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V I.

Les mouvemens que Mommole se donna pour cela avec plufieurs Evêques, font rapportés fort au long par Gré- SIECLE. goire de Tours. On y voit comment Mommole manqua d'être arrêté à Avignon, par ceux qui venoient pour l'amener à Gontran; comment il fit reconnoître Gombaud en qualité de Roi, à Brive en Limofin; la confiance qu'il conçu à Toulouse, dans des Reliques de S. Serge Martyr, apportées, disoit-on, de Syrie; efperant, fur le recit d'un Evêque, qu'étant muni d'un petit offement de ce Saint, il mettroit en fuite les ennemis de Gombaud. On y lit comment l'armée de Gontran vint l'attaquer à Comminges; qu'il y foutint le fiége durant plus de quinze jours; mais qu'enfin le voyant à la veille d'être pris, il livra Gombaud entre les mains des Officiers de Gontran, & que luimême fut tué le lendemain dans la ville par deux lanciers. On peut bien juger qu'un homme fi puiffant ne poffédoit pas de petits trésors. Après la mort, fa femme, que quelques-uns appellent Sidonie, déclara ce qui en reftoit à Avignon, & elle affura que cela provenoit d'un ancien tréfor que Mommole avoit trouvé. Gontran y ayant envoyé, on y compta deux cens cinquante talens d'argent, & plus de trente talens d'or. Ce Prince n'en laiffa à la veuve que ce qui lui pouvoit revenir pour fa dot. Il en donna une partie à Childebert fon neveu, & diftribua le refte aux pauvres. Un jour qu'il dînoit à Orleans, accompagné de quelques Evêques, & entre autres de Grégoire de Tours, il déclara, en montrant un baffin d'argent, qu'il avoit eu de la confifcation des biens du Patrice Mommole, quinze grands baffins qu'il avoit fait rompre, n'ayant réfervé que celui-là, qui étoit actuellement fur la table, & un autre du poids de cent foixante & dix livres. On préfenta auffi à Gontran, après la mort de Mommole, un homme qui avoit été à fa fuite : c'étoit un Charpentier qui avoit huit à neuf pieds de haut.

Si Erpon qui arrêta Merovée dans le pays Auxerrois, n'étoit pas Comte d'Auxerre, on a au moins quelque fondement de le croire d'un certain Ermenfrid, qui vivoit en même temps. Saint Germain Evêque de Paris avoit acquis de ce Comte, les terres qu'il legua à l'Eglife de fainte S. Germ. Prat Croix de Paris, & ces terres étoient fituées dans le Diocèse d'Auxerre.

Cod. mf.

IX. faculis.

VI.

Quoique la ville d'Auxerre appartînt à un Roi trèsSIECLE. pieux, & qu'elle fût gouvernée durant tout le fixiéme fiécle par de Saints Evêques, il y étoit encore refté beaucoup de pratiques qui tenoient du Paganisme. Il eft vrai que pour s'éloigner de l'ufage des Payens, on avoit quitté en quelque chofe la coûtume de commencer l'année au mois de Janvier, felon l'ancienne maniere des Romains, & on avoit établi l'ufage de la commencer à Pâques; mais il reftoit encore affez de veftiges, même dans l'usage Eccléfiaftique, de la coûtume d'appeller le mois de Janvier, le premier de tous les mois; & dans le monde on en diftinguoit les Calendes, c'eft-à-dire, le premier jour, par des étrennes qu'on fe donnoit mutuellement, dans lef quelles il y avoit quelque chofe de plus que du superstitieux. Le même jour les habitans avoient encore l'extravagance de fe faire atteler comme des chevaux, & de tirer certains petits charriots, comme les quadrupedes. Il y avoit encore alors des Chrétiens affez groffiers, pour faire des vœux aux arbres qui leur paroiffoient tenir de la divinité, & à certaines fontaines qu'on appelloit des Fontaines facrées. Telle étoit celle qu'on voit encore fur le rivage gauche de la petite riviere de Beauche, au-deffous du village de Saint-George, appellée au septiéme fiécle, Dionna. L'ignorance & la fuperftition faifoient attacher aux arbres dont je viens de parler, les fymboles des guérifons qu'on prétendoit avoir obtenues, comme des pieds de bronze ou d'autre matiere, de petites figures humaines en toile, &c. L'Evêque S. Aunaire ayant reprimé ces abus avec le fecours de fon Clergé, eut foin de faire munir ces défenfes de l'autorité du Roi Gontran. L'autorité d'un Prince auffi pieux ne fut point de trop pour fupprimer des pratiques fi contraires à la pureté de la Religion Chrétienne, & auffi enracinées qu'étoient celles que je viens de rapporter. Le parfait accord qui étoit alors entre les Rois & les Evêques, fe reconnoît affez par une lettre du Pape Pelage II. à Saint Aunaire Evêque d'Auxerre, où répondant aux empreffemens que ce Prélat auroit eu d'aller à Rome, s'il n'en eût été empêché par les remuemens des Infidéles, il l'exhorte de perfuader vivement à tous les Rois entre lefquels les Gaules étoient partagées,

