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CHRONIQUE SUISSE

La situation de la sylviculture suisse a été encore sensiblement modifiée depuis que nous l'avons exposée ici au début de cette année 1. En effet, au marasme, qui a été la conséquence de la déclaration de guerre, a succédé une période de production intense et lucrative marquant une courbe ascendante et qui tend à se maintenir actuellement.

Les facteurs que nous avons exposés dans notre précédente chronique demeurent, à savoir, d'une part, l'arrêt des importations ligneuses, et de l'autre, un calme presque complet dans la construction, mais, par contre, on constate une demande soutenue des sciages de sapin de la part de la France et de l'Italie.

L'opinion publique, qui ne comprend pas toujours les choses de la forêt et les fluctuations du négoce des bois, s'est émue de voir tant de bois abattu et de constater des stocks inusités aux alentours de nos scieries et dans nos gares de marchandises.

Les gens du métier se sont appliqués à renseigner le public soucieux de la conservation du patrimoine forestier et n'ont pas eu de peine à prouver par le canal de la presse, entre autres, que la forêt helvétique est'assez riche pour supporter, non pas une surexploitation, mais simplement la réalisation des réserves capitalisées par esprit de conservation.

Il ne faut pas oublier que les prix actuellement offerts engagent les propriétaires de forêts à exploiter des bois dans des situations reculées et dont les frais de mise en œuvre et de transport étaient, avant la hausse des bois, tout à fait disproportionnés aux prix de vente dans les centres de consommation. En outre, la construction des chemins forestiers subventionnée par les pouvoirs publics, même en faveur de la forêt privée en zone protectrice, a considérablement facilité et stimulé

1.- N° 1 février 1916, pages 41 à 44.

la mise en valeur des massifs autrefois considérés comme quasi improductifs ou d'un rendement plus que modeste.

Notre gouvernement fédéral a voté en 1902 une loi forestière unique en son genre et qui tient compte des conditions orographiques, climatériques et économiques du pays. L'administration forestière, qui a en mains l'ensemble de la forêt helvétique, qu'elle appartienne à l'Etat (4 0/0),aux Communes (68 0/0) ou aux particuliers (28 0/0) est en mesure de réfréner l'ardeur des exploitants et peut, par simple application de cette loi, limiter, restreindre ou interdire les coupes ou en déterminer simplement la modalité.

Nous avons parcouru l'été dernier une grande partie du Jura et de la Suisse centrale, et nulle part nous n'avons pu constater un vestige quelconque d'exploitation anormale ou abusive. D'une extrémité à l'autre du pays, sauf quelques cas isolés sans portée, on a l'impression que les prélèvements ont été méthodiquement opérés et qu'on pourrait exploiter dans une mesure analogue encore pendant deux à trois ans sans que l'ensemble des forêts subisse une diminution notable du matériel.

Notre pays traverse une crise économique qui, mois après mois, tend à devenir plus inquiétante, motivée en partie par la production agricole. En effet, cette dernière a pâti en 1916 de circonstances météorologiques défectueuses auxquelles les hommes ne peuvent rien. La sylviculture, elle, semble une privilégiée et l'opinion publique réalise que cette catégorie de la richesse foncière revêt maintenant une importance à laquelle elle ne semblait pas vouer jusqu'ici une attention suffisante. Mais voilà que la crise du papier est venue, comme en France, jeter le trouble dans le public mis dans l'obligation de payer le papier avec une majoration de 30 à 50 o/o, et l'on parle d'un renchérissement probable des journaux !

Nos fabriques de pâte de bois et de cellulose se sont alarmées, car elles ont été durant ces deux dernières années dans l'impossibilité de tirer de l'étranger les bois qu'avant la guerre les sapinières de France, d'Allemagne et d'Autriche leur fournissaient en majorité, alors que les forêts de la Suisse ne contribuaient que modérément à l'alimentation de leurs usines.

Si la production des bois de râperie a été relativement faible jusqu'en 1914, c'est que les fabriques n'avaient pas voulu consentir à payer les bûches et rondins de sapin et d'epicéa à un prix supérieur à celui obtenu dans les ventes des chauffages, car il ne faut pas oublier que dans notre pays densément peuplé, le bois de feu se vend sensiblement plus cher que chez nos voisins.

CHRONIQUE SUISSE

La situation de la sylviculture suisse a été encore sensiblement modifiée depuis que nous l'avons exposée ici au début de cette année 1. En effet, au marasme, qui a été la conséquence de la déclaration de guerre, a succédé une période de production intense et lucrative marquant une courbe ascendante et qui tend à se maintenir actuellement.

Les facteurs que nous avons exposés dans notre précédente chronique demeurent, à savoir, d'une part, l'arrêt des importations ligneuses, et de l'autre, un calme presque complet dans la construction, mais, par contre, on constate une demande soutenue des sciages de sapin de la part de la France et de l'Italie.

L'opinion publique, qui ne comprend pas toujours les choses de la forêt et les fluctuations du négoce des bois, s'est émue de voir tant de bois abattu et de constater des stocks inusités aux alentours de nos scieries et dans nos gares de marchandises.

Les gens du métier se sont appliqués à renseigner le public soucieux de la conservation du patrimoine forestier et n'ont pas eu de peine à prouver par le canal de la presse, entre autres, que la forêt helvétique est'assez riche pour supporter, non pas une surexploitation, mais simplement la réalisation des réserves capitalisées par esprit de conservation.

