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anglais, s'ils estiment que cela puisse déterminer le cabinet de Saint-James à agir de concert avec la France, l'Autriche et la Bavière, ou du moins, à rester neutre. Il sera surtout bon de faire cette confidence au comte de Munster', plénipotentiaire hanovrien.

» Paris, le 25 octobre 1814.

» Signé: LOUIS.

>> Et plus bas:

>> Le ministre d'État, chargé par intérim du portefeuille des affaires étrangères,

» Signé: Le comte FRANÇOIS DE JAUCOURT. »

1. Ernest-Frédéric, comte de Munster, né à Osnabrück (Hanovre) en 1766, devint conseiller intime de l'électeur de Hanovre, roi d'Angleterre En 1797, il fut nommé ministre à Pétersbourg. Lorsque le Hanovre tomba aux mains de Napoléon, Munster se réfugia à Londres. Le roi George lui confia alors diverses missions diplomatiques importantes. En 1814, il représenta l'électorat de Hanovre au congrès de Vienne, et l'année suivante il fut mis à la tête du gouvernement hanovrien. Il resta en charge jusqu'en 1830, et mourut en 1841.

APPENDICE I'

Nous donnons ici sur la mission de M. de Vitrolles, en 1814, un récit fait par M. le duc de Dalberg. Ce document, écrit en entier de la main du duc, a été trouvé dans les papiers du prince de Talleyrand.

La mission de M. de Vitrolles au congrès de Châtillon ne fut conçue que dans un système d'information qu'on désirait recevoir à Paris sur le but final des alliés à l'égard de l'empereur.

Il n'existait à Paris ni plan ni conspiration contre l'empereur; mais la conviction était unanime que son pouvoir était miné par ses folies et ses extravagances, et que lui-même serait la victime de sa folle résistance et de son système de continuelle déception. L'inquiétude sur l'avenir était croissante.

Le baron Louis dit un jour à M. de Dalberg: « L'homme (en désignant l'empereur), est un cadavre, mais il ne pue pas encore; voilà le fait. » Les ennemis étaient alors à trente lieues de Paris.

On avait eu connaissance à Paris de propos tenus par l'empereur Alexandre à la grande-duchesse de Bade, des insinuations faites; par lui à Bernadotte et à Eugène de Beauharnais.

On soupçonnait les menées de Fouché avec la famille Murat dans le Midi, approchait le duc d'Angoulême; le duc de Berry intriguait en Bretagne; le comte d'Artois s'était rapproché de la frontière de l'Allemagne et se trouvait à Bale; des mouvements avaient eu lieu à Vesoul et à Troyes! On était tellement fatigué en France de l'excès du despotisme militaire de l'empereur, et on espérait si peu de concessions de sa part, qu'il importait de

1. Voir page 152.

connaître jusqu'où la crise amenée par lui entraînerait la France et l'Europe. Ce n'était plus une guerre ordinaire; les nations étaient en mouvement. Cette situation alarmait tous les esprits: de tous côtés, on cherchait la solution de cet état de choses.

On avait la communication des gazettes anglaises par M. Martin, commissaire de police à Boulogne, qui les envoyait à M. de Pradt. Dans les ministères de la guerre et des affaires étrangères, il avait été défendu de les communiquer, nommément à M. de Talleyrand.

Ce dernier désira connaître ce que les puissances alliées voulaient en dernier résultat. Il en parla à M. de Dalberg; l'avis de ce dernier était qu'on l'obtiendrait en envoyant quelque agent à M. de Stadion ou à M. de Nesselrode .

On fit choix de M. de Vitrolles, ami de M. Mollien et de M. d'Hauterive, homme à cette époque très prononcé pour les progrès des idées constitutionnelles sur lesquelles il avait écrit une très bonne brochure qu'il publia plus tard.

M. de Vitrolles partit; ses instructions se bornèrent à ceci : il devait aller à Châtillon, exposer à M. le comte de Stadion ou à M. de Nesselrode le danger qui existait pour tout le monde de ne rien prononcer de définitif, et revenir à Paris porter la réponse sur la question du maintien du pouvoir de l'empereur.

M. de Vitrolles, croyant avoir plus de facilités d'arriver à Châtillon par la route du nord et en tournant les armées, n'arriva à Châtillon que vers le 10 mars 1814.

Il se présenta chez M. de Stadion, et s'accrédita auprès de lui au moyen de deux noms tracés sur son album, de la main de M. de Dalberg (c'étaient les noms de deux dames qui étaient sœurs, et que l'écrivain et le lecteur avaient connues à Vienne).

Il déclara à M. de Stadion que l'état des esprits en France et les dispositions de plusieurs personnes désiraient un changement et des garanties législatives contre les violences et le caractère de l'empereur, qu'il était important de former un prompt arrangement pour que la guerre ne prit point une direction qui éloignât pour longtemps la paix.

