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Juill. 1803. date assez rapprochée (le 20 fructidor 7 septembre)

le

pour recevoir une réponse catégorique. Le jour où le délai expirait, le roi d'Espagne ne remit à notre ambassadeur qu'une note officielle, conçue en termes vagues et peu satisfaisants. Beurnonville, obéissant à ses instructions, s'éloigna de Saint-Ildephonse, et cessa toutes relations avec le gouvernement espagnol. Cette situation dura près d'un mois; elle ne pouvait se prolonger sans amener des complications assez graves, et une défection de la part de l'Espagne était possible. Avec un gouvernement timide et inquiet, c'est en se montrant fort et menaçant qu'on arrive à résoudre des difficultés pareilles. Bonaparte essaya, par des notes diplomatiques, d'effrayer le prince de la Paix. Il manda que sang des Berwick et des Vendôme coulait toujours dans les veines françaises, et que le peuple qui avait placé les Bourbons sur le trône d'Espagne saurait retrouver le chemin de Madrid « pour expulser l'homme qui avait vendu la France à Badajoz, ce favori parvenu par la plus criminelle de toutes les voies, à un degré de faveur inouï dans les fastes de l'Europe moderne. Ce n'était point assez le premier consul, pour tenir en respect un allié douteux et chancelant, ordonna qu'un septième camp serait formé; il en détermina l'emplacement dans les Pyrénées orientales. L'ambassadeur de la république invita de nouveau le cabinet espagnol à s'expliquer franchement : l'Espagne, ainsi forcée de faire connaître ses intentions, offrit de consentir à un subside annuel de 30 millions. Le premier consul prit alors une attitude bien autrement menaçante; et Godoï, cédant à la peur, prêta la

main à .de nouveaux arrangements pécuniaires qui Juill. 1803. donnèrent satisfaction à la France. Cette affaire, péniblement engagée, laissa subsister de part et d'autre des ressentiments et des défiances qui, plus tard, portèrent des fruits.

L'Angleterre avait trop désiré la guerre pour reculer devant les nécessités de la prochaine lutte. L'armée du roi George s'élevait alors à un effectif de cent mille hommes: c'était bien peu pour couvrir un pays assez vaste, et pour organiser, sur plusieurs points à la fois, des centres de résistance. On appela sous les drapeaux quatre-vingt mille hommes de milice déjà disciplinés; tous les citoyens anglais furent appelés à venir en aide, par des offrandes patriotiques, au pays menacé; et l'on organisa des réserves de volontaires, dont l'institution rappelait celle de la garde nationale française, et qui s'élevèrent en peu de temps à trois cent cinquante mille hommes. D'autres classes de citoyens furent incorporées comme pionniers et charretiers; le pays sembla transformé en un vaste camp, la population en une puissante armée : dans les théâtres, dans les temples, dans les meetings, dans la presse, partout où l'opinion pouvait se faire jour, un immense enthousiasme éclatait pour la défense de la patrie.

On éleva autour de la Grande-Bretagne une ligne de signaux, destinée à avertir la population aussitôt que l'on verrait apparaître dans le lointain la flotte française quelques fausses alertes furent données à dessein, et l'on vit que l'armée et les citoyens étaient également préparés à combattre. La flotte britannique

Préparatifs

pour

la défense

nationale

en

Angleterre.

Août 1803. fut considérablement accrue; elle se composa, en peu de mois, de cinq cent soixante-dix vaisseaux de guerre qui couvrirent la mer et bloquèrent nos ports. Souvent les marins anglais tentèrent des débarquements partiels, démontant nos batteries de côtes, détruisant nos signaux, ou jetant des bombes dans le Havre, Dieppe, Granville et Boulogne. Ces démonstrations étaient peu sérieuses; mais elles avaient pour résultat d'entretenir l'exaltation de la marine anglaise, et de prouver à la France que ses ennemis l'attendaient de pied ferme sur le rivage opposé. La moindre apparence d'embarquement et le plus léger mouvement des troupes françaises vers la mer étaient connus en Angleterre au moyen des signaux, et de nombreuses croisières se portaient sur les points qui devaient appeler une plus grande surveillance. Une flotte aux ordres de lord Cornwallis stationnait devant Brest; le contre-amiral Pellew observait les côtes du côté de l'Espagne; Nelson tenait en respect nos escadres de Toulon et de Gênes; et nos forces maritimes, disséminées et numériquement insuffisantes pour résister, se trouvaient à peu près hors d'état d'opérer leur jonction.

