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nous,

en entendant leur sentence; et, dans l'attente du moment de l'exécution, ils s'exhortoient à mourir avec le courage de la Foi. Quand les compagnons de captivité qu'ils laissoient dans la prison s'attendrissoient sur leur sort, ils leur disoient: <«<Loin de pleurer sur nous, réjouissez-vous bien plutôt avec de la grâce que Dieu nous fait de mourir pour la Foi». En partant pour le lieu du supplice, ils s'embrassoient en signe de paix et de contentement, comme l'avoient fait saint Flavien, saint Montan avec leurs compagnons, et sainte Perpétue, sainte Félicité avec leurs compagnes, en allant recevoir la couronne du martyre (1). On peut voir, à l'article de JOSEPHINE PAILLOT, avec quelle héroïque et touchante piété les religieuses marchèrent à l'échafaud. Les prêtres allèrent comme elles à la mort, en chantant le Salve Regina, ou en récitant à haute voix d'autres prières, qu'ils continuèrent jusqu'au moment où le Seigneur reçut leur dernier soupir. Tous ces détails nous sont attestés par les plus respectables habitans de Valenciennes, encore émus du spectacle édifiant que nous venons de peindre d'après leur récit. Nous croyons devoir prévenir que les noms de la plupart des victimes de Valenciennes, comme de beaucoup d'autres, ne se trouvent pas dans le dictionnaire annexé à l'Histoire des Crimes de la Révolution. (Voy., pour la série des Martyrs de Valenciennes, AUCHIN, etc.)

(1) Sacramentis legitimæ pacis (Ruinart: Passio SS. Montani, Luci, Flaviani, etc., N° xx11- Et cùm populus illos in medium postularet, ut gladio penetrante in eorum corpore oculos suos comites homicidii adjungeret ; ultro surrexerunt, et se quò volebat populus transtulerunt: ante jam osculati invicem, ut martyrium per sollemnia pacis consummarent. (Ibid Passio sanctarum Perpetuæ et Felicitatis cum sociis earum, N° xx1).

XX.

SAVOIE.

CES hordes qui, altérées du sang des prêtres comme des rois, grossirent tout à coup, sous le titre de Volontaires, les corps de troupes envoyés par les démolisseurs du trône, vers les frontières du duché de Savoie et du comté de Nice, à la fin d'août 1792; ces nouveaux soldats de révolution, par qui nous vîmes nous-mêmes tant d'humbles et pacifiques ministres du Seigneur outragés, dépouillés, assassinés à ces frontières, lorsqu'ils vouloient sortir de France, conformément à la loi du 26 août (V. DEPORTATION); cette soldatesque, ivre d'une fureur impie, et brûlant de poursuivre sur une terre étrangère, ceux qu'elle n'avoit pu égorger avant qu'ils y pénétrassent, se répandit enfin, sans obstacle, en Savoie, au premier signal de ses chefs, le 22 septembre. Ce fut alors un spectacle bien déchirant de voir ces vénérables exilés, presque sans ressource, la plupart courbés sous le poids des ans ou des infirmités, chargés de leurs pauvres valises, fuir de Chambéry, d'Annecy, de Nice, etc., comme un troupeau dispersé, à travers une pluie en quelque sorte diluviale, et par des chemins qu'elle rendoit impraticables, les uns courant vers l'Italie, et les autres vers la Suisse.

Contenue par son chef dans les précautions de la conquête, sa troupe n'eut pas le loisir de les atteindre; et le clergé de la Savoie fut même épargné dans ces premiers jours de l'envahissement; mais, quand la Convention fit de cette province le département du Mont-Blanc, en novembre suivant, elle y envoya quatre proconsuls animés de son esprit, pour y semer les germes de la persécution contre le catholicisme. Quoiqu'elle se souciât alors fort peu de la constitution civile du clergé, déjà tombée dans le mépris; quoiqu'elle n'exigeât plus que le serment de liberté-égalité, cependant,

par

comme elle se réservoit la faculté de frapper de mort ceux qui n'auroient pas fait, dans le temps, celui de cette schismatique constitution civile du clergé, ordonné l'Assemblée Constituante, les proconsuls crurent devoir recommencer en quelque sorte la législation révolutionnaire, à l'égard des prêtres de la Savoie, pour qu'ils ne pussent pas échapper à la persécution, dans le cas même où le dernier serment n'effraieroit pas leur conscience, déjà trop éclairée sur le crime du premier pour se le permettre. Les amalgamant tous les deux dans une proclamation du 8 février 1793, par laquelle ils exigèrent impérieusement le serment de libertéégalité, les proconsuls déclarèrent, comme pour le faire décidément refuser, qu'il étoit «lié avec l'universalité de tous les décrets rendus en France; et que l'intention de la Convention, en remplaçant par ce serment celui de la constitution civile du clergé, étoit d'en faire contracter toutes les obligations ». Ils décernèrent même des peines contre les ecclésiastiques qui, « après avoir prêté ce serment de libertéégalité, viendroient à y manquer, en refusant d'obéir aux décrets de l'Assemblée Nationale», c'est-à-dire en n'observant pas celui de la constitution civile du clergé. C'étoit prévoir d'une manière tout à la fois inhumaine et perfide, le cas où quelques uns, ayant fait de bonne foi le serment de liberté-égalité, sans croire jurer cette constitution hétérodoxe, ne voudroient pas en adopter les erreurs. Ainsi donc, par cet infernal stratagème, l'on se procura, contre les prêtres de la Savoie qui rétracteroient ou refuseroient ce serment, équivalent aux précédens, les mêmes prétextes et les mêmes lois de persécution qu'on avoit, et même qu'on auroit encore contre les prêtres soi-disant réfractaires de la France (Voy. Lois et TRIBUNAUX RÉVOLUTIONNAIRES).