de s'abftenir de faire amitié avec le cruel ennemi des Romains, qui étoit le Roi des Lombards. On a vu ci-deffus que Mommole Comte d'Auxerre fut le fleau de ces Bar

bares.

VII. SIECLE.

L'histoire ne fournit point de Comtes de cette Ville durant tout le feptiéme fécle, & l'on va jufques bien avant dans le huitiéme fans en trouver. On lit que la Reine Brunehauld avoit donné fon nom à une Tour d'Auxerre; mais vita s. Maw on ne fçait pas laquelle ce fut des fept ou huit qui fubfiftent rini, Ep. encore, ni fi le nom de Turris Brunechildis de nos Ecrivains du neuviéme fiécle, ne feroit point une expreffion Latine qu'ils ont fabriquée; car on a appellé autrefois du nom de Bruneau, ce qui étoit plus folide & de plus forte confiftence, foit en fait de chemins, foit en fait de fortereffe. Thierri fils de cette Reine fut le dernier Roi de Bourgogne, maître d'Auxerre. Cette Ville, fuivant que S. Colomban l'avoit prédit en y paffant à Ragamond fon Envoyé, revint fous la puiffance des Rois de Paris ou de France, en la perfonne de Clotaire II. l'an 613. Ce fut depuis cette réunion de la Bourgogne à la Monarchie que l'on vit fouvent les Rois de France paffer par xerre. Dagobert I. fils du même Clotaire, y paffa l'an 628. en revenant de Châlon & d'Autun. Clovis II. fon fils y ... paffa au mois de Septembre de l'an 641. Dagobert III. Aimein, lib.4× y paffa auffi l'an 715. à fon retour de Châlon & d'Autun. Dix-fept ans après cette Ville fut pillée par les Sarrafins : mais ce fait n'eft pas tout-à-fait garenti. On eft bien plus affuré des fréquens paffages de Pepin par la même Ville. Ils font marqués dans la continuation de Fredegaire, aux années 760. 761. 765. & 767.

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Au

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Fredeg. n. 58.

Num. 124 ∙125. 130%

1320

VIII. SIECLE.

CHAPITRE II L

555:5

Auxerre fous la feconde race de nos Rois. Ermenold en eft dit le premier Comte. Charlemagne y paffe. Auxerre donné par Louis le Débonnaire à Charles le Chauve. Bataille de Fontenet en Auxerrois. Conrad oncle de Charles le Chauve, eft Comte d'Auxerre. Ce qu'on fait de lui. Judith fille de Charles le Chauve mariée à Auxerre. Conrad Le Jeune fuccede à fon pere dans le Comté d'Auxerre, & en jouit peu de temps. Robert fon frere en eft fait Comte. Lothaire fils de Charles le Chauve eft élevé à Auxerre. Le Roi Charles le Chauve réfide fou vent en cette ville. L'Auxerrois eft appellé Duché. Hugues l'Abbé Comte d'Auxerre, puis Girbold qui fut le fleau des Normans. Les Rois retiennent après fa mort le Comté d'Auxerre. Richard Duc de Bourgogne en jouit, & y établit un Vicomte,

