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LIVRE SIXIÈME.

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politique.

La pacification religieuse était accomplie le pre- Avril 1802. mier consul médita la pacification politique; il ne Pacification craignit pas d'ouvrir la France à ceux de la noblesse et du vieux parti royaliste que les orages révolutionnaires avaient chassés au delà des frontières de la patrie. Il n'excepta de cette mesure de clémence que les princes du sang royal, et le petit nombre d'amis exaltés et fidèles qui, rangés sous le drapeau blanc, faisaient encore peser sur la France la menace d'une coalition.

Les Bourbons

exilés.

Le frère de Louis XVI, l'oncle de l'enfant martyr, continuait à porter le titre de roi et le nom de Louis XVIII. Il résidait à Varsovie, où la munificence Louis XVIII. de l'empereur de Russie lui assurait le pain de l'exil. C'était un homme d'un esprit délié, digne dans le malheur, mais timide. Premier prince du sang, en des temps ordinaires il aurait siégé sans éclat sur les marches du trône, et se serait fait une petite cour épicurienne, tantôt préoccupée d'intrigues, tantôt livrée au soin puéril de commenter le poëte Horace. Au début de la révolution française, il avait fait parade de sentiments constitutionnels, de théories philoso

Avril 1802. phiques. Mais, le mouvement révolutionnaire l'ayant promptement alarmé, il s'était cantonné dans ses droits de prince, et il avait tendu des embûches secrètes aux novateurs. L'affaire de Favras, de laquelle il ne s'était point tiré à son honneur, avait montré que, dans l'occasion, il n'hésiterait pas à sacrifier ses amis; et il n'avait guère trouvé d'hommes disposés à accepter ce rôle dangereux. Émigré, et ralliant autour de sa personne l'émigration entière, il avait successivement pris les dénominations de régent et de roi; et, s'il était demeuré étranger à la lutte militaire, du moins s'était-il conduit avec prudence et dignité. C'était un prince d'une forte corpulence, qui rappelait Louis le Gros, moins le courage personnel. Dans les solitudes de l'exil, et tout en s'efforçant de maintenir, vis-à-vis de la France et de l'Europe; son titre de roi légitime, il subissait les nécessités des temps, et il admettait, comme transaction indispensable pour faciliter son avénement au trône, le devoir de donner à ses peuples une constitution imitée de la charte anglaise. En attendant, il vivait sans pompe, ayant auprès de lui son neveu M. le duc d'Angoulême, qui venait d'épouser l'Orpheline du Temple.

Le comte d'Artois.

Le comte d'Artois résidait à Londres, au milieu de toutes les tentatives que la politique de l'Angleterre ourdissait contre la France. Homme aux manières élégantes, aux habitudes chevaleresques, il manquait d'instruction politique, et il ne s'était point encore convaincu de l'impossibilité de rendre à la France des institutions que l'orage révolutionnaire avait pour jamais effacées. Comme il professait ce principe politique

simple et commode, que le pouvoir absolu est seul Avril 1802. légitime, que toute résistance aux volontés du roi est une rébellion, et qu'aucune concession ne doit être faite aux rebelles, il ralliait autour de lui un certain nombre de gentilshommes fort disposés à n'admettre aucune autre politique, un certain nombre de prêtres et d'évêques opposés au concordat, et qui prenaient pour devise Dieu et le roi! Le comte d'Artois, dont cependant on ne pouvait contester le courage, n'avait pas toujours été heureusement inspiré lors de l'expédition de Quiberon, il s'était trop modestement résigné à se tenir à l'écart, et à suivre les conseils prudents du gouvernement anglais. Mais, comme il était ami dévoué et sincère, comme le caractère d'héritier de saint Louis reposait aussi sur son front, il comptait autour de lui beaucoup plus de partisans et de serviteurs éprouvés que Louis XVIII n'en avait pu rassembler dans sa retraite lointaine.

A la suite de la paix de Lunéville, le corps d'émi- Les autres

princes.

grés, commandé par le prince de Condé, avait été Singulière dissous; le duc de Berry s'était rendu à Naples, le duc négociation. d'Enghien était resté en Allemagne, et le prince de Condé, cédant au désir du roi d'Angleterre, avait cherché un asile dans le Royaume-Uni. Les émigrés, à l'exemple des princes, s'étaient dispersés dans toutes les contrées de l'Europe, aspirant à rentrer dans la patrie, et commençant à espérer un avenir moins douloureux. Le premier consul était assez mal jugé sous la tente de l'émigration pendant qu'un petit nombre d'hommes rêvaient encore la guerre civile ou des complots, l'immense majorité se disait que Bonaparte,

Avril 1802. comme un nouveau Monk, n'attendait qu'une occasion favorable pour rendre le trône aux successeurs de Henri IV, et pour échanger les faisceaux consulaires contre l'épée de connétable. D'autres plaçaient ailleurs leurs espérances. M. de Montlosier, l'un d'entre eux, eut pour mission d'offrir à Bonaparte, au nom de la noblesse de France, les moyens de se faire une souveraineté en Italie, à condition qu'il rétablirait les Bourbons sur le trône de leurs ancêtres. Le négociateur fut arrêté à Calais, conduit à Paris par des gendarmes, et enfermé au Temple. Il n'y séjourna que trente-six heures; mais Fouché lui intima l'ordre de retourner en Angleterre.

Préoccupations de

La France, tout entière aux choses qui s'accomplisBonaparte. saient sur son territoire, ne croyait plus à la possibilité du retour des princes de la famille exilée et plusieurs fois proscrite par les lois révolutionnaires : mais Bonaparte ne se faisait pas illusion; il savait que, du jour où la fortune lui deviendrait contraire, le principe de la légitimité se dresserait en face de lui. Comme il entrevoyait la fondation d'une quatrième dynastie, il savait que l'ancienne lui opposerait son drapeau; et il travaillait à isoler les Bourbons de la noblesse, à les laisser sur la terre étrangère sans courtisans, sans amis, sans armée. C'est dans ce but qu'il eut la pensée de rappeler les émigrés sur le territoire de la patrie.

Un sénatus

consulte

Un article de la constitution de l'an VIII s'opposait amnistic la à la réalisation de ce plan. Pour éluder cette difficulté, on eut recours au sénat, et on lui demanda de consacrer l'amnistie par un acte souverain, par l'un de

plupart des émigrés.

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