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à la cause de l'Autriche, il ne s'associait point de 1802-1803. cœur aux idées et aux alliances de son maître. Toutefois il n'osa assumer sur lui la responsabilité d'un refus, et il revêtit de sa signature le traité de médiation, qui faisait une part si mauvaise à la monarchie autrichienne. Quand ce traité fut ensuite soumis à l'approbation d'Alexandre, le jeune czar commença à comprendre que, dans cette affaire difficile, la Russie avait été dupe de la forme, et qu'elle n'avait servi qu'à donner un appui immense aux conceptions ambitieuses de Bonaparte relativement à l'Allemagne. Alexandre éprouva donc un déplaisir secret; mais, dominé par ses propres engagements, il dissimula son dépit, et il ratifia les nouveaux arrangements qui changeaient les bases du saint-empire.

ment de

Le 28 thermidor (16 août), les ministres de France Désappointeet de Russie arrivèrent à Ratisbonne, où siégeait la l'Autriche. diète; et, deux jours après, ils notifièrent la déclaration de l'acte de médiation intervenu entre les deux grandes puissances. Deux mois furent donnés à la diète pour terminer, d'après ces mêmes bases, le règlement des indemnités germaniques, et l'Autriche apprit alors le renversement de ses espérances et le rejet de ses prétentions. Pour toute réponse, le cabinet de Vienne enjoignit à ses troupes d'occuper l'évêché de Passau, que les puissances médiatrices abandonnaient à la Bavière. C'était un acte de vigueur fort inattendu, et qui produisit une grande sensation en Europe sur-le-champ, et à la demande de Bonaparte, une convention intervint entre la Bavière, la Prusse et la France, pour faire évacuer le territoire

1802-1803. de Passau par les troupes autrichiennes. M. Lauriston, aide de camp du premier consul, se rendit précipitamment à Munich; et sa présence dans cette ville, en même temps qu'elle ranimait la confiance de l'électeur de Bavière, annonça à l'Autriche que la France n'entendait pas se borner à une vaine protestation diplomatique.

L'affaire est soumise

Sur ces entrefaites, la députation extraordinaire à la diète. de l'Empire, chargée de prononcer sur le plan de partage, commença ses opérations, et il fut permis d'espérer, de part et d'autre, une conclusion pacifique. Les huit États qui la composaient, Brandebourg, Saxe, Bavière, Bohême, Wurtemberg, ordre Teutonique, Mayence, Hesse-Cassel, apportaient à ces délibérations des vues et des préoccupations bien différentes. Les quatre États qui gagnaient beaucoup au remaniement de l'Empire donnèrent leur adhésion au traité; les subdélégués de Bohême et de l'ordre Teutonique, organes des intérêts autrichiens, réclamèrent un nouvel examen, en d'autres termes, un ajournement. Le subdélégué de Saxe réserva son vote. Tout dépendait de l'attitude que devait prendre le baron d'Albini, représentant de Mayence; on comptait sur l'adhésion de cet électorat ecclésiastique, le seul qui fût conservé; mais l'archevêque de Mayence pouvait-il, par lui-même ou par son délégué, prêter la main à des arrangements qui effaçaient de la carte politique d'Allemagne l'élément catholique? Ses hésitations furent longues. Enfin, moitié persuasion, moitié menace, on obtint l'adhésion du baron d'Albini. Dès ce moment, les difficultés s'aplanirent. La députation extraordi

ment de

l'Allemagne par la diete.

