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nel Saladin (1), le 23 prairial (1 1 juin); car ce conventionnel a compté quarante-cinq jours depuis celui de cette retraite, jusqu'au 9 thermidor (27 juillet), où Roberspierre fut abattu; et il faisoit observer, à cette occasion, « que le nombre des victimes envoyées par le comité au tribunal, et de là à l'échafaud, dans cet intervalle, fut de 1286 (ou 1283), tandis que, dans les quarante-cinq jours précédens, il n'avoit été que de 577 (2)».

A cette observation nous en ajouterons une plus importante encore, en ce qui concerne les victimes sacrées, dignes d'êtres mises au rang des Martyrs; c'est que, depuis l'installation du tribunal dantoniste -chaumetiste du 26 septembre, faite le 2 octobre, jusqu'au désarmement des factions de ce nom, le 9 germinal (29 mars 1794), sur 445 victimes qu'il avoit fait périr, il y avoit eu 35 prêtres, tant assermentés qu'inassermentés, ou autres personnes condamnées pour cause de religion, c'est-à-dire plus d'un douzième du nombre total; que, depuis le 9 germinal, où la faction athéiste avoit été vaincue par Roberspierre, jusqu'au 22 prairial, sur 816 victimes, on en compta seulement 55 qui appartinssent aux mêmes classes, c'est-à-dire moins d'un quinzième; que, le 22 et le 23 prairial, il n'y en eut aucune de ce genre parmi les 35 personnes condamnées ces deux jours-là; que ce fut seulement le 24 prairial que recommença, mais avec une certaině réserve, l'immolation des prêtres ou personnes vouées à la piété ; et qu'à mesure qu'on avança vers le 9 thermidor, ces immolations se multiplièrent d'une manière atro

(1) Rapport au nom de la commission des Vingt-Un pour l'examen de la conduite de Billaud-Varennes, Collot-d'Herbois, membres de l'ancien comité de salut public, et Vadier, membre de l'ancien comité de sûreté générale, fait à la Convention le 12 ventose un III (1er mars 1796). On trouve à la vérité dans le Moniteur la copie d'un des arrêtés de ce comité, en date du 27 prairial, où, parmi les signatures, se lisent celles de Roberspierre et de Couthon; mais elles n'y sont que les dernières ; et l'arrêté n'est relatif qu'à des subsistances. (3) Ibid., pag. 100.

cement sacrilége (1), au point que, sur les 1283 victimes de ces quarante-cinq jours, il y en eut 118, soit prêtres, soit religieuses, c'est-à-dire près d'un onzième, dont la mort fut toute entière l'œuvre de ce comité de salut public (2)

(1) Ce fut notamment le 29 messidor, dix jours seulement avant la défaite de Roberspierre, sur lequel il acquéroit de plus en plus de l'avantage, que le comité de salut public fit égorger les seize carmélites de Compiegne (voyez M. C. C. BRARD), et quatre autres individus regardés comme complices de leur sainte croyance. (Voy. J. B. BROYAT.) Le jour même où Roberspierre fut renversé, le comité fit tomber encore la tête de deux prêtres catholiques sur l'échafaud. (Voy. A. G. BEAUREGARD et P. C. BERNARD.) Ce fut aussi depuis la fin de prairial qu'on vit les sciences et les lettres devenir des titres de proscription pour ceux qui les cultivoient, que la jeunesse la plus touchante et la vieillesse la plus respectable furent également traînées à l'échafaud. A cette époque s'appliqua plus particulièrement ce que Lactance avoit dit des persécutions de Galère : Litteræ autem inter malas artes habitæ ; et qui eas noverant, pro inimicis hostibusque protriti et execrati.... filii adversus parentes suspendebantur, fidelissimi quique servi contra dominos vexabantur, uxores adversus maritos.... nulla cetatis, valetudinis excusatio: ægri et debiles deferebantur.... Luctu et mæstitiá plena omnia. (De Mortibus Persecutorum, n° 22 et 23.)

(2) « Quand l'on considère, dit M. de Proussinalle (Histoire secrète du Tribunal Révolutionnaire de Paris, tom. II, pag. 209), que pendant les quarante-cinq jours où Roberspierre ne parut pas aux comités du gouvernement, ils envoyèrent à la mort sept cent neuf personnes de plus que dans les quarante-cinq jours qui avoient précédé ; lorsqu'on réfléchit qu'on avoit pris, en l'absence de Roberspierre, des mesures pour porter le tribunal révolutionnaire, de sa salle ordinaire, dans l'immense salle des Pas-Perdus du palais de Justice; qu'on faisoit un aqueduc pour recevoir et conduire à la rivière le sang des victimes; qu'on creusoit dans les carrières pour qu'elles engloutissent plus de cadavres ; qu'enfin, l'on faisoit dans les prisons des excavations sous prétexte d'y pratiquer des fosses d'aisance, et que la crainte des prisonniers étoit de périr dans un massacre général; lorsqu'on réfléchit que tout cela se faisoit sans la participation de Roberspierre, et même à son insu, l'on est forcé de convenir que les Vadier, les Billaud-Varennes, etc., etc. » Nous tenons immédiatement d'un particulier qui, sous peine de perdre la vie, fut obligé de servir le comité de sûreté générale, où il eut le bonheur de faire effacer des listes de mort vingt à vingt-cinq personnes, que ces listes étoient faites principalement par ce Vadier, qui, dans la séance de la Convention du 29 floréal (18 mai), disoit hautement «< qu'on n'auroit de tranquillité que lorsqu'il n'y auroit plus de prêtres sur le territoire de la république ».

