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coupe, les noms des Agents qui l'avaient balivée et mentionnant en même temps le nombre des baliveaux, des modernes et des anciens. Il y a là une idée à creuser et si le procès verbal d'aménagement ne donne pas une publicité suffisante ne pourrait-on intensifier cette publicité en inscrivant sur le terrain même le nom des baliveurs ? Une plaque de tôle émaillée, placée sur un cornier à l'angle de la coupe, suffirait pour apprendre à la génération suivante les noms de ceux auxquels elle doit sa richesse ou son indigence et, bien que trop souvent posthume, la reconnaissance ou la malédiction aurait sa valeur.

Mais revenons au rondin. Grâce à la rectitude de son fût et à sa légèreté relative, l'épicéa convient admirablement à ce genre d'emploi, aussi les dévoués officiers des S. F. A. lui font-ils une chasse des plus actiyes et c'est là un argument très sérieux à invoquer en faveur de l'introduction des résineux dans certains taillis médiocres de coteaux et de basses montagnes. Ici encore de Buffévent a été un homme quasi inspiré, qui semble avoir prévu les nécessités de l'heure présente, et les 4 ou 500 hectares de la forêt de Saint-Antoine peuplés de hêtres rabougris, qu'il a fait raser pour y planter de l'épicéa, sont devenus, 75 ans après, une précieuse mine de rondins que certain S. F. A. a exploitée avec enthousiasme.

Puissions-nous, nous aussi, amis lecteurs, mériter un jour la gratitude des guerriers de l'avenir, au même titre que de Buffévent, vers lequel doit s'élever aujourd'hui du fond des abris de bombardement l'encens de la reconnaissance!

A. S.

ENSEIGNEMENTS FORESTIERS DE LA GUERRE

(5e article.)

Estimation des coupes. Si les estimations des coupes, faites

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par

les Agents des Eaux et Forêts, sont très généralement bonnes, et les résultats des adjudications le prouvent de façon incontestable, elles comportent quelquefois des anomalies qui, faute d'être comprises, sont de nature à étonner les personnes étrangères aux questions forestières et à leur donner une impression peu favorable.

C'est ainsi que, dans quelques inspections, le prix des bois de même essence et de même catégorie varie, dans des proportions parfois considérables, pour des coupes assises dans la même forêt, dans le même. canton, dans la même parcelle et, par conséquent, placées dans des conditions identiques d'exploitation et de vidange.

Ces anomalies proviennent de deux causes principales.

La première est qu'il n'est pas toujours tenu suffisamment compte de la grosseur des arbres pour la fixation des diverses catégories de bois de service et d'industrie. Il résulte que, dans une même parcelle, les prix de ces diverses catégories sont beaucoup plus élevés dans les coupes riches en gros arbres, comme les coupes secondaires ou définitives, que dans celles où les sujets de moyennes dimensions sont en grand nombre, comme les coupes d'ensemencement ou d'amélioration.

Ces différences anormales, dont les raisons échappent aux personnes qui ne sont pas au courant des questions forestières et à tous ceux qui, n'ayant pas visité les coupes, en lisent les estimations sur le papier, n'existeraient pas si les bois étaient plus exactement classés suivant leurs grosseurs; cela serait certainement plus logique et bien préférable.

Une autre cause, assez fréquente, de ces différences de prix entre des bois de même essence et de même catégorie provenant d'une même parcelle et, par conséquent, placés dans des conditions semblables d'exploitation et de vidange, tient à ce qu'on prend comme volumes des bois de service et d'industrie des diverses catégories exactement ceux

fournis par les arbres ayant les grosseurs correspondant à ces catégories sans tenir compte, autrement que par l'adoption de prix différents, de la quantité des bois qui, par suite de défauts ou de tares, méritent d'être déclassés. Il est évident que, si on ne fait pas intervenir ce dernier facteur dans la fixation des prix des diverses catégories de bois de service et d'industrie, ces prix, dans une même parcelle, peuvent différer considérablement suivant la quantité plus ou moins grande des arbres viciés ou tarés.

Au lieu de faire varier les prix des produits similaires dans des limites qu'il est bien difficile d'apprécier exactement, il serait certainement plus facile et plus logique d'évaluer en dixièmes, pour chaque coupe, la proportion des bois tarés de chaque catégorie de grosseur à faire passer dans une catégorie inférieure et, notamment, celle des bois de service et d'industrie à convertir en bois de feu. Les estimations, faites en opérant ces déclassements et en effectuant les rectifications qui en résultent, seraient assurément plus exactes. Et elles ne présenteraient plus d'anomalies choquantes, puisque, tous les bois classés dans une même catégorie étant également propres aux emplois que comporte cette catégorie, le prix en serait toujours le même, lorsque les conditions d'exploitation et de vidange seraient identiques.

