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vêques & Evêques au bas du Thrône le Chancelier de France & celui de Guyenne, & un peu plus bas les Envoyés de l'Université de Paris, de la Ville même, & des autres Villes du Royaume. Plufieurs crurent en cette occafion que le Duc d'Orléans ne faifoit que d'arriver à Auxerre avec le Comte de Vertus fon frere, parce qu'ils n'entrerent en la Salle que lorfque chacun fut placé (a). Ce Duc fe préfenta avec un équipage magnifique, & qui furpaffoit prefque celui du Roi, revêtu cependant quant à lui & fon frere d'habits de deuil. Le Duc de Bourbon ayant été les recevoir, celui de Guyenne donna au Duc d'Orléans le baiser de paix, & il fut placé entre les Ducs de Bourgogne & de Bourbon. Tout étant en ordre & en filence par les foins du Connétable, le Chancélier fe levant déclara de par le Roi, que le fujet de l'Affemblée étoit pour ratifier la paix conclue entre le Duc de Bourgogne d'une part, & le Duc d'Orléans avec le Comte de Vertus fon frere d'autre part, qu'il attefta être agréable à leur troifiéme frere & à leur foeur abfens; & un Sécretaire du Roi en lut les articles. Cette lecture étant faite, le Duc de Guyenne fit approcher de foi les Princes, & leur ordonna de mettre la main fur le texte de l'Evangile, fur un Reliquaire de la vraie Croix, & fur les autres Reliques de la Cathédrale qui furent alors placées entre le Roi de Sicile & lui. Il leur fit enfuite promettre par ferment qu'ils accompliroient tout ce qui étoit contenu dans la feuille du Traité. Ce qui ayant été fait, le Chancélier de Guyenne s'écria à haute voix, que pour donner une plus grande authenticité à ce Traité, il plaifoit au Roi que tous les gens d'Eglife préfens miffent la main ad pectus, & déclarafsent foi de Prêtre, qu'ils en approuvoient tous les articles: ce qu'ils firent. Il exigea enfuite de la part du Roi, que les Gentilshommes pour marque d'une pareille approbation, levaffent la main droite vers le ciel, ce qu'ils firent pareillement, après avoir pofé leurs épées à terre. Cette cérémonie fur fi touchante, que plufieurs verferent des larmes

(4) Comme ceci eft tiré d'un écrivain | trompent, auffi bien que Juvenal des contemporain, qui étoit Moine de Urfins, lorfqu'elles marquent que les S. Denis, Auteur de la vie Latine de Ducs d'Orleans & de Berri n'affifterent Charles VI. il eft affez évident que les point à ce Traité, parce qu'on avoit Grandes Chroniques de S. Denis fe réfolu de les tuer.

Depuis l'an qu'en 1420,

1411. jul

de joie à la vue d'une fi parfaite réunion. On s'y prêta de Depuis l'an 1411. juf- fi grand coeur, qu'on fouhaita le fort de Judas à quiconqu'en 1420. que iroit contre le moindre article de ce Traité. Auffitôt on chanta le Te Deum dans la Cathédrale au fon des cloches de toute la Ville, pendant lequel Cantique tous les Princes & Seigneurs rendirent graces à Dieu les genoux en terre (a).

Au fortir de cette cérémonie, il y eut un magnifique repas au logis du Dauphin (b). Tous les Princes mangerent ensemble, & par confidération pour la dignité des convives, Jean Duc de Bourbon voulut fervir, accompa gné des Comtes de Nevers & de Saint Pol avec plufieurs Barons & Chevaliers de diftinction. Le refte de la journée fe paffa en jeux & divertiffemens. Le lendemain & les jours fuivans ne furent qu'une continuation de feftins & de réjouiffances entre les Princes; & ces démonftrations d'a

