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'de la religion. Il ne s'agit pas seulement aujourd'hui de montrer, en général, que ceux qui meurent pour la Foi sont des Martyrs; mais, dans la spéciale circonstance dont il est question, il faut montrer aussi, 1o. que ceux que nous avons vu périr pour la religion de nos pères sur les échafauds, sous le plomb des fusillades, au milieu d'impies émeutes populaires, dans les prisons, aux lieux sauvages des déportations, et même encore dans leur paisible domicile, par suite de tourmens quelconques endurés pour la religion, sont de vrais Martyrs, dans le sens même du langage de l'Eglise; 2°. que l'on ne doit pas regarder comme tels ceux qui ont péri pour une cause politique, même juste et honorable, fussent-ils morts avec les plus héroïques sentimens de piété, et comme des saints, dignes de la couronne de justice.

Si nous voulions nous en tenir à des preuves générales, ces deux propositions seroient bientôt démontrées par les témoignages des SS. Pères, et seulement par ceux de saint Jérôme et de saint Augustin. «< Tous les chrétiens qui sont enchaînés, emprisonnés, disoit le premier, ne sont pas des captifs de Jésus-Christ; mais ils le sont véritablement, ceux que l'on enchaîne et que l'on emprisonne pour le nom de Jésus-Christ et pour la confession de sa Foi: il n'y a que le sang répandu pour le nom de Jésus-Christ qui fasse un Martyr (1). » Saint Augustin, encore plus précis sur ce point, dit positivement : « Ce n'est pas la peine qui fait le Martyre; c'est la cause pour laquelle on l'endure : et cette cause ne peut être que celle de Jésus-Christ (2). »

(1) Non omnis autem qui vinctus est, vinctus est Christi : sed quicunque pro Christi nomine et pro ejus confessione vincitur, ille verè vinctus dicitur Jesu Christi; et sanguis effusus is tantùm martyrem facit, qui pro Christi nomine funditur. (Expositió in epist. ad Philemonem.)

(2) Martyrem non pæna facit, sed causa: pœna enim la

§. Ier.

Mais il convient d'entrer dans quelques détails pour l'application de ces maximes, surtout en ce qui concerne notre première proposition, parce qu'il importe de prouver, 1o. 1o. que la persécution en France, dans les trois phases différentes sous lesquelles elle s'est produite successivement, a eu le caractère des trois principales persécutions qui donnèrent à l'Eglise tant de Martyrs dans les premiers siècles (1); 2°. que tous ceux qui ont souffert et sont morts pour la cause de la religion, de quelque manière que ce soit, sous l'une ou l'autre de ces trois phases de la persécution française, peuvent seuls avoir, aux yeux de l'Eglise, la même gloire que les héroïques et saintes victimes de l'une ou de l'autre des trois grandes persécutions de la primitive Eglise.

troni et Martyri communis est. (Serm. 2, in psalm. 24. --- Epist. 204, no 4, etc. etc.)

(1) Que les hommes initiés dans les ténébreux mystères de certains Conseils à ces diverses époques, n'en prennent pas occasion de nous taxer d'ignorance sur les invisibles ressorts qui, souvent de loin, firent mouvoir ici les acteurs de ces tragiques catastrophes, dont encore la plupart de ceux-ci n'avoient point le secret et ne savoient pas le but politique. Ces mots-là seuls doivent faire comprendre que nous aussi nous connoissons d'autres causes motrices que celles dont s'accusent réciproquement, dans leur aveugle haine, les différentes sectes par chacune desquelles est conduit en particulier l'esprit de chacune des portions de ce vulgaire qui ne sait voir que ce qui le frappe, et comprendre que ce qui le passionne; de ce vulgaire qui, d'autant plus frappé, qu'il est plus ému, sait d'autant moins voir au-delà. Plusieurs des sectaires ont sans doute servi d'instrumens, et les acteurs eux-mêmes en général ont été des moyens; mais ils n'étoient pas toujours la force motrice première. Cependant, comme ces acteurs et surtout les principaux d'entre eux furent réellement par leur conduite, comme par leurs systèmes dans lesquels s'engrénoit la force excitatrice, de véritables chefs de persécution, il suffit à notre thèse qu'ils aient été au premier rang des persécuteurs, et qu'ils aient agi en vertu d'une haine personnelle bien connue contre la religion et ses ministres.

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I. Ce ne pouvoit être par l'imitation de la première de ces persécutions, de celle des Empereurs païens contre le christianisme naissant, que la persécution moderne devoit commencer en France, où il étoit protégé par un Roi catholique, et passoit pour être la religion de tous les Français. Les attentats du paganisme contre les enfans de l'Eglise ne pouvoient se renouveler qu'après que la France auroit été subjuguée par de nouveaux idolâtres, non moins furieux que les Domitien, les Dioclétien, etc. C'étoit avec les ruses de l'arianisme, en s'efforçant de corrompre la Foi, et en se ménageant, dans la résistance des Athanase, beaucoup de prétextes de persécution, que l'impiété, une fois arrivée à partager l'autorité publique, pouvoit débuter dans l'exécution de son plan infernal. Et lorsqu'ensuite, après avoir fait succéder brutalement, et sans aucune réserve, à cette première persécution, la tyrannie de l'athéisme avec l'idolâtrie de la déesse Raison, et toutes les atrocités des préfets et des bourreaux du paganisme, l'impiété verroit la nation entière, soulevée contre tant de barbarie, y prescrire un terme, elle ne pourroit que se retrancher dans les perfidies de Julien l'Apostat. Il n'y auroit donc rien eu de nouveau, qu'une interversion d'ordre, obligée par l'état des choses, dans les trois phases par lesquelles la persécution en France a imité tour à tour, depuis 1790 jusqu'à l'an 1793, celle des Ariens (1); ensuite au 20 juin de cette dernière année, et notamment le 19 novembre 1793, celle des Païens (2); enfin, depuis le 27 juillet

(1) Temps de la Constitution civile du Clergé.

