mèt. et de 25 mèt. au plafond, la pente mesurée sur le terrain étant de 0m,45, les résultats indiqués dans la dernière colonne du tableau suivant.

RAYON MOYEN.

Ainsi la longueur de la passe serait de 2,818 mèt. pour une largeur de 30 mèt. à 1,50 en contre-bas de l'étiage, et de 1,986 mèt. pour une largeur de 25 mèt. Jamais la commission permanente n'aurait adopté de pareilles dimensions.

Mais il est visible que la passe artificielle ne commence point avec la jetée, qui n'est, en amont, qu'un barrage de faux-bras; et cette jetée, dans l'état actuel de la Meuse, n'a d'autre effet que d'opérer un gonflement qui, bien évidemment, se soutient au moins jusqu'au-dessous de l'ile Roualette, en sorte que la pente de l'amont à l'aval de cette île doit rester sensiblement la même, après comme avant le gonflement. Or, c'est précisément cet intervalle à section constante, c'est la distance de la tête à la queue de l'île Roualette, qui constitue véritablement la passe; c'est donc pour cette seule partie que doit être fait le calcul.

Voici ce qu'il donne.