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Les autres dispositions expliquent et complètent la loi dont le mode d'exécution a été réglé par ordonnances royales du 15 octobre de la même année et du 27 octobre 1837.

La loi du 30 floréal an X avait créé les droits de navigation intérieure, et leur produit formait, pour chaque rivière, un fonds spécial exclusivement affecté à son entretien. La spécialité de cet impôt a été supprimée en 1814, et, depuis lors, des sommes bien plus considérables que celles qu'il produisait, ont été consacrées aux travaux de la navigation intérieure, ainsi qu'on en peut juger par les allocations relatives à la Haute-Seine, à la Moselle et, plus récemment, à la Meuse. Chaque rivière, depuis l'an X, avait un tarif particulier, et non seulement de bassin à bassin, mais, dans un même bassin, de rivière à rivière, le tarif, ses bases et le mode de perception n'avaient souvent rien de commun. La loi du 9 juillet 1836 a eu pour but de ramener, autant que possible, tous les tarifs à un taux et à des bases uniformes, en prenant ces bases dans la distance parcourue et dans le poids de la marchandise. Il est remarquable que, dans la discussion de cette loi, comme acheminement à l'abolition de tout droit sur la navigation intérieure, le ministère français ait adhéré à la proposition faite par la commission de la chambre des députés, de diminuer d'environ un million de francs le produit de cet impôt.

En Belgique, les péages ont subi de nombreuses variations.

Sous le gouvernement des princes-évêques, les bateaux venant de France payaient un droit à leur entrée dans le pays de Liége, au bureau d'Hermeton (1); ils payaient aussi le toulieu à leur passage à Namur, au pont de Huy (2), au pont des Arches et à Maestricht.

Ce droit de toulieu, qui était une taxe sur les marchandises, date des époques les plus reculées; on le voit mentionné dans des actes du Xe siècle, entre autres dans un diplôme de Louis, fils de l'empereur Arnulph, de l'an 908, en faveur de l'église de Liége (3); au XVe siècle, dans une cession en date du 1er juillet 1469, faite par le prince-évêque, Louis de Bourbon, au duc de Bourgogne, Charles-le-Téméraire, pour en jouir, lui, ses hoirs et ayant-cause, pendant le terme de trente ans, du droit de toulieu sur les bateaux et marchandises, et sur tout ce qui passait sous le pont des Arches, droit qui s'élevait au trentième des biens et marchandises, et dont les sujets du duc de

(1) Un mémoire, publié à Liége, en 1740, à l'occasion de la longue guerre de tarifs que, vers le milieu du siècle dernier, se sont faite le pays de Liége et les Pays-Bas autrichiens, mentionne des tarifs de 1590, 1605, 1606, 1671, 1680, etc., pièces qu'il serait intéressant de connaître, mais qu'il est difficile de se procurer. Recueil historique d'actes, négociations, etc., par ROUSSET, t. XIV. La Haye, 1742.

(2) Ce droit a varié. En 1779, chaque bateau excédant les 8 pieds de pielle, payait 3 fl. ; de 6 pieds jusqu'à 8, 1 fl. 10 sols; de 5 pieds, 15 sols, etc. Les bateaux non chargés payaient la moitié du droit. Archives de la ville de Huy, tarif du 30 août 1779.

(3) De la souveraineté indivise des évêques de Liège et des états-généraux sur Maestricht, par M. L. POLAIN. Liége, 1831.

Bourgogne étaient seuls exemptés; au XVIe siècle, dans un concordat du 4 août 1546, entre le pays de Liége et l'empire (1); au XVIIe siècle, notamment dans un acte du 7 août 1657, portant que le péage sur et sous le pont des Arches avait été affermé pour 23,000 fl. au sieur soub-mayeur Prosset; mais que les bourgeois ayant fait du bruit à cette occasion, MM. les bourgmestres et le conseil de la cité s'empressèrent de surroguer au lieu et place dudit péage, un impôt de dix liards sur chaque tonne de bière, en sus des dix liards déjà imposés pour la construction dudit pont (2).

