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trouvait là quelques membres de sa famille, c'est-à-dire une partie de lui-même. La proscription s'était évidemment trompée. Elle s'est hàtée de réparer son erreur, en repoussant Ayraud jusque dans la Charente. Cet internement, qui menaçait de devenir un voyage forcé à travers la France, était pire que l'exil. Ayraud s'est réfugié en Belgique. Il pouvait espérer plus que d'autres que la proscription ne F'atteindrait pas. C'est le gendre de Frédéric Degeorge, le secrétaire de l'Assemblée Constituante. Frédéric Degeorge avait été l'ami du prisonnier de Ham. Que de services ne lui a-t-il pas rendus pendant sa captivité ! Louis Bonaparte lui témoigne aujourd'hui sa reconnaissance, en poursuivant, comme un criminel, le mari de sa fille. On dit que le dictateur lisait avec plaisir, dans sa jeunesse, le Traité des Bienfaits. Sénèque a du malheur : il aura été deux fois le précepteur de Néron.

BARDIN, LEOPOLD, propriétaire.
BELLEGUISE, JULES, serrurier.
DEBASSEUX, charron.

La commission n'avait point frappé Debasseux. C'est le préfet, qui l'a chassé du département, parce qu'il avait voté, pour le Corps législatif, contre le candidat bonapartiste.

LEUEILLET, menuisier..

VANHENDE, CHARLES, professeur.

Quelques citoyens, qui avaient mal accueilli l'orgie du 2 Décembre, ont été renvoyés devant la police correctionnelle.

L'avocat Lebeau, membre du Conseil Général, a été compris dans cette odieuse poursuite. C'était l'honneur même conduit par les gendarmes sur la sellette des délits.

V.

SEINE-INFÉRIEURE

Membres de la Commission.

LEROY, Ernest, préfet.

GUDIN, général de brigade.

DAVIEL, procureur-général..

Parmi ces trois noms, qui se sont prostitués au bonapartisme, il en est un qui efface l'infamie des deux autres. C'est celui du procureur Daviel.

Quelques jours avant le coup d'État, Daviel était à l'Assemblée nationale, où Louis Bonaparte l'avait jeté comme gardedes-sceaux. C'était le masque de la bêtise loué par le crime.

Heureux et fier de son rôle, le nouveau ministre affectait le plus grand respect pour la loi. Il s'inclinait devant l'autorité du Parlement. Ce qu'il réclamait pour le pouvoir exécutif, c'était l'exercice de sa prérogative, qui lui inspirait les plus tendres complaintes. Le langage était ridicule et bouffon; mais il semblait honnête, tellement honnête, que la petite escouade bonapartiste,

répandue dans l'Assemblée, en jetait les hauts cris. L'un des chefs de la bande, celui qui se nomme le prince Murat, poussait l'indignation jusqu'à lui montrer publiquement son poing, deux fois digne d'un héros d'Homère. Ce n'était pas l'orateur qu'il menaçait. Qu'avait-il à faire avec l'éloquence? II insultait le citoyen, l'ami de la loi, le ministre probe et loyal, qui rendait un hommage public et solennel à la souveraineté du peuple et à ses mandataires.

Le coup d'Etat s'exécute. Daviel assiste, comme un spectateur indifférent, à la ruine des lois dont la garde lui a été confiée; il assiste à la chute et à la dispersion de l'Assemblée nationale; il assiste à l'égorgement des citoyens.

Puis, il court reprendre à Rouen son siége de procureur-général, pour frapper et proscrire les républicains, qui ne s'inclinent pas de bonne grâce devant la dictature sanglante du 2 Décembre. Les meilleurs valets sont ceux qui changent de rôle selon les désirs du maître.

Daviel n'était guère connu, avant son ministère, que par un ouvrage sur les Cours d'eau. Il avait pris le côté champêtre et pastoral de la jurisprudence. C'est un bourreau, qui a passé par l'églogue. Seulement, il entend l'églogue à sa manière.

CONDAMNÉS

Au bannissement à temps ou à vie.

BACHELET, ancien avoué.

DE BOUTEVILLE, propriétaire.

CARON, peintre en bâtiments.

CHESNÉE, ancien commerçant.

DUBOC, marchand.

GAFFNEY, rédacteur en chef du Journal du Havre.

Le Journal du Havre avait signalé le premier les infâmes spéculations que couvrait la Loterie des lingots d'or. Il'avait, de plus, initié le public au secret de cette conférence dans laquelle l'auteur de l'Histoire du Consulat avait dit à quelques négociants du Havre, qui le consultaient sur l'élection du prisonnier de Ham: » Élire Louis Bonaparte! Ce serait déshonorer la France. » Deux souvenirs importuns, deux crimes, qui devaient être expiés. Gaffney a été sacrifié à cette double rancune.

LEBALLEUR-VILLIERS, fils du Conseiller.
SALVA, marchand.

VOISEL, négociant.

Mme Voisel a été bannie en même temps que son époux. Louis Bonaparte aurait pu la faire égorger. Il se contente de la bannir. Il doit se croire généreux. Tibère, apprenant la mort d'une romaine, se vantait hautement de ne l'avoir fait ni étrangler, ni jeter aux gémonies.

LIVRE IX.

La proscription dans les départements de l'Est.

I.

Le patriotisme des populations de l'Est, qui fournirent toujours des défenseurs à la liberté, devait exciter les fureurs de la dictature bonapartiste et de ses partisans. Il y avait là un foyer de républicanisme. La proscription va en faire une arène de guerre civile.

Ses violences ne se font pas sentir également partout. Elle n'atteint que légèrement la Haute-Marne, la Moselle, la Meuse et le Bas-Rhin.

Les Ardennes, la Côte-d'Or, le Jura, la Meurthe et les Vosges sontfrappés avec plus de rigueur.

Mais c'est le département de Saône-et-Loire, qui subit la plus cruelle épreuve. Comment le pouvoir de l'usurpateur n'aurait-il pas pesé de tout son poids sur ces villes de Macon et de Châlons, qui étaient entrées si résolument dans

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