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Janv. 1802. gnèrent silencieux, mais en plaignant la liberté; la masse eut peur, et s'humilia. Le premier consul méditait de dissoudre, par un coup d'État, le tribunat et le corps législatif. La constitution lui refusait ce droit, et c'eût été entrer prématurément dans une voie de violence. Cambacérès eut recours à un expédient plus adroit il détermina le premier consul à rester dans les termes de la légalité. La constitution disait que le corps législatif et le tribunat seraient chaque année renouvelés par tiers. Il fut convenu que le sénat, placé sous l'influence de la crainte, désignerait lui-même les membres sortants; et cette combinaison offrit un moyen adroit d'exclure les hommes dont l'opposition. était gênante. En attendant, le premier consul ordonna que les titres du code civil alors soumis aux délibérations du corps législatif, seraient retirés par le gouvernement. L'assemblée fut vivement troublée par cette marque de défiance. Elle renonça à présenter M. Daunou au sénat, ou du moins elle fit une présentation nouvelle en faveur du général Lamartillière, candidat du premier consul. Le sénat se prêta humblement à cet accommodement, et M. Daunou fut écarté. Cependant Bonaparte continua de garder rancune au tribunat et au corps législatif: ces deux assemblées restèrent à Paris, durant toute la session, dans une oisiveté embarrassante; on ne leur soumit aucun projet de loi, pas même en matière de finances, et l'on réserva toutes les demandes fiscales pour une session extraordinaire que le gouvernement se proposait de convoquer au printemps. Le premier consul mit à profit cet intervalle il quitta Paris pour aller

présider à Lyon une diète italienne, chargée de donner Janv. 1802. à la république cisalpine une constitution élaborée par le vainqueur de Lodi et d'Arcole.

se

et

la

république

L'organisation de l'Italie importait à la paix géné- Bonaparte rale de l'Europe. Un parti puissant s'était formé, qui voulait en finir avec la république cisalpine, et cons- organise tituer, sous la protection de Bonaparte, une monar- cisalpine. chie italienne qui embrasserait tous les États situés entre les Alpes, les deux mers et le Pô. Ce projet souriait à l'Autriche, qui aurait fourni une dynastie au nouvel empire. Bonaparte ne se souciait guère de donner cette satisfaction aux plus opiniâtres ennemis que la France pût rencontrer sur le continent; il tenait d'ailleurs à conserver le Piémont, et à ne point statuer encore sur le sort du duché de Parme. Aussi eut-il soin de maintenir la république cisalpine dans les limites que lui avait autrefois assignées le traité de Campo-Formio. Ce territoire, peuplé de cinq millions d'hommes, comprit toute la Lombardie, jusqu'à l'Adige, et en outre le duché de Modène et les Légations. La ligne de l'Adige fut puissamment fortifiée; le Mincio et Mantoue devinrent, dans ce système, la seconde ligne de défense; on créa à Alexandrie une place formidable qui, constamment remise aux mains de la France, dut être considérée comme la clef de l'Italie. On entreprit d'ouvrir dans les montagnes, par le Simplon, par le mont Cenis, par le mont Genèvre et par le col de Tende, plusieurs routes qui reliaient l'Italie à la France, et permettaient à nos armées d'atteindre en quelques jours Alexandrie, Turin, Milan et Mantoue. Sous le rapport législatif, la Cisalpine reçut

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Janv. 1802. une constitution modelée sur celle de la France, moins quelques institutions qui déjà fonctionnaient mal dans notre pays, et dont Bonaparte ne voulut pas doter l'Italie. De ce nombre fut la liste des notables, conception malheureuse de l'abbé Sieyes. Le premier consul mit un dernier sceau à ces différentes combinaisons politiques, en composant lui-même le personnel du nouveau gouvernement italien, et en se proclamant président de la république cisalpine. La consulte convoquée à Lyon accueillit ces arrangements avec un enthousiasme plus ou moins sincère : elle accepta la constitution; elle acclama Bonaparte pour président de la république italienne; elle décerna au citoyen Melzi les honneurs de la vice-présidence, et l'Italie septentrionale se crut définitivement constituée. On était alors aux premiers jours de pluviôse. La présence de Bonaparte et de la consulte italienne dans l'ancienne ville impériale et romaine de Lyon fut l'occasion et le signal de fêtes pompeuses, destinées à avoir un grand retentissement en Europe. Alors venait d'arriver à Lyon la glorieuse armée d'Égypte, encore forte de vingt-deux mille hommes. Ces vieux soldats, tant de fois éprouvés par la guerre, furent passés en revue par le premier consul; et tout fut oublié entre eux, à l'exception de la gloire acquise en commun, au prix du sang et des fatigues. Peu de jours après, Bonaparte reprit la route de Paris, et, le 11 pluviôse, il s'endormit de nouveau sur l'oreiller des Tuileries.