(2) Le 9 juillet 1793, il fut déclaré, dans la convention : « que >> le peuple François ne connoissoit pas d'autre culte que celui de la » liberté et de l'égalité. » Et le 10 novembre suivant, se firent des fêtes de la Raison, où d'impures idoles vivantes furent placées avec pompe sur l'autel de la cathédrale de Paris. (Voy. Monit. du 13.)

1794 (1), la cruelle autant qu'hypocrite tolérance de Julien.

De pareilles ressemblances nous dispensent de la tâche pénible de faire une description particulière de ces trois formes successives de notre persécution générale, pour les comparer aux trois principales tourmentes de l'Eglise dans ses premiers siècles. Ce que les SS. Pères qui furent les témoins de celles-ci en ont raconté, devient la peinture exacte de ce que nous avons vu : nous n'avons besoin que de les copier.

Et d'abord, les premiers ravages occasionnés dans l'Eglise de Dieu par suite de cette perfide loi, qu'on appeloit Constitution civile du Clergé, se trouvent décrits dans les diverses lettres où saint Basile-le-Grand racontoit les persécutions des Ariens en Orient.

« Nos persécuteurs, disoit-il, ne nous haïssent pas moins que les païens ne haïssoient nos pères. Mais, pour séduire la multitude, ils se parent du nom de Jésus-Christ, afin que celui qui souffre leurs persécutions n'ait pas la consolation de le faire contribuer à la gloire de ses souffrances; afin que les simples, qui sont toujours en grand nombre, voyant que nos ennemis conservent le même culte extérieur que nous, ne croient point que nous souffrons pour la défense de la vérité, et ne voient pas en nous des Martyrs dont la Foi puisse les édifier (2). Cependant la doctrine de nos pères est ravagée; et il en résulte de fréquens naufrages dans les choses de la Foi. Le peuple qui veut y rester fidèle est

(1) Autrement dit le 9 thermidor, jour de la mort de Robespierre, où la persécution ne fit que changer de masque et de système. (2) Qui verò non prodierunt persecutores, oderunt quidem nos æque ac illi (Pagani), sed ad multorum deceptionem, Christi ostendunt nomen, ut ne confessionis quidem solatium habeant qui vexantur: multis ac simplicibus injuriam quidem nobis fieri fatentibus, ut in martyrii loco nobis mortem pro veritate toleratam non adscribentibus. (Epist. 257: ad Monachos ab Arianis vexatos. )

chassé des maisons de prière, et réduit à ne pouvoir plus lever les mains vers le Dieu du ciel que dans la solitude et les déserts (1). Les pasteurs mêmes sont expulsés, afin que le bercail se disperse; et le prétendu crime qu'on poursuit en nous avec tant de fureur, c'est uniquement notre soin à garder inviolablement les traditions de nos pères. Voilà pourquoi l'on nous exile de la patrie, sans aucun égard pour la vieillesse, sans nul respect pour les plus sublimes vertus, ni pour une vie passée depuis la jeunesse jusqu'à l'âge avancé dans la pratique de l'Evangile. Si nous demeurons, il faut nécessairement, ou que nous souscrivions aux hérésies des novateurs, ou que nous devenions la proie des supplices (2). »

Le tableau qu'on pourroit tracer de la seconde époque de notre persécution ne différeroit de celui que les Tertullien, les Cyprien, les Eusèbe, les Lactance, les Jérôme nous ont laissé de la barbarie des païens envers les chrétiens, que parce que les païens eurent des prétextes moins insensés. Ils avoient encore une sorte d'excuse dans l'habitude du culte antique de leurs idoles, presque généralement adorées dans le monde connu : au lieu que celles de nos persécuteurs modernes, impro

(1) Patrum vastatur doctrina: naufragia circà fidem crebra: silent piorum ora: populus, à precationis ædibus abactus, sub dio ad Dominum qui in cælis est manus attollit. (Epist. 164: ad Ascolium, episcopum Thessalonicæ).

(2) Abiguntur pastores ut greges dispergantur; et, quod gravissimum est, nec qui vexantur, mala in martyrii fiducia perferunt, neque plebs in Martyrum loco athletas colit, quia christianorum nomine persequutores ornati sunt. Unum crimen, quod nunc vehementer punitur, accurata custodia paternarum traditionum. Eam ob causam expelluntur pii, et in desertas regiones transferuntur. Non canities apud judices iniquitatis reverentiam habet; non exercitatio pietatis; non vita secundùm Evangelium à juventute ad senectam usque transacta..... necesse enim est aut imaginem adorare, aut pravæ flammæ tradi. (Epist. 243: ad Episcopos italos et gallos.)

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