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Déc. 1802. des provocations plus ou moins directes à l'assassinat du premier consul. M. Otto, ambassadeur de la république française à Londres, réclama du gouvernement anglais des mesures de répression sévères : il demanda que Peltier et les émigrés, ses acolytes, fussent expulsés d'Angleterre, par application de l'alien bill; il insista pour que les ci-devant évêques d'Arras et de Saint-Pol de Léon fussent également éloignés, pour que Georges Cadoudal fût déporté au Canada; enfin, il conclut en demandant que les princes de la maison de Bourbon, réfugiés en Angleterre, fussent contraints de se retirer à Varsovie, auprès du chef de leur famille. Pour toute satisfaction, le ministère anglais déféra Peltier aux tribunaux, et le jury anglais fut appelé à juger un libelle publié contre Bonaparte. L'avocat de l'accusé, le célèbre Mackintosh, invoqua les droits de la presse. Il éleva la cause à la hauteur d'un débat international, et il eut l'art d'intéresser l'orgueil de ses compatriotes à la défense de son client. Peltier fut condamné à une amende: et cette justice dérisoire fournit à l'aristocratie anglaise un moyen de plus de se prononcer contre la France: elle se cotisa pour

ment à M. Camille Jordan, l'un des royalistes constitutionnels de cette époque :

<< Français, le tigre qui ose se dire le fondateur ou le régénéra«<teur de la France jouit du fruit de vos travaux, comme d'une dé« pouille enlevée aux ennemis.... Reste-t-il à des hommes qui « veulent être dignes de ce nom, autre chose à faire qu'à venger « leur injure ou à périr avec gloire? La nature a marqué le terme << de notre vie à tous, même aux plus puissants; nul ne doit attendre « la dernière extrémité, sans avoir tenté quelque chose pour la li

«< berté.... >>

subvenir à l'amende imposée au libelliste, et les Janv. 1803. journaux de Londres ne travaillèrent que mieux à diriger contre Bonaparte les armes du ridicule et de l'outrage. Les partisans de la guerre favorisèrent cette agitation.

réciproques.

Le premier consul insista vivement pour obtenir Réclamations l'expulsion des princes français: lord Hawkesbury répondit avec dignité, en rappelant l'exemple de Louis XIV offrant l'hospitalité aux Stuarts, alors même que ces princes conspiraient contre le gouvernement établi en Angleterre. Le cabinet de Londres se borna à interner quelques émigrés français dangereux et remuants, qui s'étaient réfugiés à Jersey et à Guernesey. En revanche, il se plaignit énergiquement de ce que la France, à l'occasion de la réélection de la chambre des communes, avait envoyé en Angleterre de nombreux agents chargés d'influencer les élections dans le sens des espérances bonapartistes: il demanda également avec fermeté que la France cessât de fomenter l'agitation en Irlande. Sur ces entrefaites, les jours du roi d'Angleterre furent menacés par le colonel Despard: l'opinion publique, en Angleterre, fut égarée par la haine au point d'attribuer cet attentat aux manœuvres de la France.

Le Moniteur du 10 pluviôse an XI publia un document qui éveilla les justes susceptibilités de la nation anglaise. C'était un rapport du colonel Sébastiani, que le gouvernement consulaire avait chargé d'une mission en Orient. Cet officier supérieur avait visité l'Égypte, en étudiant avec soin l'état militaire de cette contrée; il s'était fait présenter à Djezzar-Pacha: aux

Les difficultés

sont

aggravées par une

publication

Moniteur.

Janv. 1803. îles Ioniennes, il avait harangué les principaux du pays, et leur avait promis la protection de Bonaparte. Son rapport renfermait des expressions hostiles contre l'Angleterre; le colonel Stuart, qui commandait à du Alexandrie les forces anglaises de terre et de mer, était l'objet d'imputations souvent blessantes, parfois odieuses: enfin le colonel Sébastiani terminait en disant qu'une armée française de six mille hommes suffirait à la conquête de l'Égypte, et que les îles Ioniennes deviendraient françaises dès qu'on le voudrait. » La publication de cette dépêche révélait ainsi que Bonaparte n'avait point renoncé à étendre sa domination en Orient. C'était assez pour que l'Angleterre hésitât à céder l'île de Malte, position maritime des mieux assurées, lorsqu'il s'agit de commander à la Méditerranée et de couvrir le Levant. Aussi le ministère anglais déclara-t-il que le roi suspendrait toute discussion relativement à Malte, jusqu'à ce que Sa Majesté eût obtenu de la France des explications satisfaisantes. En attendant, le cabinet de Londres prenait des précautions en vue des éventualités qui pouvaient surgir. A la suite de la conclusion du traité d'Amiens, il avait expédié des ordres pour l'évacuation du cap de Bonne-Espérance; un contre-ordre fut donné, et parvint au Cap assez tôt pour retenir cette colonie sous la puissance des armes britanniques.

