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CHAPITRE

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XXXIII.

Suite de l'Hiftoire d'Auxerre fous le regne d'Henri IV. depuis la ré-
duction de la Ville à fon obeisance. Obftination du Bailli d'Au-
xerre à ne pas reconnoître ce Prince. Les habitans refufent leurs
portes aux Capitaines Ligueurs. Retour des anciens Royalistes à
Auxerre. Te Deum pour la converfion du Roi. Le Bailli Li-
gueur affiegé à Regennes par ordre d'Henri IV. rend le Château.
D'autres Capitaines Ligueurs affiegés dans Colanges-les-vineuses, fe
rendent. Ordre de détruire le Château de Regennes. Serment de
fidélité prété au Roi par les Magiftras, par le Clergé, & les Reli-
gieux. Refus de quelques Religieux de recommander le Roi aux peu-
ples. Serment de fidélité prêté par les Bourgeois. Feuille de l'en-
rôlement dans la Ligue lacerée & brûlée. Le Sieur de Lure refte
Ligueur, & tente de faire revenir la ville d'Auxerre dans son parti.
Lettres d'Henri IV. au fujet des fortifications d'Auxerre.
Chapitre ordonne des Prieres pour le Roi. La pefte fait recourir à
Saint Roch. Origine des Prieres pour le Roi aux Saluts du foir.
Contribution des Auxerrois pour la reprise d'Amiens fur les Efpa-
gnols. Henri IV. fait fon ordinaire du vin de l'Auxerrois.
veut que la Ville jouiffe de tous les Priviléges de la Bourgogne. Dis
vers actes de foi & hommage rendus à ce Prince. Procès contre
les héritiers de l'Evêque Amyot fur le bâtiment du Collège, gagné.
par la Ville en 1607. Droit de chaffe de la Communauté des ha
bitans autorifé à la Table de Marbre en 1610.

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Le

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'Ai fait remarquer que dans l'Affemblée qui fe tint à l'Hồtel de Ville le fept Avril 1594. toutes les voix furent Depuis l'an pour se foumettre à l'obéiffance du Roi Henri IV. mais il 1594. juleft important d'obferver auffi, que tous les Magiftrats n'af- qu'en 1610. fifterent pas à cette Affemblée; le Bailli entre autres, dont on congédia la garnison ce même jour, parce qu'il avoit déclaré qu'il ne vouloit pas reconnoître le Roi de Navarre. Depuis le jour de la réduction, on commença à regarder dans Auxerre le Bailli comme ennemi de la patrie, & tous ceux qui penfoient comme lui furent répupour tels. Le Vicomte de Tavannes, & le Baron de Viteaux qui revenoient de la Bourgogne, s'étant préfentés devant la porte du Pont avec trois efcadrons de gens à cheval & une infinité de gens de pied, on leur refufa:

tés

Depuis l'an

1594. ju qu'en 1610.

l'entrée de la Ville. Ce refus les obligea d'aller loger au village d'Augy où ils commirent de grands dégats. Ils allerent de-là à Avallon, où ayant raconté ce qui leur étoit arrivé à Auxerre autrement qu'il n'étoit, & ayant tenu des difcours impofans, ils vinrent à bout de faire entrer peu. à peu leurs troupes, lefquelles fe trouverent en fi grande quantité, que bientôt ils fe rendirent formidables dans une Ville qui étoit également comme eux pour le Duc de Mayenne. On connut par-là ce qu'ils auroient fait infailliblement dans Auxerre, s'ils y euffent été admis. Comme donc il n'étoit plus question que de ramener certains efprits plus entêtés du parti de la Ligue, on commença par intimider les plus notables. Le Prevôt des Maréchaux nommé Jean Papon en étoit un. Il fut fommé le neuf du mois de venir à l'Hôtel-de-Ville pour y donner l'explication de ce qu'il avoit dit en public, qu'il feroit bien taire le caquet des Politiques (c'est ainsi que les Ligueurs appelfoient les fidéles fujets du Roi) & qu'il avoit des troupes en main. Huit jours après, le Bailli qui étoit en même temps Gouverneur & Capitaine, fe retira au Château de Regennes qu'il avoit à fà dévotion, menaçant de faire repentir les Auxerrois de la démarche qu'ils venoient de faire. Mais tout cela furent des paroles fans effet. Les anciens Royaliftes qui s'étoient retirés à Crevan dans le mois de Mars, revinrent à Auxerre le 12. Avril, ayant le Sieur Sotiveau à leur tête, tous avec le ruban blanc à leur chapeau pour marque de victoire; ce que les Ligueurs prenoient pour un commencement de féditions. Mais tant s'en faut qu'on eût envie de faire la guerre, que tous les mouvemens des Royaliftes, depuis qu'on eût appris l'entérinement des articles, furent pour venir à bout de faire chanter le Te Deum en actions de graces. Le Clergé qui l'ordonna, & qui en fixa le jour au 19. Avril, parut prendre uniquement pour motif de cette Cérémonie, la Ĉonverfion du Roi à la Foi Catholique, Apoftolique & Romaine; & les Ligueurs qui n'en étoient pas contens, remarquerent qu'il s'y trouva peu d'Eccléfiaftiques : ce qu'on ne put attribuer qu'à un refte de mauvaise humeur, & parce qu'ils étoient mal informés de la fincérité de la converfion du Roi; la fuite le fera voir clairement. Mais les Offi

