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relèvent l'âme humaine, m'ont révélé quelques-unes de ces violences qui cherchaient à s'envelopper de ténèbres.

Malgré ces recherches, je le sais, le tableau ne sera pas complet. Et comment pourrait-il l'être? Tant de coups ont été frappés! Il y a eu tant de passions, tant de haines et tant de vices ligués contre le droit!

C'est aux républicains qui liront ces pages à me fournir les moyens de les compléter. Nous instruisons le procès du plus lâche despotisme qui ait jamais pesé sur un peuple hâtons-nous d'en recueillir les pièces à travers nos douleurs et nos blessures. Nous le devons à l'humanité, nous le devons à notre cause, nous le devons à cette justice providentielle qui suit de près les grands attentats, et qui se charge de rétablir l'équilibre dans le monde moral, lorsqu'il a été troublé par quelque entreprise sacrilége.

En attendant, voici un premier tableau des violences et des proscriptions qui viennent de décimer la République. Tous les noms des victimes n'y figurent pas sans doute; i en manque même un grand nombre,tant il est difficile de lever le voile qui couvre toutes ces infâmies! Mais l'Europe pourra toujours juger de l'étendue du crime.

Qu'ils se montrent avec orgueil, ces défenseurs tombés de la loi, ces nobles martyrs de la cause populaire ! Ils ont

pu être vaincus ou trahis. Un gouvernement inique et violent a pu les condamner à l'ostracisme. Ils n'en représentent pas moins le droit national dans sa grandeur et sa majesté. On leur a volé la Patrie physique, mais ils ont emporté dans l'exil la Patrie morale, c'est-à-dire le cœur même de la France.

Avec les proscrits doivent figurer les proscripteurs. Comment nommer les victimes sans citer les bourreaux? Il faut que chacun ait sa place et son rang dans ce recensement lugubre des proscriptions bonapartistes.

Levez-vous, apparaissez, licteurs du nouveau César. Que chacun de vous se montre avec ses œuvres. Vous n'avez pas tous joué le même rôle. Les uns ont rempli leur office dans le palais du maître ou dans son camp, sous les yeux de Rome asservie. Les autres, plus humbles ou plus obscurs, ont fait leur besogne au fond des provinces. Quelques-uns n'ont été que les instruments de ces proconsuls déchaînés sur toute la surface de l'Empire.

N'importe! vous êtes dignes les uns et les autres de figurer sur la même scène. Une place vous appartient à tous dans ce livre. Il ne faut pas que l'obscurité de la position en dérobe quelques-uns aux regards du public. Bourreau ou valet du bourreau, on mérite également d'être vu.

Montrez-vous donc, grands et petits serviteurs de ce làche Imperator, qui n'a jamais su triompher que de la loi montrez-vous à côté des citoyens que vous avez eu le courage de proscrire au nom de votre maître. C'est là votre place et je veux que vous la gardiez je veux que vous soyiez tous à votre poste. Je nommerai, si je le puis, jusqu'au dernier goujat de cet ignoble Vitellius, qui ravage et désole l'Empire, pour couvrir fastueusement ses viccs de la pourpre sanglante des Césars!

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« J'irai aux Tuileries ou à Vincennes, disait Louis Bonaparte à Bacciochi quelques jours après son avénement à la Présidence de la République. Ce mot, glissé dans l'oreille d'un complice, renfermait le coup d'État, les meurtres, les proscriptions et tous ces autres crimes qui devaient inaugurer un jour la dictature de l'ancien prisonnier de Ham.

Il y a des noms qui conspirent d'eux mêmes. Malheur aux peuples sur lesquels tombent ces noms chargés d'orages! Rien ne résiste à leur secousse. Ils ébranlent, ils

renversent, ils détruisent les lois, les institutions et les

gouvernements.

L'Élu du 10 décembre avait un de ces noms fatalement tournés contre les libertés publiques. Mais il était lui-même plus factieux que son nom. Le peuple, en le plaçant à la tête de la République, avait cru fonder une magistrature. C'était une conspiration qu'il portait au pouvoir. Le mandataire du suffrage universel, trompant la foi populaire, entrait en ennemi dans cette République, qui lui confiait aveuglement sa fortune.

Secondé par les royalistes qui avaient envahi l'Assemblée législative, Louis Bonaparte a commencé dès le premier jour à faire le siége de la Révolution. La plupart des conquêtes de Février sont tombées successivement sous les coups de la loi, transformée en instrument de guerre civile. Au milieu de ces ruines qui s'amoncelaient chaque jour, il ne restait guère debout que la tribune, cette dernière forteresse de la liberté. Mais la tribune elle-même était déjà battue en brèche par les amis du gouvernement. LouisBonaparte ne s'était pas contenté de la livrer à tous les outrages, à toutes les insultes, comme une borne de grand chemin. Il avait trouvé un autre moyen de la déshonorer. Il en avait fait, dans les derniers temps, une sorte de tréteau sur lequel il s'amusait à jeter les ministres les plus étranges qu'on eut jamais exposés sous les yeux d'une assemblée politique.

Il y te Dieu qui suffirait pour déshonorer le plus beau temple du monde. Que pouvait devenir la tribune, usurpée comme elle l'était, par les Thorigny, les Royer et les Daviel?

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