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22 septembre 1794). Il y disoit en son langage profane : « J'ai vu des curés respectables qui avoient exercé dans leur village des actes de vertu et de bienfaisance, récitant leur bréviaire sans distraction, et ne manquant à aucun de leurs pieux exercices avant de se coucher. Ils me parloient des miracles du Christ, etc. etc. J'ai vu des cultivateurs dire leurs prières matin et soir, se recommander à la bonne Vierge Marie, ne voulant pas entendre parler du curé intrus, et regrettant les messes, les sermons et les prônes du curé réfractaire.» Eh! pourquoi sa vanité philosophique l'a-t-elle empêché d'avouer les conversions éclatantes qui furent le résultat du spectacle de tant de vertus? Peu digne d'être initié dans les colloques de ces prêtres et de ces chrétiens entre eux, il n'a pas su qu'ils se disoient réciproquement ce que saint Cyprien écrivoit au pape saint Corneille : «< Puisque nous sommes avertis que le jour de notre combat approche, appliquons-nous sans cesse avec tout le peuple aux jeûnes, aux veilles et aux prières. Souvenons-nous les uns des autres; et, qui que ce soit d'entre nous qui sorte d'ici le premier par la grâce de Dieu, qu'il sache que notre charité continue auprès de lui, et que nos prières ne cessent point pour ceux de nos frères qui marchent au martyre (1) ».

Dirons-nous avec quel courage plein de Foi ils comparoissoient devant les juges? On le verra dans les articles de plusieurs d'entre eux, d'après lesquels on pourra juger des autres. Il doit nous suffire d'observer ici que leur sérénité, leur résignation, accompagnées de fermeté, déconcertoient les juges et les jurés. Un de ceux-ci qu'elle mettoit en fureur, disoit à ses co-jurés : « A la place de l'accusateur public, je ferois saigner les accusés avant leur exécution, pour affoiblir leur maintien insolent»; et ses co-jurés applaudissoient à cette idée (2).

(1) Exhort. ad martyrium, Epist. LIX, aliàs LX.

(2) Prudhomme, Hist. des Crimes de la Révolution, tom. V, pag. 361.Proussinalle, Hist. secrète du Tribunal révolutionnaire, tom. II, pag. 179.

S. III.

Tribunal révolutionnaire de la faction THERMIDORIENNE, créé les 22 et 23 thermidor an II (9 et 10 août 1794).

La Convention, en le formant, eut bien soin de lui défendre de juger, d'après la loi du 22 prairial, dirigée contre les Dantonistes, et de lui ordonner d'agir d'après son organisation antérieure du 10 mars 1793, en suivant toutes les lois sanguinaires portées jusqu'à l'époque de ce 22 prairial (1).

(1) Tribunal révolutionnaire de la faction THERMIDORIENNE (Dantoniste).

N. B. Tous ceux qui sont marqués d'une ⋆ avoient été des Tribunaux révolutionnaires Dantonistes. Président: Dopsent *. Accusateur public: Leblois. Substituts: Bordet, Couturier, Granger, Petit, Sembauzel (d'Agen). Vice-présidens et juges : Bravetz* (de Liége), Abrial, Bido, Denizot*, Dujoux (d'Aurillac), Dumoulin, Forestier, Godinet, Gau, Gourmeaux, Hardouin *, Jaly, Lafond, Lavallé (de Dammartin), Laplante, Maire *, Meyère *, Perrin, Poulnot, Savary (de Chollet). Greffier: Fabricius.

Jurés.