Craintes de Pitt.

Nelson avait déclaré que l'idée d'une descente des Français en Angleterre était une marque de démence, tant il lui paraissait impossible d'admettre la réalisation d'un projet semblable. Mais cette assurance orgueilleuse, et les vieux souvenirs de l'Armada, n'empêchaient pas le gouvernement anglais de multiplier les précautions désespérées : « Certes, disait M. Pitt, ce n'est pas moi que l'on verra exalter l'espoir des

Français au détriment du courage de notre armée, de Août 1803. notre marine, de toute notre population... Mais, dans la guerre, les choses les plus difficiles dépendent souvent d'un jour, d'une heure, d'un instant, contre lequel l'armée la plus brave ne peut rien... Les entreprises les plus désespérées ne paraîtront pas telles à Bonaparte... Il ne faut pas dire: Si cet homme est fou, il payera cher sa folie! Non, il est des hasards qui peuvent tourner contre nous. » Et comme le ministère se refusait à fortifier Londres, sous prétexte que ce serait là une crainte exagérée, et par cela même injurieuse pour l'Angleterre, l'opiniâtre ennemi de la France s'écriait : « Jamais, dit-on, nos ancêtres n'ont fortifié Londres! Mais la situation de ce pays, celle de toute l'Europe, n'est-elle pas changée? Nos ancêtres aussi combattaient avec des javelots et des flèches. Faut-il donc employer les mêmes armes, abandonner l'artillerie, et regarder les boucliers de nos pères comme la meilleure défense contre le canon de la France?... Il ne s'agit pas, d'ailleurs, d'entourer Londres d'une enceinte régulière, mais de profiter des avantages que le terrain présente, de manière qu'en retardant de quelques jours les progrès de l'ennemi, on soit en mesure d'éviter, peut-être, la destruction de cette capitale. » Ainsi l'alarme était grande, puisque la ruine de Londres pouvait entrer dans les prévisions de Pitt comme un accident de la guerre. Dieu, qui avait ses desseins, permit que l'orage dont l'Angleterre était menacée éclatât loin d'elle; et dix ans plus tard, pour le douloureux châtiment de la France, l'étranger dressa sa tente sous les murs de

Sept. 1803. Paris, et les yeux de nos mères virent la fumée des camps ennemis. Excidat illa dies!

Bonaparte surveille

Rien n'égalait la prodigieuse activité de Bonaparte. par lui-même Au milieu des soins multipliés de son gouvernement,

les

opérés sur nos

armements il se déroba plusieurs fois aux nécessités des affaires côtes. pour se rendre sur les côtes, et surveiller, de ses

yeux, les immenses préparatifs. Il arrivait brusquement sur les points où il était le moins attendu. Il visita toutes les côtes françaises le long de la Manche et de la mer du Nord, inspectant les travaux, modifiant les instructions données, stimulant le zèle des ouvriers, des troupes et de leurs chefs. Sa présence dans les départements de la Flandre et de la Belgique donna une impulsion vigoureuse aux travaux. Partout cet homme fort fut accueilli avec enthousiasme. A Bruges, à Gand, à Liége, à Bruxelles, dans les vieilles cités de la Flandre et du Brabant, le peuple se livra aux démonstrations les plus vives, et les autorités donnèrent des fêtes où l'on ressuscita en faveur du premier consul les pompes naïves du moyen âge: mais il s'agissait bien de fêtes! « Figurez-vous, écrivait Rapp, l'un de ses aides de camp, qu'il faut être de fer pour résister au métier que nous faisons : à peine sommes-nous descendus de voiture que c'est pour monter à cheval; et nous y restons avec le premier consul quelquefois dix et douze heures de suite. Il voit tout, examine tout, cause souvent avec les soldats aussi comme ils l'aiment! » A ces derniers traits, on doit reconnaître jusqu'à quel point Bonaparte entretenait soigneusement l'amour dont l'armée l'avait entouré. Officiers, sous-officiers, généraux, grenadiers,

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