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Le décret, qui envoyait à Cayenne le représentant Greppo avec quatre de ses collègues, venait de paraître, quand la police se présente à son domicile et arrête brutalement sa femme. Une jeune fille d'environ douze ans restait seule et abandonnée au milieu de ces deux proscriptions, qui lui prenaient son père et sa mère. Madame Greppo n'est sortie de sa prison, c'est-à-dire de la cellule dans laquelle on la tenait au secret, qu'au moment où son mari quittait la France.

GUICHENÉ, journaliste.

GOUACHE, ancien gérant de la Réforme, ancien
commissaire de la République.

HETZEL, libraire, ancien chef du cabinet aux
Affaires étrangères.

JACOUBET, architecte, auteur de l'Atlas de Paris.

LERAY, rédacteur de la Presse.

MONGINOT, ex-sécrétaire du général Cavaignac.

MOREL, rédacteur du National.

MEUNIER, ARSENE, rédacteur de l'Echo des insti

tuteurs.

MARTINET, JULES, rédacteur de l'Ordre.

MADON, typographe.

NÉTRÉ, typographe.

OLIVIER, DEMOSTHENE, ancien Représentant du

Peuple.

RAGINEL, auteur d'un livre sur les Votes de la

Constituante.

RIGAUD, cordonnier.

SARRE, rédacteur de la Réforme et du Vote
Universel.

VI.

Paris avait nagé dans le sang et ses cadavres étaient à peine ensevelis, que le bonapartisme lui enlevait par la proscription une partie de ses habitants. Le même calcul, qui a dérobé à la conscience publique le chiffre des morts, lui a caché également celui des proscrits. Comme il y a loin de ces noms, recueillis au hasard dans les ténèbres de la persécution, à la liste complète des victimes que les agents de Louis Bonaparte ont recrutées pendant plus de trois mois pour Cayenne, pour l'Algérie ou pour d'autres exils!

Il ne s'agit pas ici de ces groupes d'ouvriers et d'artisans, de toute industrie, appartenant à quelques nations voisines, mais établis depuis longtemps dans la capitale et mêlés à tous les mouvements de la vie française. Que de vides la proscription n'a-t-elle pas faits dans leurs rangs! La France républicaine et libre était devenue pour eux une seconde patrie. La France bonapartiste et esclave les a repoussés de son sein, parce qu'ils n'étaient pas assez étrangers et qu'ils participaient trop à la vie nationale.

Il ne s'agit pas, non plus, de ces débris de nationalités, de peuples et d'empires, Italiens, Allemands, Hongrois ou Polonais, que le bonapartisme a trouvés dans Paris, comme dans la métropole du genre humain, et qu'il en a chassés lâchement après son crime, parce que le souffle divin de la liberté les y avait conduits dans leur naufrage.

Il ne s'agit pas, enfin, de cette masse de prolétaires qui ont été rejetés de la capitale et disséminés sur tous les points de la France, parce qu'ils s'étaient mèlés dans d'autres temps à quelqu'une de ces luttes où Paris seul s'est battu pour le monde.

Où trouver assez d'espace pour faire le dénombrement de toutes ces proscriptions, qui se confondent dans un immense ostracisme? Comment enregistrer tous ces noms, toutes ces existences, toutes ces destinées, dont la tempête s'empare en même temps et qu'elle disperse de tous les côtés, sans qu'il soit possible de suivre leur trace? Le bonapartisme pourrait seul déchirer le voile qui nous dérobe toutes ces douleurs, toutes ces iniquités.

C'est au bonapartisme aussi qu'il faudrait demander le tableau complet des déportations, des exils et des fuites, qui ont enlevé à Paris tant de citoyens dévoués à la cause de la République. Les souffrances de la famille, les confidences de l'amitié, des indiscrétions généreuses, quelques rares échos des pontons ou des casemates, plusieurs lettres funèbres de Cayenne, de Lambessa ou de quelque autre cimetière, ont révélé les noms d'un certain nombre de victimes. Mais combien d'autres sont ignorées!

Louis Bonaparte et ses complices, du sein de cette

terreur qui les protège, ont pu dire impunément qu'il n'y avait pas eu dans Paris quatre cents morts. Il leur a été bien plus facile de cacher le nombre des proscrits.

Aucun journal, aucune publication, aucun document officiel n'a livré à la France ce formidable secret. On le chercherait en vain dans les décisions du général Bertrand et de ses tribunaux militaires. La proscription avait plusieurs foyers. Elle frappait à la fois au ministère de la police, au ministère de l'intérieur, à la chancellerie, chez Maupas, chez Piétri, et jusque chez Fortoul. Il y a tel passe-port, qui couvrait un arrêt d'exil, dont le point de départ a été le ministère de l'instruction publique. Où trouver la trace de ces expulsions et de ces bannissements?

On avait tué à Paris, pendant les premiers jours de Décembre, comme on tuait naguère à Constantinople au nom des sultans, dans l'ombre et le silence. C'étaient des muets qui frappaient. Les bourreaux parlaient peut-être, mais le meurtre se taisait. On a proscrit dans le même silence et la même ombre. Il semble même que le second crime n'ait pas été content de l'obscurité du premier: car il s'est enveloppé de ténèbres plus épaisses.

LIVRE VII.

La proscription dans les départements voisins de

Paris.

I.

La main des exécuteurs, qui venaient de décimer Paris et sa banlieue, devait s'étendre partout autour de la capitale. Ainsi l'a voulu Louis Bonaparte.

Ces départements, qui environnent Paris et forment la première division militaire, ne pouvaient être abandonnés, comme les autres, aux caprices des administrations locales; leur position, leurs intérêts, des rapports de chaque jour les rattachent par des liens trop étroits au centre même du gouvernement. Il appartenait au général Bertrand et à

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