Le toulieu s'est conservé jusqu'à la réunion de la Belgique à la France.

Indépendamment des droits d'entrée et des toulieus, les bateaux qui descendaient la Meuse étaient contraints d'acquitter des droits de sortie et de passage. De Liége à Gorcum, il y avait :

A Lixhe, bureau de péage du prince de Liége;

A Nawagne, bureau de droit d'entrée de l'Autriche ;

A Urmond, bureau de droit d'entrée et de sortie de l'électeur palatin;

A Ruremonde, bureau de droit de sortie de l'Autriche ;

A Kessel, bureau de droit d'entrée de la Prusse ;

A Well, bureau intermédiaire de la Prusse ;

A Gennep, bureau de droit de sortie de la Prusse;
A Catwyck, tol de la princesse de Hohenzollern;

Ibid.,

bureau de déclaration d'entrée en Hollande ;

A Grave, tol hollandaise et bureau pour le paiement des droits, d'après la déclaration faite à Catwyck ;

A Ravenstein, forte tol de l'électeur palatin, dont le péage était suspendu à certaines époques de l'année;

A Maas-Bommel, tol seigneuriale;

A Batenburg, tol seigneuriale, doublée à certaines époques ;

A Bommel, tol seigneuriale.

En remonte, il fallait encore acquitter un droit au bureau de Coronmeuse (3). Il serait difficile de savoir aujourd'hui quel était au juste la quotité du droit dans chacun de ces bureaux (4); mais quelle qu'elle fût, la multiplicité des

(1) LOUVREX, tom. 1er, p. 213.

(2) L'impôt des dix liards par tonne de bière a été affermé, en 1664, pour 41,400 flor.; en 1666, pour 45,000 flor., à un nommé Hendrick Herck. Un document de 1666 montre que, quelques années auparavant, cet impôt n'avait rapporté que 38,000 flor.-Archiv. de la prov. de Liége.

(3) Ce droit était d'un florin par cheval.

(4) La difficulté de connaître le montant de ces droits divers est d'autant plus grande que nous nous éloignons davantage des temps où ils se percevaient, et c'en était déjà une peu d'années après leur suppression. On lit dans une lettre du 10 fructidor an X, adressée par le conseil de préfecture du département de l'Ourthe au préfet de ce département : « Il n'existait

péages n'aurait pas été tolérable, si les bateliers n'avaient eu l'adresse de s'y soustraire par la fraude et par leur connivence avec les receveurs, et c'était une entrave des plus onéreuses pour la navigation. Le batelage cependant était l'objet d'une protection spéciale de la part des princes-évêques, qui s'opposaient, dans le pays de Liége, aux vexations des châtelains voisins du fleuve. Un édit de 1733 défend au comte d'Arberg, seigneur de la Rochette, d'exiger aucun péage pour la navigation sur la Vesdre (1). Une vigilante sollicitude entourait les bateliers de la même protection dans le comté de Namur. Un placard de Philippe IV, de l'année 1656, défend à tous les officiers publics de prendre ou exiger aucune chose sur bateaux, chariots, chevaux, personnes et marchandises, passant par rivières, ponts, etc., et ce à peine de privation de toutes charges, au regard des gouverneurs, commandants ou officiers, de trois traits de corde au regard des soldats, etc. (2).

jadis dans la partie de la Meuse qui traverse le département de l'Ourthe, que trois sortes de taxes, savoir: celle qui était due pour chaque bateau passant le pont de Huy, et dont la valeur ne nous est pas connue; celle d'un soixantième, argent du pays, à charge des étrangers voiturant par eau pour leur compte et descendant au pont de la Victoire (pont des Arches); enfin, celle d'un florin de Liége, qui se payait au bureau de Coronmeuse, pour chaque cheval de bateau remontant la rivière. » Archives de la province de Liége.

(1) LOUVREX, tom. IV, pag. 267.

