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d'articles organiques, qui, pour la plupart, étaient Mars 1802. restrictifs de la liberté de l'Église.

Et d'abord il fut établi : 1o qu'aucune bulle, bref, rescrit, décret, mandat, provision, signature servant de provision, ni autres expéditions de la cour de Rome, même ne concernant que les particuliers, ne pourraient être reçus, publiés, imprimés ni mis à exécution, sans l'autorisation du gouvernement; 20 qu'aucun individu se disant nonce, légat, vicaire ou commissaire apostolique, ou se prévalant de toute autre dénomination, ne pourrait, sans la même autorisation, exercer, sur le sol français ni ailleurs, aucune fonction relative aux affaires de l'Église gallicane; 30 que les décrets des synodes étrangers, même ceux des conciles généraux, ne pourraient être publiés en France avant que le gouvernement en eût examiné la forme, leur conformité avec les lois, droits et franchises de la république française, et tout ce qui, dans leur publication, pourrait altérer ou intéresser la tranquillité publique; 40 qu'aucun concile national ou métropolitain, aucun synode diocésain, aucune assemblée délibérante, n'auraient lieu sans la permission expresse du gouvernement; 50 que dans certains cas exceptionnels, tels que, par exemple, la contravention aux lois civiles et l'infraction aux règles canoniques reçues en France, il y aurait recours au conseil d'État pour cause d'abus; 6o que tout privilége portant exemption ou attribution de juridiction épiscopale était aboli; 70 que les archevêques ou évêques pourraient, avec l'autorisation du gouvernement, établir dans leurs diocèses des chapitres cathédraux et des séminaires,

Analyse des articles

organiques le conseil

rédigés par

d'Etat.

Mars 1802. mais que tous les autres établissements ecclésiastiques étaient supprimés; 8o que les archevêques et évêques ne pourraient ajouter à leurs noms d'autres qualifications que celles de monsieur ou de citoyen; 9° que les archevêques consacreraient ou installeraient leurs suffragants; qu'en cas d'empêchement, ils seraient suppléés par le plus ancien évêque de l'arrondissement métropolitain; qu'ils veilleraient au maintien de la foi et de la discipline dans les diocèses dépendants de leur métropole; qu'ils connaîtraient des réclamations et des plaintes portées contre la conduite et les décisions des évêques suffragants (1).

D'autres articles déterminaient les droits des évêques et des vicaires généraux; d'autres, les règles à suivre pour la nomination des curés et la formation des chapitres de chanoines. Les choix des professeurs dans les séminaires diocésains devaient être approuvés par le gouvernement; nul ne pouvait être ordonné prêtre (2), s'il n'avait vingt-cinq ans, et s'il ne justifiait d'une propriété de trois cents francs de revenu La même loi fixait les traitements des ecclésiastiques de divers ordres; le casuel était conservé, sauf règlement épiscopal; les presbytères non aliénés étaient rendus aux curés ou desservants de paroisses; l'usage des cloches était rétabli, avec défense de les employer à aucun usage civil; aucune fête nouvelle ne pouvait

(1) Dans ce paragraphe relatif au pouvoir des archevêques, on ne trouve que des dispositions admissibles; mais était-ce bien à la loi civile qu'il appartenait de régler de semblables matières ? Un tel article devait être d'abord consenti par le souverain pontife.

(2) Article 26.

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être établie sans la permission du gouvernement; les Mars 1802. cérémonies extérieures de la religion catholique n'étaient permises que dans les communes où il n'existait pas d'autres cultes (1); le dimanche était rétabli comme jour de repos, nonobstant l'existence du calendrier républicain; les registres tenus dans les paroisses ne pouvaient faire foi en matière civile. Toute donation testamentaire ou autre, faite au clergé, devait