Jurés.

Antonelle, ex-député des Bouches-du-Rhône à l'Assemblée Législative; Benoîtrais, de la section du Muséum; Servière, cordonnier de la même section; Fauvetty, fils, de la ville d'Uzès; Lumière, membre du comité révolutionnaire de la section du Muséum; Fauvel, de la section du Panthéon; Auvray, employé aux diligences; Fainot, électeur de Paris; Gauthier (de ChèneChenu, département d'Eure et Loir); Renard, de la section du Contrat-Social; Renaudin, luthier, section des Gardes-Françaises; Meyère, membre du directoire de l'administration du

Jurés.

Renaudin, Benoîtrais, Fauvetty, Lumière, Fenaux, Gauvetty, Lumière, Fenaux, Gauthier, Meyère, Châtelet, PetitTreissin, Trinchard, TopinoLebrun, Pijot, Girard, Presselin, Didier, Villate, Laporte,' Gannay, Brochet, Aubry, Gemont, Prieur, Duplay, Devèze, Desboisseaux, Nicolas, Gravier, Billon, Subleyras, Laveyron l'aîné, cultivateur à Creteil ; Fillon, fabricant à Lyon; Potherel (de Châlons-sur-Saône); Mussion, cordonnier à Lyon; Marhel, artiste; Laurent, membre du comité révolutionnaire de la section des Piques; Villers, rue Caumartin; Moulin, section de la République; Deprau, artiste, rue du Sentier; Emmery, m' chapelier à Lyon; Lafontaine, de la section du Muséum; Blachol, payeur général à l'armée des Pyrénées Orientales; Debeaux, greffier au tribunal du district de Valence; Gouillier, administrateur du district de Béthune; Dereys, section de la Montagne; Duquenel, du comité révolutionnaire de Lorient; Hannoyer, idem; Butins, section de la République; Pechet, faubourg Saint-Honoré, n° 169; et Nierguin, du comité de surveillance de Mirecourt ».

département du Gard; Châtelet, peintre, section des Piques; Clémence, commis aux assignats; Gérard, artiste, rue des Poulies, près du Muséum; Fiévé, du comité révolutionnaire de la section du Muséum; Léonard Petit-Treissin (de Marseille); Trinchard, de la section du Muséum; TopinoLebrun (de Marseille); Pijot, membre du comité de surveillance, rue Contrescarpe; Girard, orfèvre, rue St.-Honoré; Fouberbiel, chirurgien, rue S.-Honoré; Presselin, tailleur d'habits, rue du Rempart-Saint-Honoré; Deydier, serrurier, à Choisy-surSeine; Sambat, peintre; Villate, rue du Bac; Klispis, jouaillier, rue Saint-Louis, au Palais; Crestien, limonadier, place des Italiens; Leroy, déjà juré; Thoumin, idem; Laporte, administrateur du district de Lacey; Ganney, déjà juré; Jourdeuil, idem; Broehet, idem; Garnier, section de

Ce tribunal dut se diviser par

la Montagne; Martin, chirurgien, rue de Savoie; Guermeur, du département du Finistère; Dufour, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie; Mercier, rue du Battoir; Aubry, tailleur, rue Mazarine; Compagne, orfèvre; Billon, menuisier, rue du faubourg Saint-Denis; Gimon, tailleur, section des Marchés; Baron, chapelier, Cour du Commerce; Prieur, peintre, près la porte Saint-Denis; Lonier, m3 épicier, section du Théâtre Français; Duplay, père, menuisier, rue Saint-Honoré; Devèze, charpentier; Boissot, électeur de Paris; Maupin, idem; Camus, artiste, faubourg Saint-Denis; F.-V. Aigoin (de Montpellier); Picard, ex-président de la section des Tuileries; Nicolas, imprimeur du tribunal; Dumon, laboureur, à Cahors; Besson, envoyé des assemblées de SaintDizier; Gravier, vinaigrier à Lyon; Payan, du département de la Drôme, employé au comité de salut public de la Convention; Gillibert, négociant à Toulouse ; Becu, médecin à Lille ».

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Parmi eux, comme parmi les juges, on en revoit plusieurs du tribunal précédent. Ils avoient bien servi Roberspierre dans la

condamnation de Danton, Hébert, Chaumet, etc. En écartant ceux qui leur étoient exclusivement dévoués, et y laissant quelques métis, il crut qu'en leur adjoignant de ses créatures, il auroit dans cette fusion, une majorité d'hommes sur lesquels il pourroit compter.

Mais, pour reposer nos yeux sur un tableau plus analogue au point de vue sous lequel nous considérons les victimes dont les noms sont consignés dans le présent Martyrologe, contemplons-les, soit dans la prison du tribunal, soit devant les juges. Quelle ferveur de piété ! quelle paix de conscience ! quelle fermeté de Foi ! quelle vive confiance en Dieu ! Un incrédule qui, enfermé pendant six mois pour cause politique dans cette prison, y vit un grand nombre de ces victimes avant qu'elles montassent au tribunal, ne put s'empêcher de leur payer un tribut d'admiration dans l'Almanach des Prisons pour l'an III de la République (commençant le

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