Même avant son retour, la docilité du sénat avait déjà aplani les difficultés parlementaires dont nous

Les

principaux

républicains exclus du

sont

corps législa

tif.

avons signalé l'existence : le sénat avait exclu du Fév. 1802. corps législatif soixante membres, et du tribunat vingt orateurs, qui, depuis deux ans, avaient été les principaux chefs de l'opposition républicaine. Ainsi furent éliminés Chénier, Daunou, Benjamin Constant, Ginguené, Chazal, et quelques autres moins connus, mais non moins actifs dans la lutte qu'ils soutenaient pour sauver du naufrage les débris des institutions révolutionnaires. Comme leur opposition avait été plus tracassière que généreuse, plus opiniâtre qu'intelligente, l'opinion s'émut fort peu de cet événement politique : elle vit sans inquiétude remplacer les législateurs et les tribuns exclus par des hommes dévoués au gouvernement consulaire. Cependant ce renouvellement partiel fit entrer au tribunat le célèbre Carnot; et la république, qui s'éteignait, allait encore compter un défenseur et un ami.

politiques au dehors.

Les préoccupations publiques se portaient sur les Difficultés affaires du dehors: la constitution de la Cisalpine, sous la présidence de Bonaparte, avait été vue avec déplaisir à Saint-Pétersbourg, à Vienne, à Londres. Cependant la Russie ne s'était point prononcée d'une manière hostile, parce qu'elle abandonnait la solution du problème à l'Autriche, beaucoup plus directement intéressée dans la question. L'Autriche sortait à peine des épreuves d'une guerre longue et ruineuse; elle se voyait en ce moment aux prises avec la Prusse relativement aux indemnités de l'empire germanique, question grave, pour la solution de laquelle il importait de ménager le premier consul. Aussi le mécontentement soulevé à Vienne par les actes de Lyon fut

Fév. 1802. il discret et sans éclat, bien que profond et sérieux. On se borna à laisser entrevoir des inquiétudes sur l'excessif accroissement de la puissance française : la politique de l'Autriche consiste à savoir attendre. A Berlin, on se montra plus favorablement disposé à l'égard de la France, et le gouvernement prussien adhéra aux actes de Lyon. Comme il était nécessaire que le nord de l'Italie fût dominé par la France ou par l'Autriche, la Prusse n'hésitait pas à accéder à toute combinaison qui dépouillerait l'empereur du plus riche fleuron de sa couronne.

Paix d'Amiens.

A Londres, on dissimula adroitement la répugnance que l'Angleterre éprouvait à subir un ordre de choses qui, de la république cisalpine, faisait un pays vassal de la France. Comme on désirait hâter la conclusion de la paix, dont les préliminaires avaient été signés de part et d'autre, on réserva habilement ce grief, pour le faire valoir à une époque plus opportune. Les négociations qui avaient été commencées à Amiens, en vue d'amener une pacification définitive, ne furent donc point ralenties par l'accession de la Cisalpine à la France. Cependant les bases principales, déjà réglées par les préliminaires de Londres, furent de nouveau soumises à un examen général : les questions relatives à l'Égypte, à Malte, au cap de BonneEspérance, questions déjà résolues, furent encore soulevées entre lord Cornwalis et Joseph Bonaparte le débat ne porta sérieusement que sur la fixation du sort de Malte. L'article 4 des préliminaires avait consacré l'indépendance de cette île. Le gouvernement français proposa de modifier l'ordre de Saint-Jean de

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