est sanctionné

naire de l'Empire adopta les bases principales du par- 1802-1803. tage territorial, à la majorité de cinq voix sur huit; mais comme ce vote ne terminait pas la question, et ne faisait qu'en préparer la solution, les négociations continuèrent, et les agents de l'Autriche n'épargnèrent aucun soin, aucune démarche, pour faire échouer les tentatives de la France et de la Russie. Cette opiniâtre persévérance fit introduire dans le plan général quelques modifications de détail. Le 29 vendémiaire an XI Le remanie(21 octobre), la Saxe s'étant réunie à la majorité, le conclusum définitif qui réglait les indemnités germaniques obtint la sanction de l'Empire. L'Autriche refusa son adhésion; le premier consul, pour amener cette puissance à reconnaître le traité, consentit à quelques concessions qui mirent un terme aux résistances du cabinet de Vienne : ces arrangements amoindrirent la part faite à la Bavière; toutefois ils obtinrent l'assentiment des diverses puissances intéressées ou médiatrices. Enfin, le 6 ventôse an XI (25 février 1803), le plan remanié pour la troisième fois fut adopté, à l'unanimité, par la députation extraordinaire de l'Empire; et, peu de jours après, il obtint la sanction de la diète. De tous les princes de l'Europe, le roi de Suède fut le seul qui protesta contre cette série de négociations et d'actes qui modifiaient si gravement l'état de l'Allemagne. On laissa s'éteindre le vain bruit de cette réclamation, et l'Europe tout entière s'étonna de la portée de l'œuvre à laquelle venait de présider la puissance de la France et le génie du premier consul.

Plus la république française s'enorgueillissait de ce Résultat de

cet acte.

1802-1803. résultat, plus la nationalité allemande se trouvait amoindrie et humiliée.

L'Allemagne perdait, outre la rive gauche du Rhin, douze cents milles carrés, et quatre millions d'habitants cédés à la France de quarante-huit villes libres, il n'en restait que six: Lubeck, Hambourg, Brême, Francfort, Augsbourg et Nuremberg; les comtes et chevaliers de l'Empire ne dépendaient plus de lui que médiatement, et, de tous les princes laïques, quatre seulement avaient reçu le pouvoir électoral, pouvoir qui ne devait pas tarder à perdre sa vieille et vénérable signification. Ces nouveaux princes n'eurent pas même le temps d'exercer leur droit : comme ils n'étaient que l'émanation d'un orage passager, prodigue de biens dont il ne connaissait. pas l'étendue, l'orage qui lui succéda les fit disparaître aussi promptement que celui-là les avait créés. « Une profonde tristesse devait donc remplir tous les cœurs patriotes; et qui aurait pu sans déchirement contempler les monceaux de ruines dont la patrie allemande fut couverte par la tempête? Car, bien que les colonnes de ce vieil édifice fussent ruinées dans leurs fondements, aux murailles et aux débris on pouvait encore reconnaître l'image de son ancienne grandeur, et, comme le disent quelques historiens, les restes d'une nation puissante et prospère (1). » A ces plaintes du patriotisme allemand, notre devoir de catholique sera d'associer les justes regrets de l'Église. L'élément protestant, d'abord à l'état de rébellion au xvIe siècle,

(1) Histoire d'Allemagne, par Kohlrautch, t. II.

puis à l'état de guerre sous Gustave-Adolphe, puis 1802-1803. admis à l'égalité politique sous Richelieu et à l'époque du traité de Westphalie, prévalut désormais dans les hauts conseils de l'Allemagne ces deux principes du moyen âge, le pape et l'empereur, furent vaincus à la fois et à la fois déshérités; et Bonaparte présida à cette double défaite.

hostiles de

à l'égard

L'Angleterre se montrait peu soucieuse de mainte- Dispositions nir, dans le droit européen, les traditions catholiques l'Angleterre du moyen âge; mais elle considérait, avec un amer de la France. déplaisir, le développement rapide de la puissance française. La république était en paix, et gouvernée par les lois; un homme, doué d'un vaste génie, présidait à ses destinées; la souveraineté lui était remise, par délégation du peuple; de toutes parts la confiance renaissait, le commerce et l'industrie prenaient leur essor, toutes les sources de la prospérité publique se ravivaient. Le premier consul, malheureux du côté de Saint-Domingue, se voyait cependant à la veille de doter la France de grandes colonies: l'Espagne nous avait cédé la Louisiane, en échange de l'Étrurie, donnée aux infants de Parme; nous ne devions pas tarder à obtenir les Florides; le général Decaen, envoyé dans les Indes, avait pour mission de rattacher à la France, comme à un appui naturel contre l'ambition anglaise, les princes et les peuples de cette immense région, où la Grande-Bretagne recrutait chaque jour des tributaires et des vassaux; la Guadeloupe était replacée sous notre obéissance; notre marine recevait de nombreux accroissements; la France réglait les affaires de la haute Italie; elle exerçait sa médiation en Suisse;

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