NOTE SUR LE LIEU DE CETTE ASSEMBLEE. (a) Montrelet dit qu'elle fut tenue de l'endroit où ces Châffes étoient conhors la ville d'Auxerre, dans une plai- fervées, & qu'ainfi ce fut, ou dans la ne procheune Abbaye de Nonnains.Mais grande falle du Chapitre que la Paix il paroît qu'il a été mal inftruit. Le fut ratifiée, où dans la grande falle de Moine de S. Denis que j'ai fuivi, & l'Evêché qui fubfiftoit dès lors telle qui vivoit alors, entre dans un fi grand qu'on la voit aujourd'hui. Le Relidétail des circonftances de la cérémo- quaire de la vraie Croix fur lequel les nie, qu'on eft obligé d'entendre fim-Princes mirent la main, eft fans doute plement de la Cathédrale, les termes celui qui eft nommé au commencedont il s'eft fervi dans fon original. Il ment de l'Inventaire des Reliques de la eft vrai qu'il y dit qu'elle fut tenue, Cathédrale, dreffé vers ce temps - là, in ampliori curia Ecclefia Cathedralis & qui venoit d'une Ducheffe d'Anjou. S, Germani, & que la Cathédrale n'eft Voyez les Preuves, pag. 145. Le Te pas fous le titre de S. Germain, mais Deum auffitôt chanté dans la mème de S. Etienne. C'est ce qui eft caufe Eglife Cathédrale eft encore une preuque le mot Cathedralis a été fousligné, ve de ce que j'avance.Il y auroit moyen puis omis par des Copiftes plus récents. d'excufer Monftrelet s'il étoit für qu'il De-là vient auffi, que quelques-uns fe fut tenu une Affemblée préliminaire après le Laboureur dans la traduction le 10. Août, qui étoit le jour qu'on de cet Auteur, ont cru que c'étoit à avoit d'abord choifi. En ce cas, ell'Abbaye de S. Germain qu'on s'étoit le auroit pu être tenue fous des tenaffemblé. Mais la fuite fait voir que tes hors de la Ville dans la plaine qui l'erreur de l'Hiftorien confifte feule-étoit alors derrière l'Abbaye de S. Jument, d'avoir cru que S. Germain lien, vrai Monaftere de Nonnains, c'estétoit le nom de la Cathédrale d'Auxer-à-dire, de Filles : & ce ne feroit point re, erreur encore affez commune de comme a dit de Serres proche l'Abbaye nos jours. La préfence des Châffes de de S. Marien. l'Eglife Cathédrale dans la falle de l'Affemblée, & nullement de celles de l'Abbaye de S. Germain, eft une preuve que cette falle étoit peu éloignée

(b) Quelques Hôtelleries d'Auxerre ont confervé le nom qu'elles prirent alors du Dauphin, & du Duc de Bour gogne.

mitié

Depuis l'an 1411. jufqu'en 1420,

Monftrelet.

mitié parurent fi finceres au peuple d'Auxerre, qu'il ne pouvoit s'empêcher de crier hautement Gloria in excelfis Deo. C'étoit une des anciennes exclamations reftées en ufage parmi les François, de même que celle de Noël. Le Duc d'Orléans & le Duc de Bourgogne qui étoient les auteurs de la divifion qui étoit dans le Royaume, parurent fouvent enfemble à cheval avec les autres Seigneurs. Un jour même on les vit montés tous les deux fur un même cheval. Cependant, ajoûte l'Hiftorien, dans le grand nombre de gens éclairés venus à Auxerre de toute la France, il y en avoit qui se défioient encore de toutes ces marques extérieures d'union, & qui n'étoient pas du fentiment du peuple. Ils ne s'en cachoient point, & ils difoient affez publiquement qu'on y feroit trompé, & qu'il n'y avoit point tant de miracle qu'on fe l'imaginoit. C'étoit, dit Monftrelet, de mauvaifes langues qui parloient ainfi. Cependant la fuite les juftifia bientôt, en faifant voir que cette paix n'étoit fi folidement établie qu'on l'avoit cru. Le même jour qu'elle fut fignée, il y eut des Lettres expédiées pour faire reftitution au Duc d'Orléans, à Philippe Comte de Vertus fon fils, à Jean d'Orléans Comte d'Angoulême, & Marguerite d'Orléans leur foeur, & à leurs Officiers, vaffaux, Tables de fujets, Prêtres & Bénéficiers, des Terres qui leur avoient Blanchard été ôtées durant la guerre.

pas

Comme les chaleurs avoient été très-grandes durant tout l'Eté, il étoit furvenu une espece de pefte dans le

il

pays, &

pag. 222.

y étoit mort affez de monde (a); c'eft ce qui obligea le Roi de fe rendre à Melun par eau, après avoir refté Monftrelet. dans Auxerre l'efpace d'un mois. Les autres Princes se retirerent à Paris par terre. Les fept Députés du Parlement y étant arrivés, firent leur rapport à la Cour le famedi 27. du mois : & comme il paroiffoit que c'étoit la main de Dieu qui avoit procuré & cimenté cette paix, le Regift. Par Parlement ordonna que dès le même jour on chanteroit lam. Parif. le Te Deum dans toutes les Eglifes de Paris au fon des 27. Aug. cloches; & de concert avec le Doyen de Paris, l'Official, &c. il fut réfolu de faire le lundi 29. une Proceffion

(4) J'ai remarqué dans le nouveau de Gaillonet homme d'importance, où Sanctuaire de l'Abbaye du Val, au il eft écrit qu'il mourut alors à AuDiocèfe de Paris, la tombe d'un Adam xerre.

Tome II

Mm

1412.

- Depuis l'an 1411. jut

qu'en 1420.