Règlements de douane

Le premier consul avait à cœur de relever le comhostiles aux merce maritime de la France. Il donna à la Hollande produits de

britannique.

l'industrie et à l'Italie des tarifs de douane; et les ports de ces nations furent, aussi bien que ceux de la France, interdits aux produits de la fabrique anglaise. La consé

quence de cette situation était de rendre à l'Angle- Janv. 1803. terre la paix plus intolérable que les hostilités : la guerre, en effet, ouvrait au commerce britannique l'empire exclusif de la mer et le monopole du trafic des denrées coloniales; et la situation, d'ailleurs rigoureusement juste, que Bonaparte faisait à nos rivaux, ne pouvait qu'exaspérer contre la France l'opinion anglaise. Le cabinet de Londres, entraîné par le flot, se voyait hors d'état de maintenir la paix ; et toutefois il ajournait toute rupture ouverte, jusqu'à l'époque prochaine où la Russie et l'Autriche auraient le pouvoir et la volonté de reprendre les armes.

Le premier consul se préoccupait de l'élection du nouveau grand maître de l'ordre de Malte; mais, bien que les différents prieurés d'Europe eussent soumis à cet égard au souverain pontife l'examen d'un certain nombre de candidatures, la France ne devait pas voir se réaliser des espérances basées sur les dispositions de l'article 10 du traité d'Amiens. Au surplus, l'Angleterre, la Russie et la France étaient d'accord pour concéder au pape le choix du grand maître de l'ordre. La France insistait seulement pour que la désignation du saint-père ne portât point sur un ennemi de notre politique et de notre influence.

pre

On se préoccupe

de nommer grand maître

un

de l'ordre de Malte.

de

entre

le pape et

Bonaparte.

Vers la même époque, des symptômes de refroi- Symptômes dissement se manifestèrent entre le pape et le difficultés mier consul. Il s'agissait de poser les bases d'un concordat entre Rome et la république d'Italie, gouvernée par Bonaparte. Enhardi par les concessions obtenues du concordat pour la France au mois de messidor an IX, le premier consul, président de la république italienne,

Affaire

d'Italie.

Janv. 1803. voulait que le nouveau traité fût conclu sur des bases pareilles. Le vénérable Pie VII résistait à cette prétention. Il fit appeler le ministre de la république française, et lui dit : « Nous voudrions ne jamais rien refuser aux désirs du premier consul; mais qu'on ne nous jette pas hors des bornes, hors des mesures de ce que le pape peut faire ! Il y avait des motifs qui nous justifieront toujours dans ce qui a été accordé à la France, où cependant notre condescendance à l'égard de quelques évêques qui donnent du scandale par les écrits dont les gazettes sont remplies a déjà eu un inconvénient funeste, qui nous expose à bien des reproches. Ce que nous avons fait à l'égard de la France était nécessaire, et sera pour nous un mérite devant Dieu; mais le souverain pontife est le conservateur et le gardien des lois, des règles de la religion catholique. Nous ne voulons pas troubler le monde en déclarant aucune espèce de guerre aux autorités temporelles qui abrogent les institutions religieuses; mais nous ne saurions être le premier pape à agir contre nos lois, nos principes. Comment serait-il possible que nous adoptassions, par un concordat avec une partie de l'Italie, des bouleversements nouveaux, des suppressions nouvelles, et une doctrine subversive des droits de l'Église? Le premier consul nous a décidé à établir, de concert avec lui, le meilleur ordre de choses possible pour la France, à l'égard de la religion. La France a montré dans ses habitants un fonds de moralité au-dessus de tout éloge, en revenant à la religion après une secousse aussi terrible; la France et le premier consul ont tout mérité. Mais pourquoi

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