ciers

ciers de la Ville & de la Juftice parurent s'acquitter beaucoup mieux de leur devoir. Le Te Deum étant fini, ils fi- Depuis l'an 1594. juf rent crier Vive le Roi par les troupes d'enfans qui fe trou- qu'en 1610, verent dans le Choeur de la Cathédrale, & il y eut des feux de joye dans tous les principaux carrefours, avec grandes acclamations. Le Sieur de Lure Seigneur de Beauche, qui vint dans Auxerre quelques jours après avec fes troupes, ne dût pas s'attendre à y être trop bien accueilli. Comme il avoit aidé tout nouvellement à piller la ville d'Avallon avec les deux autres Seigneurs que j'ai nommés ci-deffus, & qu'on étoit informé qu'il les avoit attiré à Colanges-les-Vineufes vers le Sieur de la Motte Vaugrenant, le Maire & les Echevins le firent garder à vûe, de crainte qu'il ne pût effectuer fa mauvaise volonté, & ils mirent fur pied une quantité d'arquebuziers capable de tenir fes gens dans le refpect. Le Sieur de Villiers étoit toujours dans le Château de Regennes. Il y conçut le deffein de molester les habitans d'Auxerre; & comme il devoit defcendre pour la ville de Paris au pied de ce Château une quantité de fix à fept mille muids de vin, il menaça de ne laiffer paffer aucun batteau fans la contribution d'un écu par muid. Le Roi ayant été informé de cette véxation, écrivit au Marêchal de Biron de faire tourner fon armée vers le Château de Regennes, d'y affliéger ce Capitaine & de lui couper la tête; & pourvut en même temps le Sieur de Tannerre de l'Office de Bailli d'Auxerre. Tannerre ayant pris poffeffion le dernier jour d'Avril, fe tranfporta auffitôt à Regennes pour perfuader à de Villiers qu'il feroit mieux d'en fortir de bonne grace, que d'y être forcé : & enfin moyennant une fomme d'argent qu'il lui toucha, la place lui fut remife, & de Villiers en fortit. Il étoit temps que l'ancien Bailli en vint à cet accommodement, puifque dès le lundi fecond jour de Mai, le camp du Roi conduit par le Maréchal de Biron paffa par Auxerre. Ces troupes, au lieu de s'arrêter à Regennes, allerent droit à Colanges-les-Vineuses pour réduire le Sieur de la Motte Vaugrenant, & le Sieur de Lure qui étoient dedans, & faifoient mine de tenir pour les Princes. Elles étoient compofées de deux mille cavaliers & de douze mille fantaffins. Les principaux Offi Tome II.

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ciers étoient Givry Seigneur de Joigny & le Sieur de Depuis l'an Tannerre. Le troifiéme jour du mois, toute cette armée 1.594. julqu'en 1610. qui avoit été logée dans les villages circonvoisins marcha devant Colanges. Le Sieur de Lure jettant fon premier feu, fit tirer deffus & bleffa quelques foldats. Mais bientôt il demanda à s'aboucher avec le Marêchal de Biron, & il fe foumit.