(2) Ce placard est du 12 décembre 1656. Coutume et ordonnances du conseil de Namur, pag.305.

Les droits usurpés par les barons dans les temps féodaux avaient fini, au moins pour quelques-uns, par être considérés comme régaliens; aussi voit-on que plusieurs châtelains imposaient des péages contre lesquels ni prince ni marchand n'élevait de réclamations. Voici à ce sujet un document que renferment les archives de la province de Liége.

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Spécification de ce que chacune marchandise doit passant à Winaige du chasteau Thiry sur Meuse, appurtenant au seigneur du dit lieu. 1553, le 27 janvier. Toute marchandise qui se poisse à balances, pour chascun millier, 1 patar brabant; pour chascune tonne de bierre et havens, 1 blanc; pour one charée de sel, 3 sols 1 blanc; pour chascune navée de charbons passante oultre Bovignes, 18 sols 1 blanc; le ponton seul, idem; quand il demeure à Bovigues, Dinant ou par-desseur, 17 sols; la pasquete seule passante Bovignes, 6 sols 1 quart; demeurant à Bovignes, Dinant ou par-deça, 5 sols...... Pour une navée passante oultre Bovignes, 5 sols 1 blanc; chascune pasquete passante le dit Bovignes, 2 sols. Le semblable se faict des escorces, quand il demeure à Dinant ou Bovingnes; etc., etc. »— - Liasse des papiers du héraut d'armes Lefort.

Tous les péages féodaux sur la Meuse ne se prélevaient pas avec la même facilité. A Eysden, il y en eut un anciennement qui souleva des plaintes dès le XVIe siècle, comme l'atteste une lettre du collecteur du Thoulieu d'Eisden au magistrat de la ville de Ruremonde, escrite le 26 d'april 1563; et plus tard, les magistrats de Liége lui opposèrent une vigoureuse résistance. Les pièces relatives à ce débat ont été recueillies et publiées en un volume: Manifeste et démonstration sincère et véritable de l'usurpation du Thoulieu, entreprinse par les seigneurs gagiers d'Eisden, etc. Liége, 1675.

On lit, pag. 49 et 50 de ce manifeste, le tarif du Thoulieu d'Eisden.

« Pour un premier du vin, vinaigre, huil, harens, poissonnerie et semblables marchandises empacquées en tonneaux, réservé des cuirasses de chasque tonneau, 7 brabanders.

» Et pour harens déchargez à Maestricht hors de batteau de chasque tonne, 1 brabander. » Item de batterie c'est à sçavoir de marchandise de cuivre, de mineraulx rouges en

Lors de la réunion à la France, tous les droits établis sur la Meuse beige furent abolis, et le décret du 10 brumaire an XIV supprima les péages qui existaient encore à cette époque sur la Meuse hollandaise jusqu'à Mooch, audessous de Venloo. Pendant plus de dix ans, de 1793 à la fin de 1805, la Meuse fut affranchie de tout doit, et les bateliers, soumis, comme les autres industriels, à un simple droit de patente, ne cessèrent de jouir de cette liberté qu'en 1806.

Le décret du 10 brumaire, dont un extrait publié à Liége le 11 janvier 1806 par le préfet du département de l'Ourthe, l'a été à Namur et à Maestricht dans le même mois, ayant appliqué à la Meuse les dispositions de la loi de floréal, les péages furent perçus, à partir du 1er février suivant, aux bureaux établis par un second décret du 10 brumaire an XIV. Les bureaux étaient, pour nos trois provinces, à Dinant, à Namur, à Huy, à Liége, à Maestricht, à Ruremonde et à Venloo. Le droit était calculé sur la distance, et les distances étant inégales, le tarif fut réglé en conséquence. En voici le tableau :

pouldre et toutes aultres sortes de marchandises de poid de chasque livre, 4 deniers de bonne

monnoye.

» Item de mines d'estain en pouldre, de Thoulieu, 4 deniers bonne monnoye.

» D'une pierre sépulchrale, 1 vieux gros de Thoulieu.