(1) Cette disposition a été interprétée d'une manière plus large. que ne semblaient le permettre les termes assez impératifs de l'article 45 de la loi du 18 germinal, ainsi conçu : « Aucune cérémonie religieuse n'aura lieu hors des édifices consacrés au culte catholique, dans les villes où il y a des temples destinés à différents « cultes. » En combinant cet article avec l'article 16 de la loi organique des cultes protestants, ainsi conçu : « Il y aura une église con«sistoriale par six mille âmes de la même communion, >> le gouvernement consulaire (décision du 30 germinal an XI) a décidé que, pour interdire les cérémonies extérieures du culte catholique, il était nécessaire qu'il y eût dans la commune le siége d'une église consistoriale protestante; que des temples et oratoires protestants, accordés par faveur à des agglomérations de citoyens formant moins de six mille âmes, n'entraîneraient pas, par le seul fait de leur existence, la déchéance du droit qu'ont les catholiques de procéder aux cérémonies extérieures de leur culte. Enfin, il a été reconnu en fait que les dispositions de l'article 45 de la loi du 18 germinal an X impliquaient, en faveur des dissidents, une mesure de protection à laquelle, par esprit de concorde et de tolérance, les protestants étaient libres de renoncer. Ainsi, dans toutes les villes où les protestants, quoique dotés d'une église consistoriale, consentent à ce que les catholiques fassent les processions, la religion de la majorité des Français cesse d'être parquée dans ses temples, et elle développe au dehors, et sous les yeux des peuples, ses consolantes et saintes cérémonies. Tels sont les principes constamment suivis depuis près de cinquante ans, et qui n'ont été momentanément suspendus que par des actes regrettables de violence, ou par des décisions arbitraires mal fondées.

Mars 1802. être constituée en rentes; aucune publication étrangère à l'exercice du culte ne devait être faite au prône, sans l'autorisation du gouvernement; la bénédiction nuptiale ne pourrait être donnée qu'à ceux qui auraient préalablement contracté mariage devant l'officier civil; il serait établi des fabriques pour veiller à l'entretien et à la conservation des temples, comme aussi à l'administration des aumônes.

Observations sur les

niques

Plusieurs de ces articles organiques, particulièrearticles orga- ment ceux qui déterminaient la nomination et la presconsidérés tation de serment des évêques et des curés, la circonsdu droit cription des diocèses et des paroisses, le traitement de l'Eglise des ministres de la religion, leur logement et la res

au

point de vue

titution des édifices ecclésiastiques, n'étaient que la mise à exécution pure et simple des stipulations du concordat; sous ce rapport donc, les articles organiques n'introduisaient aucune innovation; on ne pouvait les contester, parce qu'ils résultaient d'un contrat synallagmatique intervenu entre les autorités compétentes. D'autres dispositions tendaient à restreindre, dans l'intérêt de la société temporelle, la liberté d'action de la hiérarchie catholique on vient de voir qu'elles étaient rigoureuses, et que le gouvernement les avait à dessein multipliées. Ainsi, la création, sous le nom d'abus, d'un délit spécial pour les ecclésiastiques; ainsi, l'admission, pour ce délit, d'une juridiction exceptionnelle, étrange anomalie qui érigeait un corps séculier, en partie composé de protestants ou d'incrédules, en juge des infractions aux règles canoniques; ainsi encore le droit attribué à l'autorité civile d'ordonner des prières publiques, et

d'intervenir, par les agents civils et militaires, dans la Mars 1802. fixation du jour, de l'heure et du mode d'exécution. Que dire, d'ailleurs, de la prohibition qui pesait sur les synodes, sur les assemblées du clergé et sur les fêtes religieuses? Que dire de la défense faite aux évêques de sortir de leurs diocèses sans la permission du chef de l'État? Que dire, enfin, d'un article qui prescrivait l'unité de liturgie et de catéchisme, et de tant d'autres dispositions restrictives qui excédaient les limites posées par le concordat? Sans doute, parmi ces articles de loi, il s'en trouvait plusieurs qui ne froissaient point les consciences, et d'autres que la raison d'État justifiait; mais il est certain que la plupart imposaient à l'Église de France des conditions d'asservissement qu'elle n'avait point acceptées, et qui n'avaient point été débattues librement avec Rome. Des deux parties en litige, l'autorité civile et l'Église, la première agissait seule et imposait sa volonté à l'autre dans cette situation, il pouvait y avoir soumission ou résignation, mais, à coup sûr, il n'y avait pas contrat.

Une observation analogue s'applique à une autre partie des articles organiques, à certaines dispositions qui règlent les rapports mutuels et les obligations des différents membres de la hiérarchie ecclésiastique, en des points qui ne présentaient, pour la société temporelle, aucun intérêt direct, et qui touchaient essentiellement à la discipline. Ainsi, pour restreindre nos citations, les articles qui déterminaient les pouvoirs des archevêques, ceux qui prescrivaient aux évêques des tournées diocésaines annuelles, ceux qui réglaient

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