Il ne faut pas oublier que les prix actuellement offerts engagent les propriétaires de forêts à exploiter des bois dans des situations reculées et dont les frais de mise en œuvre et de transport étaient, avant la hausse des bois, tout à fait disproportionnés aux prix de vente dans les centres de consommation. En outre, la construction des chemins forestiers subventionnée par les pouvoirs publics, même en faveur de la forêt privée en zone protectrice, a considérablement facilité et stimulé

1.- N° 1r février 1916, pages 41 à 44.

la mise en valeur des massifs autrefois considérés comme quasi improductifs ou d'un rendement plus que modeste.

Notre gouvernement fédéral a voté en 1902 une loi forestière unique en son genre et qui tient compte des conditions orographiques, climatériques et économiques du pays. L'administration forestière, qui a en mains l'ensemble de la forêt helvétique, qu'elle appartienne à l'Etat (4 0/0),aux Communes (68 0/0) ou aux particuliers (28 0/0) est en mesure de réfréner l'ardeur des exploitants et peut, par simple application de cette loi, limiter, restreindre ou interdire les coupes ou en déterminer simplement la modalité.

Nous avons parcouru l'été dernier une grande partie du Jura et de la Suisse centrale, et nulle part nous n'avons pu constater un vestige quelconque d'exploitation anormale ou abusive. D'une extrémité à l'autre du pays, sauf quelques cas isolés sans portée, on a l'impression que les prélèvements ont été méthodiquement opérés et qu'on pourrait exploiter dans une mesure analogue encore pendant deux à trois ans sans que l'ensemble des forêts subisse une diminution notable du matériel.

Notre pays traverse une crise économique qui, mois après mois, tend à devenir plus inquiétante, motivée en partie par la production agricole. En effet, cette dernière a pâti en 1916 de circonstances météorologiques défectueuses auxquelles les hommes ne peuvent rien. La sylviculture, elle, semble une privilégiée et l'opinion publique réalise que cette catégorie de la richesse foncière revêt maintenant une importance à laquelle elle ne semblait pas vouer jusqu'ici une attention suffisante. Mais voilà que la crise du papier est venue, comme en France, jeter le trouble dans le public mis dans l'obligation de payer le papier avec une majoration de 30 à 50 o/o, et l'on parle d'un renchérissement probable des journaux !

Nos fabriques de pâte de bois et de cellulose se sont alarmées, car elles ont été durant ces deux dernières années dans l'impossibilité de tirer de l'étranger les bois qu'avant la guerre les sapinières de France, d'Allemagne et d'Autriche leur fournissaient en majorité, alors que les forêts de la Suisse ne contribuaient que modérément à l'alimentation de leurs usines.

Si la production des bois de râperie a été relativement faible jusqu'en 1914, c'est que les fabriques n'avaient pas voulu consentir à payer les bûches et rondins de sapin et d'epicéa à un prix supérieur à celui obtenu dans les ventes des chauffages, car il ne faut pas oublier que dans notre pays densément peuplé, le bois de feu se vend sensiblement plus cher que chez nos voisins.

Durant la dernière année, par suite surtout de la crise du charbon dont on ne peut escompter d'avance l'arrivée régulière en quantité suffisante, les bois de feu ont été demandés de tous côtés et aussi du fait des nouveaux besoins de l'industrie de la râperie, en sorte que nous constatons sur ces bois de feu une hausse du 20 au 30 0/0 comparativement aux prix de l'hiver dernier.

Les pouvoirs publics ont admis de venir en aide à l'industrie du papier qui intéresse l'ensemble de la population, et leur première intervention a consisté à promulguer un arrêté qui vient d'entrer en vigueur et qui fixe les prix maximum des différentes catégories de bois de râperie. Aux termes de cet arrêté, les rondins d'épicéa accusant plus de 10 cm. de diam. sont payés 21 fr. le stère rendu sur wagon voie normale, le sapin 19 fr. et les quartiers de bûches fendues au même prix.

On a promis ainsi 300.000 stères de bois à l'industrie de la cellulose et de la râperie, à livrer par les forêts de la Suisse durant les prochains douze mois, et ce contingent important a été imposé aux forêts publiques, les forêts particulières étant invitées à collaborer à cette production.

Nous autres sylviculteurs, saluons cette mesure avec satisfaction, car nous réalisons que les éclaircies intenses qui devront être opérées dans ce but dans les perchis d'épicéas trop serrés seront un bienfait. Les fourrés que les administrations communales surtout ne parvenaient pas jusqu'ici à dégager faute d'écoulement des produits, vont enfin recevoir la part d'air et de lumière que nécessite un accroissement normal.

Il résultera certainement de la crise produite par les événements de guerre un bien pour la forêt, car il y a bien des chances pour que cette production indigène des bois de râperie continue, tout au moins partiellement, lorsque la crise sera achevée. Cette production indigène de la râperie aura, en outre, comme conséquence, une élévation des prix des assortiments de chauffage.

Les poteaux pour lignes électriques à haute et basse tension, qui avaient été demandés pour l'exportation au début de l'année 1915, ont été moins recherchés durant les derniers mois. La cause de cet arrêt doit être attribuée au fait que les usines d'imprégnation éprouvaient de sérieuses difficultés à se procurer du sulfate de cuivre. Il semble que maintenant les poteaux soient plus recherchés et l'on nous fait espérer des cours plus en rapport avec ceux qu'atteignent actuellement les grumes de sciage.

A propos de ces dernières et des prix auxquels elles sont demandées, nous ne pouvons qu'enregistrer avec satisfaction les cours actuels, qui

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