89.

générale de Notre-Dame à Sainte Genevieve, en actions de de cette paix jurée & fignée à Auxerre, grace & pour demander à Dieu qu'elle fût de longue durée. Nicolas de Clamenges célébre Docteur, qui vivoit alors à Langres, n'en augura pas fi heureusement. Ecrivant à Nicolas Clameng. Ep. de Bay Greffier du Parlement, il lui marque qu'il fouhaite que la paix conclue à Auxerre dure inviolablement ; mais que le contraire étoit bien à craindre, à cause de la corruption des mœurs qui regnoit alors, à laquelle on n'apportoit aucun remede. Il femble que le Roi avoit ufé de toutes les précautions néceffaires pour rendre cette paix durable: il avoit pris confeil de tous côtés, & en particulier de l'Univerfité de Paris. Il lui en avoit envoyé les Hift. Univ. articles ; &, comme on a vu plus haut, les Députés de ce Parif. fac.XV. célébre Corps avoient affifté aux Conférences tenues à Auxerre. Cependant on reconnut bientôt que la prédiction de Nicolas de Clamenges n'étoit pas trop mal fondée. Depuis ce temps-là, le Roi en différentes Lettres Patentes qu'il accordoit, faifoit faire mention de cette paix d'Au÷ xerre. On en trouve un veftige en particulier dans celles qu'il adreffa le 13. Novembre 1413. au Sire d'Oliergues en Auvergne, où il lui mande de n'obéir à qui que ce foit qui le convoque à la guerre, comptant avoir pris à Au'Hift. de la xerre toutes les mefures néceffaires pour établir une paix. maifon d'Au- conftante & durable.

P.235.

Baluze,

Preuves de

vergne, pag.

721.

Ce Prince qui étoit bien intentionné, ne tarda guère à fe voir trompé. Dès la même année 1413. il arriva à Pa÷ ris des chofes de fort mauvais augure; & le Duc de Bour gogne eut bien de la peine à perfuader qu'il agiffoit fincerement depuis qu'il avoit le deffus dans le maniement des affaires. Il fe préfenta aux Auxerrois une conjoncture qui fervit à faire connoître de plus en plus leur fidélité envers le Roi. Ce Duc leur écrivit le 5. Février 1413. une Letde Jean Cha- tre, dans laquelle il fe plaignoit de Charles VI. difant qu'il chéredontces n'entretenoit pas de fon côté les articles de la paix qui faits font ti- avoient été réglés à Auxerre; qu'il y avoit eu des empri Jacques de fonnemens faits à Paris au préjudice de cette paix. Le Roi chevaucheur ayant eu avis de cette Lettre, écrivit aux habitans d'Auqui apporta xerre d'envoyer inceffamment deux des Notables à Paris, ces Lettres. afin qu'ils y fuffent informés de fes intentions. Le Manu

Le compte

rés, appelle

Montrei! le

fcrit qui m'apprend cette anecdote, ajoûte que les deux qu'on envoya, furent Jean Regnier Garde du Scel de la Depuis l'an Prevôté, & Gui Chataud Licentié ès Loix. Il paroît au qu'en 1420. 1411. juf refte que dans Auxerre même, on se défioit de cette paix conclue en 1412. auffi-bien que de tout ce qui parut arrê

!

Même com

té l'année suivante à Pontoife & ailleurs. La trifte mort de Pierre des Effarts frere de notre Evêque, arrivée à Paris dans la même année, donnoit à beaucoup de personnes de violens fujets d'appréhenfion. On faifoit à Auxerre le guet plus attentivement que jamais durant l'Eté de cette année, & on redoubloit la garde des portes. On ne fçait pour quelle raifon Guichard le Daufin d'Auvergne, grand Maître-d'Hôtel du Roi, y resta les deux derniers jours de Juin & les deux premiers de Juillet. Pour ce qui est. d'Ifabeau d'Amboife, femme de Gui d'Egreville, nouveau Bailly de Sens & d'Auxerre, elle n'y vint uniquement que pour voir la Ville. Le Comte d'Armagnac y vint luimême en perfonne au mois d'Octobre, pour faire fortir pte. des Gendarmes, qui fe difoient être au Roi fous la conduite de ce Comte: & cette fortie ne fe fit point fans leur faire toucher une fomme. Je trouve en effet, qu'au commencement d'Octobre, la Ville députa à Paris Pierre Mi- Regift. Capit. cheau Doyen de la Cathédrale, avec Jean Lufurier Avo- 1413.Comcat & Confeiller du Roi, pour repréfenter que les gens de put. Vrbis. guerre qui étoient à Auxerre & aux environs, détruifoient abfolument le pays. Il est à croire que la Cour eut égard à la prompte obéiffance des habitans, & à l'ordre que laume de Pogues Prevôt d'Auxerre leur avoit notifié dès le quatrième jour d'Août de fournir au Roi quinze Gendarmes & dix hommes de trait, pour envoyer au Sire Reg. Capit. Autis.Aug. d'Heilly qui défendoit la Guyenne contre les courfes dest 1413. Anglois.

Guil

Toutes ces guerres inteftines & prefque non interrompues, furent accompagnées comme on a déja vu, de plufieurs maladies contagieufes. Il y avoit eu à Auxerre dès l'an 1411. une grande mortalité fur les chevaux. En 1412. comme j'ai déja dit, les chaleurs exceffives de l'Eté y cauferent des dyffenteries que Monftrelet appelloit épidimie. Dans l'Automne de l'an 141 3. courut une autre pefte, pour la ceffation de laquelle il y eut le famedi 14. Octobre une

Autif. 1. Oct.

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