Quoiqu'il fût bien constaté que le serment de liberté-égalité, tel qu'il étoit voulu par les proconsuls, renfermoit celui de la constitution civile du clergé, condamnée par le Saint-Siége et l'Eglise, l'évêque de Genève, résidant à Annecy, affligé

de l'épreuve où l'on mettoit ses prêtres, et appréhendant d'être obligé, par sa propre et seule autorité, à sévir contre ceux que la foiblesse de leur courage ou quelque illusion malheureuse, porteroit à faire le serment demandé, consulta le T. S. P. Pie VI. Il lui demanda, non si ce serment étoit permis, la question étoit décidée trop évidemment par la déclaration des proconsuls, mais « à quelles réparations devroient être soumis les prêtres qui l'auroient fait, soit qu'ils l'eussent fait pur et simple, soit qu'ils y eussent ajouté des explications ou restrictions nécessairement insuffisantes (1) ». La réponse du Pape, en date du 5 octobre 1793, fut « que ceux qui avoient prêté ledit serment, suivant la proclamation du 8 février, par laquelle l'observance des décrets de l'Assemblée Nationale étoit expressément exigée, avoient encouru les peines portées par le Saint-Siége, contre les fauteurs et complices de l'hérésie et du schisme, attendu que, par les lettres apostoliques, en forme de bref, du 13 avril 1791, ces mêmes décrets avoient été déclarés, partie hérétiques, partie schismatiques; que les jureurs dont il étoit question devoient, en conséquence, remplir toutes les conditions prescrites dans les lettres apostoliques du SaintSiége, en date du 9 mars 1792, s'ils vouloient obtenir leur absolution (2)».

Mais déjà la majeure partie du clergé de la Savoie en avoit

(1) Quid ergà eos qui præfatum aut parùm absimile juramentum........ emiserunt ex præscripto dictæ proclamationis, mense februario evulgatæ, sive illud purè ac simpliciter pronuntiatum fuerit, sive cum ementita vel insufficiente oppositionum aut restrictionum adjectione?

(2) B. Eos qui præstiterunt præfatum juramentum juxtà præscriptum dictæ proclamationis, diei 8 februarii præteriti, in qua expressè requiritur observantia decretorum Conventús nationalis, cùm eadem decreta à nobis per litteras in forma brevis, die 13 aprilis 1791 (§. His peractis), declarata partìm fuerint hæretica, partim schismatica, incurrisse in pœnam à jure statutam contrà fautores et adhærentes hæresi et schismati; adeòque adimplere debere conditiones præscriptas in nostris apostolicis litteris, diei 19 marti, anni 1792, si absolvi velint.

jugé ainsi. Presque tous les prêtres de cette province, placés entre la nécessité de prévariquer, et la certitude de perdre la vie, s'ils ne faisoient pas le serment, s'étoient résignés à la persécution, en le refusant. Beaucoup se réfugièrent dans le Piémont, sous la protection immédiate de leur Souverain; mais bientôt quelques uns, impatiens de venir au secours des fidèles, pour les besoins desquels ne pouvoient suffire le peu de prêtres qui étoient restés cachés dans les campagnes, furent ramenés par leur zèle dans cette contrée.

Depuis la fin d'août 1793, la Convention avoit remplacé lestrois premiers proconsuls par deux autres plus animés de cet esprit d'athéisme qui présida au choix des proconsuls envoyés ailleurs, vers cette époque (Voy. NANTES, Lyon, ARRAS, etc.). Ils avoient l'effrayant avantage d'être euxmêmes de la Savoie, où, mieux que d'autres, ils pouvoient, avec la connoissance des lieux et des habitans, poursuivre la religion jusque dans l'abri des montagnes. Ces proconsuls étoient un nommé Dumas (J. M.), qui toutefois y montra quelque modération, et un prêtre apostat nommé Philibert Simond, né à Rumilly, lequel, partisan fougueux d'Hébert, de Danton et de Chaumet, sera dans la suite envoyé comme eux à l'échafaud, par la faction de Roberspierre, le 24 germinal an II (13 avril 1794). Laissant à des commissions militaires le soin de détruire les prêtres, Simond se hâtoit de renverser les clochers, de fondre les cloches, de ruiner les autels, de faire profaner les vases sacrés et les temples, proscrivant tout autre culte que celui de la déesse Raison et de la liberté.

Les commissions militaires sous la main de qui peu de prêtres tombèrent, en envoyèrent sept à Nantes, où Carrier devoit les submerger dans ses bateaux à soupape; et trois ou quatre au supplice de la fusillade. Les premiers n'étant arrivés à Nantes qu'après que Carrier eut été forcé de suspendre ses noyades, en furent rejetés sur Lorient (Voy. NEVERS et NANTES), d'où ils passèrent à Rochefort, pour la

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