L. PARDE.

Versailles, avril 1917,

LA FORÊT SACRÉE

Sous la signature de M. F. Leterrien, l'Echo de Paris du 29 novembre 1916 a donné un article ainsi intitulé: La Forêt Sacrée, dont nous croyons intéressant de donner l'extrait résumé que voici :

Dans le projet de loi sur la réparation des dommages de guerre il ne semble pas qu'une attention suffisante ait été apportée jusqu'ici au problème posé par le complet bouleversement du sol dans les zones de combat. Il y a quantités d'hectares dont les entrailles ont été ouvertes. Leur surface est criblée de trous d'obus. En certains endroits le sol et le sou-ssol ont été mélangés, la terre arable a disparu. Là toate culture sera longtemps impossible. Est-ce à dire qu'il faille condamner ces lieux à n'être qu'une aride nécropole; qu'ils doivent être abandonnés à une désolante stérilité qui les livrerait sans défense à toutes les profanations? On se refuse à le croire. Si nous les laissions sans utilisation cela équivaudrait pour la France à une perte de territoire : ils viendraient grossir le nombre des 6 millions d'hectares de friches. Lorsque la victoire aura couronné l'effort de nos armes, il y aurait lieu de conserver en partie leur aspect tragique aux sols pétris par la bataille sans les laisser improductifs. Confions en la garde à la Forêt. Les arbres ne redoutent pas les obus non éclatés. Ni les réseaux de fils de fer, ni les tranchées, cavernes, bloques de ciment, terres disloquées ne s'opposeraient à leur enracinement.

Que le front le long duquel les armées ennemies sont tenues en arrêt depuis plus de deux années devienne Terre Nationale, c'est-à-dire que l'Etat se rende acquéreur des parcelles qui le constituent et que les groupant en un tout immense, il les aménage en forêt d'essences appropriées aux différents sols et voilà la Nation dotée d'un patrimoine glorieux, source de souvenirs et de grande richesse.

A l'heure actuelle le taux de boisement de la France est trop faible, l'occasion est bonne de le remonter en alliant l'utile au culte du souvenir. Imaginez par la pensée cette forêt constituée, se déroulant de la mer à la Suisse. En peu d'années, elle aura rendu la vie à ces régions désolées et ses frondaisons toujours plus épaisses formeront aux ruines et aux Tombes de nos soldats un merveilleux écrin. Des voies d'accès seraient aménagées pour répondre aux besoins locaux, les clairières aideraient à enchâsser les mausolées et les sites mémorables.

Dès maintenant il serait expédient avec le concours de l'Administration des Eaux et Forêts d'amorcer un travail d'ensemble, de préparer les pépinières et même, çà et là de commencer les plantations.

Tel est l'avis «< du Comité des Forêts » lequel s'occupe des reboisements d'après guerre.

Si la Chambre voulait s'intéresser à ce projet la forêt nouvelle, en jalonnant à jamais le front de bataille, défendrait le Golgotha de la France régénérée contre les morsures du temps. Aux jours des glorieux anniversaires, les âmes endeuillées, les veuves, les orphelios, les survivants de la grande épopée, iraient en cortège pieux se retremper au contact de la grande forêt dans les souvenirs des exploits et des sacrifices des sauveurs de la Patrie.

Rendue Sacrée par son origine et son objet, une belle Forêt serait un monument impérissable et grandiose, élevé à la mémoire des héros morts pour le triomphe de la plus sainte des causes.

Tout en reconnaissant que le projet, vraiment grandiose, préconisé par M. Leterrien mérite de retenir l'attention du Parlement, du Comité des Forêts et aussi, disons-le, celle du Touring-Club de France, il y a lieu, avec M. H. Defert, de se poser la question de savoir quelle ampleur doit vraiment être donnée à sa réalisation.

En ce qui concerne les espaces à incorporer dans l'emprise de la Forêt Sacrée il importerait d'en écarter absolument toutes les terres dont la vocation agricole serait facile à retrouver.

Seules les surfaces sur lesquelles « la culture sera de longtemps impossible» seraient comprises dans le projet pour les mettre en valeur par le boisement car pour rétablir leur état agricole primitif il faudrait engager des dépenses considérables, entreprendre des travaux d'un prix parfois plus élevé que la valeur même du terrain ou que le montant des indemnités prévues pour la reconstitution des anciens domaines.

Par ces considérations nettement énoncées, l'auteur de l'article va audevant de l'une des objections que l'on pouvait faire à sa proposition.

Quant au côté financier du projet, qui a sa très grande importance, quelle serait approximativement la dépense à engager, d'une part pour l'achat des terrains ainsi définis et de l'autre pour l'exécution des travaux de mise en valeur forestière?

Il est sans doute difficile de répondre dès maintenant de manière exacte à cette question; mais il serait assez facile, nous semble-t-il, de fixer par une enquête conduite sur tout le front de bataille à l'aide des << Plans directeurs si exacts établis par les Etats-Majors » et à l'aide aussi des renseignements que peuvent fournir les S. F. aux Armées, la superficie probable de « La Forêt Sacrée ».

R. D.

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