» Item d'une pierre de moulin, 6 deniers.

» Item d'une pierre à aguiser, 4 deniers de bonne monnoye.

» De sel, de poisson, de grains nettoyez, et d'escorche de bois, de fer, réservé les cuirasses, aussi réservé les harens, qui se deschargent à Maestreicht, comme est escrit cy-dessus, de touttes marchandises de poid sont les estrangers obligez de payer.

» Pour un batteau de sel, un batteau de harengs, un batteau de poissons, 5 brabanders.

» Les estrangers doibvent pour un batteau de grains, un vieux gros, réservez les grains

que l'on meine en sacque à Maestreicht, en hault ou en bas.

» Item les estrangers sont redebvables pour une marque de Thoulieu, 4 deniers. » Item pour un cent de cendre de chalmine de Thoulieu, 4 vieux gros.»

Le Manifeste ajoute, pag. 50: « Pour interprétation et pertinente intelligence de cette liste, servira la lettre escrite par feu Henrick Hoffe lors collecteur dudit prétendu Thoulieu soub le seigneur de Gheleine au Magistrat de la ville de Ruremonde le 26 d'avril 1563. s'excusant, et purgeant de ce qu'il étoit accusé d'avoir excedé en la levée du dit prétendu Thoulieu, déclare n'estre deub, et ne lever d'un lust d'huyle, et savon que douze patars, d'un last de harengs et de poix, trois patars, d'une navière ou mast du sel pour grande qu'elle fut quand bien elle seroit tirée par quattre, cincque, ou plusieurs chevaulx ne se payoit qu'un braspenick valissant un patar, et un liard. »

Tarif des droits de navigation sur la Meuse belge.
(Loi du 30 floréal an X et décret impérial du 10 brumaire an XIV.)

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2 25 250 300 3 85 3 30 6 60 275 4 40 transport des

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3 00 3 30 4 10 5 25 4 50 9 00 3 75 6 00

3 60 3 95 4 95 6 30 5 40 10 80 4 50 7 20

voyageurs, payaient 5 fr. par bureau.

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Le gouvernement français disposant des recettes en vertu de la loi du 30 floréal, se chargeait de l'entretien des rivières, et, dans le département de l'Ourthe, même lorsqu'il n'en était indemnisé par aucun péage, il dépensait annuellement de 20 à 25,000 fr. pour cet objet, si l'on en juge par les allocations de l'an XI, de l'an XII et de l'an XIII, qui ont été de 20,000 fr. pour chacun des deux premières années, et de 25,000 fr. pour la dernière (1).

A cette époque, de grandes réparations étaient déjà devenues nécessaires, et l'abandon dans lequel on avait précédemment laissé les rives de la Meuse, les digues, le chemin de halage, est signalé dans un rapport du 1er prairial an IX, adressé au ministre de l'intérieur par le préfet de l'Ourthe. C'est pour porter remède à cet état alarmant, selon les termes du préfet, mais qui se prolongea encore pendant des années, que parut le décret impérial du 4 prairial an XIII, modifié peu après par celui du 8 vendémiaire an XIV, et qui rend exécutoire en Belgique l'art. 7, titre 28, de l'ordonnance de 1669 (2).

La perception de tout droit, fut suspendue à l'arrivée des alliés en 1814; mais en vertu d'un arrêté du gouverneur-général du Bas-Rhin, en date du 5 juin de la même année, et qui demeura obligatoire sous le gouvernement

(1) Archives de la province de Liège. — L'art. 18 de l'arrêté du 8 prairial an XI, offre une disposition remarquable sur la manière de procéder aux dépenses d'amélioration et d'entretien des fleuves.

(2) En l'an XI, M. Lejeune, ingénieur en chef des ponts et chaussées dans le département de l'Ourthe, avait proposé de curer les rivières d'Ourthe, de Vesdre et d'Amblève, d'améliorer leur cours et de réparer les chemins de halage; mais on ne voit pas qu'il ait fait de propositions pour la Meuse.

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