M. de Stadion l'engagea à se rendre à Troyes où était le cabinet politique des alliés, et où se trouvaient les empereurs et le roi de Prusse.

Il partit avec un billet de M. de Stadion pour M. de Metternich. Celui-ci lui dit :

« Qu'il voulait, sans détour, lui faire connaître toute la pensée des puissances: qu'elles reconnaissaient que Bonaparte était un homme avec lequel il était impossible de continuer à traiter, que le jour où il avait des revers il paraissait accéder à tout, que lorsqu'il obtenait un léger succès, il revenait à des prétentions aussi exagérées qu'inadmissibles; qu'on voulait donc établir en France un autre souverain et régler les choses de manière que l'Autriche, la Russie et la France fussent des pays d'une égale force; que la Prusse devait rester une puissance moitié moins forte que chacune des trois autres; qu'à l'égard du nouveau souverain à établir en France, il n'était pas possible de penser aux Bourbons à cause du personnel de ces princes. »

Il faut dire ici que M. de Vitrolles avait pour système que la France et l'Europe ne seraient tranquilles que par le rétablissement de la maison de Bourbon, avec une charte qui garantirait la jouissance des libertés publiques à la France.

Il était lié avec madame Étienne de Durfort, et par elle il avait reçu, en partant, un mot pour M. le comte d'Artois qui pouvait le faire arriver à sa personne et en être traité avec confiance.

M. de Vitrolles vit M. de Nesselrode après avoir entretenu le prince de Metternich. Il en reçut à peu près les mêmes informations. On lui dit, en même temps, que rien ne pouvait empêcher les alliés d'agir uniformément et d'un commun accord jusqu'à ce que la paix générale fut arrêtée sur ces bases; qu'aucune intrigue ne serait écoutée.

Au bout de quelques jours, M. de Vitrolles sollicita de M. de Nesselrode pour être admis directement auprès de l'empereur de Russie. Le ministre lui dit qu'il y avait déjà pensé lui-même et que ce serait peut-être assez difficile; il obtint néanmoins pour M. de Vitrolles cette audience, en lui indiquant que M. de Vitrolles était en relation avec M. de Talleyrand, M. de Pradt, M. de Dalberg. L'empereur répéta à peu près les mêmes choses que les ministres i dit qu'il avait pensé d'abord à établir en France Bernadotte, ensuite à y placer Beauharnais; mais que différents motifs s'y opposaient; qu'au reste l'intention était surtout de consulter le vœu des Français eux-mêmes, et que même dans le

cas où ceux-ci voudraient se constituer en république on ne s'y opposerait peut-être pas.

L'empereur s'étendit plus encore que les plénipotentiaires sur l'impossibilité de penser aux Bourbons et sur le mal que les souverains avaient dit d'eux.

M. de Vitrolles (suivant lui) eut ici une inspiration subite, il invita l'empereur, au lieu de suivre les opérations ordinaires de la guerre, à marcher sur-le-champ à Paris; qu'il y jugerait de la disposition des esprits.

M. Pozzo di Borgo assure de son côté que c'est lui qui a déterminé l'empereur à cette marche, et des personnes informées m'ont dit que l'empereur avait prononcé qu'on ne déciderait rien avant de s'être concerté avec M. de Talleyrand, et qu'on eût pris ses avis sur l'avenir de la France.

M. de Vitrolles quittant l'empereur, celui-ci lui dit : « Mo: sieur, notre conversation d'aujourd'hui aura de gros résultats pour l'Europe; je pars demain en personne pour le quartier général. »

Il partit en effet le lendemain pour conférer avec le prince de Schwarzenberg.

Après la prise de Paris, M. de Nesselrode se rendit, le matin, chez M. de Talleyrand, où M. de Dalberg fut appelé. L'empereur entra à midi dans Paris et se logea chez M. de Talleyrand.

M. de Vitrolles vit également l'empereur d'Autriche, qui lui dit qu'il allait se rendre à Dijon, que l'empereur de Russie et le roi de Prusse prendraient à Paris le parti que les circonstances indiqueraient, et qu'il s'y rendrait après.

M. de Vitrolles, au lieu de retourner à Paris, se rendit auprès de Monsieur. Il apprit en chemin que Bonaparte avait eu quelques nouveaux succès, que les négociations à Châtillon en avaient ressenti l'effet, et que M. le comte d'Artois était à Nancy. Il y arriva le 23 mars.

Il ne donna aucune de ses nouvelles à Paris où il n'arriva que plusieurs jours après les alliés, et après avoir écrit à M. de Talleyrand une lettre au nom de Monsieur, qui blâmait que l'on cût laissé exprimer au sénat des voeux pour un régime constitutionnel.

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