Nadeau (de Saintes); Dery (de Montargis); Cherel (de Bourg); Beaufils, le jeune, du département de la Nièvre ; Saulnier (de Paris, section de Bondi); Dumas, idem; Métivier (de Paris); Cayalle, idem, rue Saint-Antoine; Bonnetier, ibid.; Delrautteau, rue du Parc; Legras, rue Saint-Antoine ; Redon (d'Avignon); Labroux, rue Guénégaud, à Paris; Poux (de SaintAntonin, département de l'Aveyron); Dordela (de Ligny, département de la Meuse); Sambat *; Les-Bazeille (de Sézanne); Saturnin Rivoire (du Pont-Saint-Esprit); Aubert (de Grasse); Nicolas Cateux (de Chaumont); Dutil, du comité révolutionnaire de la section du Temple; Magendi, de la section Fontaine-Grenelle; Prat, fils (du département de l'Ardèche); Nantil (de Pont-à-Mousson); Capella (de la Haute-Garonne); Belhoste (de la Seine-Inférieure); Raimbaut (de la Côte-d'Or); Boule (de Tulle); Lecour (d'Avranches); Reynes (de Rabasteins); Paillet *; Maupin (de Versailles); Duval, de la section de Fontaine-Grenelle; Domer (de Metz); Petit-Treissin *; Topino-Lebrun *; Jollz (de Bar-sur-Ornain); Perès (de Bagnères);

Depuis le 1er fructidor (18 août 1794) où il commença à condamner, jusqu'au 16 brumaire (6 novembre suivant) où il entreprit le procès de quelques uns des complices de Carrier et de Carrier lui-même, après quoi il fit celui de FouquierThinville et adhérens, par lequel il termina son existence; pendant ces cent onze jours, dans le petit nombre de victimes auquel il crut devoir se borner suivant le système hypocrite de la faction, sur quarante-trois individus sacrifiés, il y en eut neuf qui le furent pour cause de catholicisme, avec deux prêtres assermentés. Ainsi le quart environ du nombre total de ces victimes, fut alors égorgé par l'athéisme des Thermidoriens. Jamais la proportion n'avoit encore atteint ce barbare excès d'impiété (1).

Pour en être surpris, il faudroit ignorer que la journée du 9 thermidor fut principalement l'œuvre et le triomphe de ce parti atheïste et dantoniste, vaincu, mais non détruit par Roberspierre, quatre mois auparavant. Senart n'a presque fait que résumer en peu de mots ce qu'apprennent les longues pages du Moniteur, lorsqu'il a dit (ch. XIV): « Le comité de sûreté générale travailloit en secret à la chute de Roberspierre, en réunissant des matériaux pour démontrer son active prétention au pouvoir suprême, et en se préparant un parti dans

Salmon (de Lille); Devèze *; Lamothe (d'Oléron); Vaillant aîné (de Dijon); Roussel (de Paris); Alzelin (de Dijon); Lebreton (de Paris, rue SainteAnne); Bazaine (de Paris); Quichaud-Lyon (de la Charente); Rambour père (de Besançon); Libre, ci-devant Leroi, officier vétéran, à l'hôtel des Invalides; Dubuisson (de Jussey); Tourrette (de la Charente-Inférieure); Delapierre (de Thionville); Presselin *; Bouret (de Paris); et Duplais (de la Charente-Inférieure).

(1) Roberspierre n'étoit plus quand, sous la tyrannie de ses vainqueurs, furent immolées soixante-sept victimes à Valenciennes, en septembre 1794 (Voy. VALENCIENNES); un très-grand nombre à Quiberon, en juin 1795 (Voy. VENDÉE); une infinité à Vannes, en avril 1796 (Voy. VANNES); quand périrent dans les prisons du Brouage, de Blayes et de Bordeaux, tant de prêtres en 1795 (Voy. BORDEAUX); cent soixante-neufautres à la Guyane, en 1798 (Voy. GUYANE); et un si grand nombre sur l'échafaud ou par la fusillade comme émigrés rentrés, et dans les forts des îles de Ré et d'Oléron, en 1799 (Voy. Oléron.)

la Convention, tant parmi les modérés à qui déplaisoit la rigueur outrée qui s'exerçoit alors, que parmi les Dantonistes impatiens de venger la mort de leur chef. Ces deux classes réunies y formoient une majorité suffisante contre Roberspierre; et alors devenoit inutile une petite poignée de factieux à la tête desquels étoit T......, espérant trouver l'impunité de leurs forfaits, et faire disparoître, dans le trouble, les preuves qu'ils craignoient qu'on ne leur opposât. Ils devancèrent les instans ; ils crièrent le plus fort; et c'est cette poignée d'intrigans que l'on a eu le droit de désigner sous le nom de faction Thermidorienne ». Mais le Moniteur renferme plus de détails ; et ils sont trop confirmatifs des vérités que nous avons dévoilées, pour qu'il nous soit permis de les négliger.