En paffant proche Regennes, ce Marêchal avoit ordons né que le Château fut détruit. Cela fut caufe que l'on nomina des Caporaux pour exécuter ce deffein, & que l'on obligea les vignerons d'Auxerre de s'y rendre au lieu d'aller aux vignes. Mais comme une befogne de cette nature n'étoit pas de leur fait, ils ne purent que fimplement effleurer la fuperficie du Château ; & ceux d'Appoigny aimerent mieux fe faifir des provisions qui y étoient renfermées, que de travailler à cette deftruction. Givry au retour de Colanges repaffa par Auxerre. Il y fut reçu folemnellement par les Gens de la Juftice tous en robes. Il alla à la Cathédrale: on y fonna la groffe cloche pour fa bienvenue, & on y chanta un motet. Cela fait, il se rendit au Palais dans la Chambre du Confeil, & ayant fait venir tous les Gens de Juftice, il leur fit prêter à tous. ferment de fidélité au Roi, & enfuite aux Maire & Echevins. Les Curés ayant été mandés par fon ordre, auffibien que le Prieur des Jacobins, il leur déclara qu'il commettoit le Doyen de la Cathédrale pour recevoir leur ferment de fidélité. Ce fut à ce moment que les Ligueurs entrerent dans la derniere confternation, n'ofant plus ou vrir la bouche fans être auffitôt déferés aux Magistrats & mis en prifon. Il y en eut un qui en fit l'expérience, pour avoir dit une feule fois, Vivent les Princes. Son empri fonnement rendit les autres plus fages.

Il étoit jufte que le premier Corps du Clergé témoignât des premiers fa fidélité au Roi. Le Doyen de la Cathé drale, le Sieur de Tannerre nouveau Bailli, & le Lieutenant Général étant entrés dans la Salle du Chapitre le famedi feptiéme jour de Mai, ils y reçurent le ferment de fidélité de tous les Chanoines qui s'acquitterent de bonne grace de ce devoir. Il n'y eut que quelques Chanoines Tortriers qui voulurent encore raifonner, & principale

1594. juf

ment un nommé François Sabot, Baffe-contre, Prêtre Langrois, autrefois pourvu par l'Evêque Amyot, qui dé- Depuis l'an clara que fi le Roi étoit Catholique il étoit fon ferviteur, qu'en 1610. & non autrement. De-là ces trois Commiffaires allerent Reg. Capit. chez les Bénédictins de l'Abbaye de Saint Germain faire 1584.28.Sept. la même chofe, puis chez les Cordeliers. Ce fut dans cette derniere maifon qu'il fe fit quelques jours après un éclat au fujet des Prieres qu'on demandoit pour le Roi. Il étoit enjoint généralement à tous les Prédicateurs, que dans leurs Sermons ils recommandaffent au peuple de prier pour Sa Majefté, finon qu'ils euffent à quitter la Ville. Un jeune Cordelier qui prêchoit au Cloître de fon Couvent le Dimanche 15. Mai, affecta de ne point recommander la perfonne du Roi. Les fidéles ferviteurs de Sa Majesté fortirent auffitôt de la prédication, & en aver tirent la Juftice. On envoya fur le champ pour le faifir de lui; mais il étoit déja évadé. Il ne fut pas le feul à qui cette cérémonie parut de difficile exécution; & l'on vit une Proceffion générale du Dimanche 22. du même mois, fe faire fans prédication, contre la coutume de ce tempslà, parce qu'il ne fe trouva aucun Prédicateur difpofé à recommander le Roi aux prieres de fon Auditoire. Celui qui fut le plus difficile à gagner fur cet article, fut Jean Menigaut Prieur des Jacobins, Docteur de Paris, que le Préfidial fit venir plufieurs fois dans la Chambre du Confeil pour lui enjoindre de fe foumettre: mais quoiqu'on lui alleguât l'autorité de la Sorbonne qui avoit reconnu le Roi Henri IV. il ne put jamais fe réfoudre à le recommander aux Prieres des Fidéles; & enfin après le dernier avis qui lui fut donné dans la Chambre du Confeil par Henri le Clerc Lieutenant Général, & Jean Naudet Avocat du Roi, il prit le parti de fe retirer à Chablies avec le Soûprieur & un autre Religieux. Je ne rappor terai point ici les invectives de la populace contre ce Prieur, à qui elle attribua d'être la caufe de ce que les vignes avoient été gelées, par fon obftination à ne vou→ loir point prier Dieu pour le Roi. Les Curés plus dociles ou plus inftruits des Maximes du Royaume, se soumirent aux ordres des Magiftrats, & ils commencerent le jour de la Pentecôte à recommander nommément Hen

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