Page images
PDF
EPUB

Voilà l'autorité royale établie par l'ordre de Dieu, sans qu'il paroisse aucune autre dépendance que celle qu'elle a de l'autorité divine. Il n'y a que le Seigneur dont elle relève.

Voici encore comme parle le même prophète, après avoir justifié devant le peuple la conduite qu'il en avoit eue pendant qu'il le gouvernoit en qualité de juge: Voilà votre roi que vous avez choisi, que vous avez demandé. Le Seigneur vous a donné un roi. Si vous craignez le Seigneur, si vous le servez, si vous entendez sa voix, et si vous ne l'aigrissez point contre vous, vous et votre roi suivrez le Seigneur.

En tout cela, Messeigneurs, il ne nous paroît autre chose, sinon que c'étoit Dieu qui avoit établi le roi; qu'il allioit son autorité divine à l'autorité royale, et qu'on ne sauroit ne pas obéir au roi sans désobéir à Dieu même. Saäl est réprouvé pour les raisons que vous savez, Messeigneurs ; David est choisi de Dieu pour avoir sa couronne ; Samuel signifie à ce prince l'arrêt que le Seigneur avoit prononcé contre lui cependant David et Samuel continuent de lui rendre les respects qui sont dus à la royauté. David ensuite en est injustement persécuté; Saül fait mourir, à cause de lui,

:

[ocr errors]

quatre-vingt-cinq prêtres du Seigneur : il pouvoit s'en venger, et il eut deux occasions de le perdre; ceux qui l'accompagnoient étoient d'avis qu'il se défit de ce redoutable et injuste ennemi: cependant, Dieu me garde, dit-il en la première de ces deux occasions, de mettre la main sur l'oint du Seigneur; et dans la seconde rencontre, Abisaï voulant venger David, ce prince l'en empêcha, en lui disant : Ne le faites pas mourir, car qui est-ce qui peut porter sa main sur l'oint du Seigneur, et conserver son innocence? En l'une et en l'autre de ces deux occasions, vous savez, Messeigneurs, avec quelle douceur, quelle humilité et quelle tendresse même il lui parla.

Si un rebelle aux ordres de Dieu, un réprouvé reconnu pour tel, persécuteur d'un prince qui étoit selon le cœur du Seigneur, étoit si considéré de ce roi prophète, ne pouvons-nous pas conclure que les personnes des rois sont sacrées, leur autorité inviolable et qu'elles ne doivent jamais être touchées de qui que ce soit : Nolite tangere Christos meos?

Nous en avons un autre exemple admirable, en ce que fit David à cet Amalécite qui lui apporta la nouvelle de Saül son ennemi, qu'il lui dit avoir tué lui-même. L'Amalécite

croyoit dire une chose très-agréable à David ; cependant ce saint roi le condamna sur l'heure à la mort, et il fit la même chose à celui qui lui annonça qu'il avoit fait mourir Isboseth, quoique ce fils de Saül eût usurpé la plus grande partie du royaume. Dieu inspira à David de venger ainsi la majesté royale en faveur même des princes les plus injustes`, pour imprimer dans l'esprit de la postérité la vénération qui est due à la qualité de roi.

Le Seigneur témoigne bien qu'il veut que l'on respecte la royauté, puisqu'il a quelquefois commandé qu'on honorât les usurpateurs même infidèles. Nous le voyons en ce qu'il ordonna en faveur de Nabuchodonosor, de Darius et de Cyrus. Il leur donna même des noms d'estime et d'amour; il les appela pasteurs, les exécuteurs de ses volontés, ses oints, ses serviteurs. Ce n'est pas qu'il approuve la tyrannie ou qu'il justifie l'usurpation, et que souvent sa providence ne venge les innocens de l'injustice des mauvais princes; mais cependant la majesté royale est si vénérable par ellemême, que l'ombre seule en doit être respectée.

Daniel est exposé aux lions par Darius: c'est une extrême cruauté. Quand Dieu l'a préservé de ces bêtes farouches, il parle au roi avec

une humilité et une douceur aussi grande que s'il en avoit reçu des faveurs. Vivez à jamais, ó grand roi! lui dit-il ; il proteste qu'il n'a rien fait contre ce prince, et qu'il ne se sent coupable d'aucun crime à son égard. Il auroit cru être criminel, s'il s'étoit soulevé contre l'autorité royale, lors même qu'elle étoit exercée avec injustice et inhumanité.

Enfin, tout l'ancien Testament, vous le savez, Messeigneurs, est rempli de témoignages des honneurs, des respects et de l'obéissance que Dieu commande que l'on rende aux Rois, où il n'a jamais voulu que ceux qu'il avoit établis pour traiter les choses saintes, se donnassent aucune autorité sur les couronnes.

Ce qui a été ordonné dans la loi de Moise, l'est encore bien plus clairement dans celle de Jésus-Christ.

Les ministres que Notre-Seigneur a préposés pour gouverner son Eglise, sont revêtus de son sacerdoce, et n'ont d'autorité que celle qu'il s'est voulu donner à lui-même étant sur la terre; je dis qu'il s'est voulu donner, car étant Dieu, il étoit le maître de toute la nature. Ayant voulu s'assujétir à nos foiblesses, et s'étant anéanti pour nous, il a aussi resserré sa puissance, quant à son exercice, dans les

bornes qu'il s'est prescrites, et que, selon ses décrets éternels, il n'a pas outre-passées. Il naquit en obéissant à l'édit de l'Empereur Auguste, qui avoit ordonné de faire le dénombrement de toutes les familles de l'Empire Romain.

Les Juifs voulant un jour le surprendre, pour le rendre criminel devant l'Empereur, il les confondit en leur disant qu'ils devoient rendre à César ce qui appartient à César. II avoit avant cela lui-même payé le tribut, et n'ayant point d'argent, il fit un miracle pour s'en acquitter.

[ocr errors]

Etant à la fin de sa vie, il proteste qu'encore qu'il ne tienne qu'à lui d'avoir des légions d'anges à son service, son royaume n'est pas de ce monde. Avant cette déclaration, instruisant ses disciples, il leur avoit ordonné de s'éloigner de l'esprit de domination Reges gentium dominantur eorum, vos autem non sic.

C'est pourquoi les apôtres étant remplis de ces maximes si saintes, enseignent avec tant de fermeté que tout homme doit être soumis aux puissances; que quiconque résiste à l'autorité, résiste à l'ordre de Dieu méme; qu'il faut payer les impôts et les tributs à qui ils appartiennent; qu'il faut être sujet du

« PreviousContinue »