C

E n'eft pas feulement pour ce qui regarde l'Hiftoire de la Monarchie, que le regne des Carlovingiens fournit une plus ample matiere; c'eft encore pour les Hiftoires particulieres des Provinces de ce Royaume. En effet, c'est à ce regne que commence une fuite des Comtes d'Auxerre, qui depuis ce temps-là fouffre très-peu d'interruption, quoique ce Comté ne fût point encore héré ditaire. Le premier Comte du pays Auxerrois qui fe trouve alors dans les monumens, eft un nommé Ermenold ou Ermeneux, qui vivoit fous l'Evêque Maurin contemporain de Charlemagne. Hoc præfide primus Comes pagi Au tiffiodorenfis Ermenoldus nomine, difent les Actes de cet Evêque, écrits foixante & dix ans après fa mort. Ils nous apprennent que ce Comte fit bâtir alors dans une terre qui lui appartenoit, un Monaftere en l'honneur du Sauveur dont l'Evêque Maurin dédia l'Eglife, & la dota d'une terre nommée Couci, outre les terres que le Comte lui avoit affignées en le fondant. Ils ajoutent que cet Evêque ayant redemandé à ce Comte la même terre, le Comte la rendit libéralement à l'Eglife de Saint-Etienne, dont Moxque Her Maurin l'avoit diftraite. Gaguin marque qu'auffitôt que monaldo fibi Charles fut en poffeffion de tout le Royaume de France siffiodorum do- après la mort de Carloman fon frere, il fit préfent de la no dedit, cum- ville d'Auxerre à Hermenald son ami, & lui donna la qua

familiari Au

lite

VIII.

Lib. 4. circa

init,

lité de Comte (a). C'eft ce que Belleforêt a dit auffi après lui. Mais quoique ces autorités récentes ne fuffifent pas pour SIECLE. rendre ce fait hors de doute, il eft conftant au moins, que Comitem qu'alors Charlemagne fit rendre à l'Eglife d'Auxerre une appellavit. bonne partie de ce qui lui avoit été ôté fous Charles-Martel, & qu'il ordonna par une Charte qui ne fe trouve plus, que l'Evêque y rentreroit à mefure que les détenteurs mourroient. Le paffage de ce Roi par Auxerre arriva quatre ans après le commencement de l'Epifcopat de Maurin Charlemagne retournoit d'Espagne l'an 778. après avoir détruit Pampelune, dompté les Navarrois & les Gafcons, lorsqu'on lui vint dire que les Saxons profitant de fon éloignement, avoient tout mis à feu & à fang jufques fur le bord du Rhin. Ce Roi victorieux apprit cette nouvelle pendant qu'il féjournoit à Auxerre. Auffitôt il envoya des Eginhard.vita troupes compofées de François orientaux & d'Allemans, Caroli Magni, pour leur donner la chaffe: ce que la vie de Charlemagne publiée par Pithou, appelle une Escadre Françoise, Scaram Francifcam.

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IX.

Il manque ici dans l'Hiftoire, le fucceffeur immédiat du Comte Ermenold, c'est-à-dire, celui qui jouit de la qua- SIECLE lité de Comte d'Auxerre, fous le regne de Louis le Débonnaire, fils de l'Empereur Charlemagne. Peut-être qu'après la mort d'Ermenold, qui felon les Mémoires de Gaguin tenoit ce Comté de Charlemagne, la dignité créée par le Prince ne fut conférée à perfonne. Quoi qu'il en foit, Louis le Débonnaire ayant crû devoir fixer avant fa mort l'étendue des Etats de fon fils Charles, depuis dit le Chauve, comprit le pays Auxerrois dans la portion qu'il lui deftina. Cela fut ainfi arrêté dans l'Affemblée qu'il tint à Aix-la-Chapelle, pendant l'hiver de l'année 838. L'hiftorien Nithard qui nous apprend cette circonftance, nous laiffe cependant à penfer qu'il y avoit alors un Comte à

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(a) Si j'ai appellé le Comte Erme-re, tient fon nom de ce Comte, & nold du nom d'Ermeneux, c'eft fur le qu'il auroit été de fon domaine. Je fondement produit par le P. Viole, qui trouve qu'il y avoit des Hermenaud croit qu'un certain territoire ancien, dans les environs de Gi-l'Evêque, dès, du nom d'Ermeneux, appartenant au- l'an 1300. il y en a de nommés dans un trefois en partie au Chapitre d'Auxer-petit Necrologe de cette Paroiffe, mêlé re, felon des Titres de l'an 1423. & au- avec le Calendrier d'un très-ancien Mifjourd'hui à la Commanderie d'Auxer-fel manufcrit, au mois de Septembre. Tome II. D

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