Dès le lendemain de la loi du 22 prairial, Fouché, tout président qu'il se trouvoit alors de la société des Jacobins, y avoit été attaqué par des soi-disant patriotes de Nevers qui se plaignoient d'être persécutés par des Dantonistes et Chaumétistes subalternes qu'il protégeoit encore dans ce pays, où il avoit donné le premier signal de l'athéisme. (Voy. NEVERS.) Il fut obligé d'abandonner le fauteuil de la présidence pour venir se défendre à la tribune; et dans sa défense très-craintive, qui avoit lieu trois jours après la fête de l'Étre-Supréme, lorsqu'il s'abaissoit jusqu'à déclamer contre Chaumet dont il avoit été l'ami et l'agent principal, Roberspierre lui répliqua : « Il ne s'agit pas de jeter à présent de la boue sur la tombe de Chaumet, à présent que ce monstre a péri sur l'échafaud. Il falloit lui livrer combat avant sa mort. Depuis long-temps, on a fait le mal, tout en parlant le langage des républicains. Tel vomit aujourd'hui des imprécations contre Danton, qui naguère étoit son complice ».

Fouché n'osoit presque plus se montrer à la société des Jacobins; et Roberspierre qui vouloit l'en faire exclure avec un signe de réprobation, l'y accusa le 23 messidor (11 juillet) d'avoir persécuté les patriotes, et le fit sommer de venir

s'y disculper. Fouché, trop effrayé, n'y vint point; et, s'étant mis sous la protection des comités de sûreté générale et de salut public, il écrivit à la société pour la prier d'attendre leur rapport, avant de juger sa conduite. Quand on y eut lu sa lettre, Roberspierre s'exprima, sur son compte, en ces termes bien remarquables : « C'est moins pour ses crimes passés que je l'ai dénoncé, que parce qu'il se cache pour en commettre d'autres (1), et que je le regarde comme le chef de la conspiration que nous avons à déjouer (2).... Sa démarche est l'aveu de ses crimes. Jamais la liberté ne sera sacrifiée à des hommes, dont les mains sont pleines de rapines, etc. ». Un citoyen de Lyon articula, contre Fouché, des faits très-graves, aux yeux même des Jacobins; et son exclusion de la société fut solennellement prononcée. Panis en vint exhaler son ressentiment au sein de la Convention dont il étoit membre; et craignant, avec quelques autres, d'être du nombre de ceux que Roberspierre vouloit abattre, il lui reprocha, dans la séance du 8 thermidor (26 juillet), « de faire chasser de la société des Jacobins qui bon lui sembloit »; il interpella même son confident Couthon, « de s'expliquer sur les six membres de la Convention qu'il poursuivoit, à commencer par Fouché, qu'il avoit calomnié » : tous les Dantonistes de

(1) Ceci sera expliqué, toutefois avec beaucoup de réticences par Tallien, le 9 août de l'année suivante (22 thermidor an III), dans le sein même de la Convention, quand il verra Fouché prêt à succomber sous une accusation qui pouvoit réfléchir sur lui-même. Il y défendra son collègue, en disant, « 1o. que Fouché avoit été proscrit par Roberspierre; 2o. que chaque jour il venoit rendre compte aux hommes de son parti, de ce qui se passoit au comité de salut public ; 3°. que la veille du 9 thermidor, il leur dit : « La division y est complète : demain il faut frapper ». (Moniteur du 27 thermidor, 14 août 1795).

(2) Ici, Roberspierre ajoutoit entre autres choses: « Les vils agens des Hébert et des Chaumet qui n'ont servi la révolution que pour la déshonorer et la faire tourner au profit de l'étranger, employoient la terreur pour forcer les patriotes au silence ; ils plongeoient dans les cachots ceux qui avoient le courage de le rompre ». (Séance des Jacobins, du 26 messidor an II, 14 juillet 1794 : Moniteur du 3 thermidor, 21 juillet.)

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