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Déc. 1803. n'aurait pu le faire la presse libre, condamnait l'injustice de ses précautions.

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Événements Sur ces entrefaites, le génie de l'Angleterre prévaSaint-Domin- lut à Saint-Domingue : cette île consomma sa séparague. tion d'avec la France en se proclamant indépendante.

et

Elle reprit son vieux nom d'Haïti (la montagneuse), et, peu de jours après, le féroce Dessalines se fit déclarer empereur de ce pays, et régna despotiquement, pendant deux ans, sous le nom de Jacques Jer.

Son gouvernement commença par un vaste massacre, dans lequel périrent la plupart des blancs qui n'avaient pu fuir le sol dévorant de Saint-Domingue. Plus tard, une révolte fit justice de l'insupportable tyrannie de ce nègre l'un de ses rivaux, le général Christophe, se ligua avec l'adjudant général Pétion, homme de couleur, et tous deux déclarèrent la guerre à Dessalines. La lutte ne fut pas longue. Jacques Ier avait laissé percer la résolution qu'il avait prise de se défaire des mulâtres, et de ne conserver vivants que les noirs, plus faciles à opprimer. Christophe et Pétion égorgèrent le tyran au milieu de ses gardes, et tous deux essayèrent de se partager l'héritage de Dessalines. Christophe régna sous le nom de Henri Ier, jusqu'au jour où Pétion prévalut à son tour, et soumit la malheureuse Haïti à des lois moins dures. La France demeura étrangère à ces événements.

Bonaparte Ce fut durant la période consulaire qu'un mécanil'inventeur cien, né aux États-Unis, vint soumettre au gouvernenavigation à ment de Bonaparte diverses conceptions en faveur desquelles il réclamait, sinon des encouragements

de la

vapeur.

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rapides, du moins un bienveillant examen. Cet homme

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faisait des expériences pour une navigation sous-ma- Déc. 1803. rine; il imaginait de diriger des navires sur les fleuves et sur la mer, sans le secours de la voile ou des rames. Cet homme s'appelait Robert Fulton; on le prit pour un rêveur, pour un monomane en matière de découvertes; et, découragé, il alla porter aux États-Unis le merveilleux secret de la marine à vapeur. Les Bonaparte et les Alexandre ont beau gouverner le monde : la routine, plus forte qu'eux, réussit à retarder les conquêtes du génie, et à livrer aux railleries de la foule celui qui invente. Christophe Colomb erra dix ans de capitales en capitales, offrant, sans pouvoir se faire écouter des rois, de leur livrer tout le nouveau continent; Galilée fut condamné au silence parce qu'il montrait, dans les cieux étoilés, la véritable mission du soleil; Robert Fulton ne trouva, sur notre sol, qu'un accueil dédaigneux et glacial, et la gloire qu'il réservait à la France devint le patrimoine d'un autre peuple. C'est au génie à triompher des siècles par la patience et la vérité ; ce rôle est encore assez beau pour satisfaire la grande ambition de l'intelligence.

LIVRE HUITIÈME,

Le premier consul, avant d'arriver au pouvoir suprême, doit encore monter quelques échelons; mais ici l'histoire s'arrête devant des traces de sang. Nous abordons la période la plus douloureuse du consulat. L'Angleterre est une nation qui se glorifie de sa puissance, et qui, du haut de sa fortune, dédaigne les autres peuples. Si l'insupportable orgueil qui éclate dans ses paroles et dans ses actes multiplie dans le monde le nombre de ses rivaux et de ses ennemis, nous devons dire que jamais dans la lutte elle ne s'abaissa jusqu'à choisir le crime pour arme, la trahison pour moyen. Mais, après avoir rendu justice à l'Angleterre, après avoir admiré le génie opiniâtre et infatigable qui préside à ses entreprises, nous devons aux intérêts de la vérité de dire que trop souvent le gouvernement britannique, dans ses luttes contre les autres gouvernements, sacrifia le droit, l'humanité, la vertu, aux nécessités du triomphe; que, pour vaincre, il ne se mit point en peine de n'employer que des

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1803-1804. armes loyales, et qu'à ses yeux le succès ne légitima que trop les entreprises les plus coupables.

L'Angleterre était bien résolue à lutter avec énergie et jusqu'au dernier souffle contre la république française et contre son chef: le gouvernement anglais allait plus loin; il acceptait pour auxiliaires des passions odieuses et des combinaisons criminelles. Combattre Bonaparte par la guerre ou par le poignard, aux yeux de ce gouvernement, c'était toujours combattre la fin devait absoudre les moyens.

L'émigration se partageait en deux classes d'hommes. D'une part, autour de Louis XVIII, dans la petite cour où ce prince se réchauffait aux dernières consolations de la fidélité et de l'amitié, on attendait de la permission de Dieu que les circonstances devinssent favorables au retour de la monarchie sur le sol français; on supputait le nombre et la puissance de nos ennemis; on se disait que l'Europe, indignée des progrès de la France, ne tarderait pas à comprimer une ambition sans frein; on comptait sur l'amitié de la Russie, sur les intérêts de la Prusse, sur l'orgueil de l'Allemagne du nord, sur les ressentiments de l'Autriche. Les événements contredisaient sans doute ces espérances de l'émigration et des princes. L'ordre renaissait au dedans sous une main vigoureuse; tout le continent européen, au dehors, se courbait sous l'ascendant du premier consul; mais la foi du petit nombre qui persistait à croire au principe de la légitimité ne se trouvait ni rebutée ni ébranlée par ses disgrâces ils se groupaient autour de leur roi, ils adoucissaient les déplaisirs de ce prince en mettant sous

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