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déportation de 1794 (Voy. ROCHEFORT); mais il ne paroît pas que tous y aient péri. Ces déportés étoient, les uns du diocèse de Chambéry, les autres de celui de la Maurienne, ceux-ci du diocèse de la Tarantaise, et ceux-là de celui d'Annecy; mais tous les prêtres que les commissions firent fusiller étoient de ce dernier diocèse, auquel appartenoit encore celui que le tribunal criminel de Grenoble fit périr dans le même temps. (Voy. C. JOGUET, MORAND, VERNAZ et F. M. REVENAZ.)

Eh! quels fidèles méritoient mieux que les catholiques de la Savoie, le sacrifice que chaque pasteur leur faisoit de sa propre vie? On peut en juger par un seul trait que les vicaires généraux d'Annecy ont consigné dans leurs Etrennes religieuses aux fidèles du diocèse de Genève, pour l'an 1800, et que nous nous faisons un devoir de copier. « Un brave paysan avoit donné pendant long-temps l'hospitalité à un missionnaire : (c'étoit ainsi que s'appeloient les ministres du Seigneur, depuis que, dispersés, ils alloient exercer leur saint ministère de paroisse en paroisse). Celui ci avoit quitté son hôte depuis quelques semaines, pour aller remplir ses fonctions dans les lieux circonvoisins, lorsque le commissaire du gouvernement déclara, par une proclamation, que la peine de mort alloit être infligée à tous ceux qui donneroient asile aux prêtres. Le bon paysan, loin d'être effrayé de cette menace, y trouve un nouveau motif d'exercer le même bon office à l'égard du missionnaire; et, craignant que le retard du retour de celui-ci ne fût occasionné par la crainte de compromettre la sûreté de son hôte, il va le chercher, et lui dit: J'ai eu peu de mérite à vous tenir chez moi, quand je le pouvois sans courir de grands dangers; mais aujourd'hui que personne chez laquelle vous pourriez étre pris auroit, comme vous, le bonheur de mourir pour la religion (Voy. J. ALIX), je viens vous demander la préférence de vous loger, et j'espère que vous ne me la refuserez pas. Le missionnaire, touché jusqu'aux larmes, lui répondit : « Je vous reconnois

la

bien à cette démarche; je vous en loue, et je vous en remercie de tout mon cœur ; mais je ne saurois vous compromettre à ce point, et exposer votre famille au malheur de vous perdre. -Me compromettre! répliqua vivement le villageois; pourrois-je m'exposer au péril pour une meilleure cause? et si Dieu m'appelle à lui, il aura soin de ma femme et de mes enfans. Oui, oui, venez chez moi; il faut bien que vous logiez chez quelqu'un; je vous en supplie, préférez ma chaumière ».

La persécution, comme on l'a vu, ne parut cesser en 1795, que pour éclater avec de nouvelles fureurs, le 18 fructidor an V (4 septembre 1797). La Savoie les éprouva comme la France; et elle fournit avec elle de nouveaux Martyrs à l'Eglise. Treize prêtres, et un jeune homme pieux, simple domestique, furent d'abord envoyés, les premiers jours de mars 1798, à Rochefort, pour être déportés à la Guiane (Voy. GUIANE). De ces prêtres, il y en avoit neuf du diocèse de Genève, deux de Chambéry, un de celui de Maurienne, et un de celui de Tarantaise. Arrivés à Lyon, le 11 du même mois, ils poursuivirent leur pénible marche, suivis de plusieurs autres, qui furent embarqués avec les premiers sur la corvette la Bayonnaise, le 1er août suivant; et presque tous périrent dans cette déportation. (Voyez BEAUGE, P. F. BERTHOD, etc. etc.)

Les autorités de la Savoie ne se lassèrent pas de faire de nouveaux envois de prêtres à Rochefort; jusqu'au commencement de 1799, il y en eut huit consécutifs, auxquels sans doute, en auroit bientôt succédé un neuvième, si la crainte qu'ils ne fussent délivrés en mer par les Anglais, n'avoit réduit le gouvernement persécuteur à se contenter de les enfermer dans le fort de l'île de Ré, avec beaucoup d'autres arrivés d'ailleurs, en même temps (V. OLÉRON). Quinze prêtres du diocèse d'Annecy, qui étoient déjà presque en route pour Rochefort, furent retenus dans les prisons où ils se trouvoient alors. Il y en avoit huit de sexagénaires ou d'infirmes,

dans celle de Chambéry, cinq dans celle de Carrouge, et deux dans celle de Bourg-en-Bresse. Parmi ces divers captifs de Jésus-Christ, qui restoient, soit en ces lieux, soit au fort de Ré, il en mourut un dans ce dernier endroit, et un dans la prison de Chambéry (Voy. FIGUET et DESPLANTES). Ils furent regardés, aussi bien que ceux qui expiroient à la Guiane, comme autant de vrais Martyrs, par les supérieurs ecclésiastiques de leur diocèse, qui, dans leurs Etrennes Religieuses (pag. 65), leur appliquèrent cette maxime de saint Cyprien : « Ce ne sont pas eux qui ont manqué au martyre; c'est le martyre qui leur a manqué. Dieu tient compte aux confesseurs de la Foi, non seulement de ce qu'ils ont souffert, mais encore de tout ce qu'ils étoient prêts à souffrir pour elle ». (Voy. DISCOURS prélim,, pag. 35, not. 1.)

No XXI.

BELGIQUE.

CETTE vaste province, non moins religieuse qu'opulente sembla n'avoir été conquise, en novembre 1792, que pour être livrée à l'impiété comme à la rapacité des conventionnels Dantonistes et de leurs adhérens. Les premiers commissaires que la Convention y envoya, furent Danton et son intime ami Lacroix. La municipalité parisienne du 10 août (Voy. SEPTEMBRE), qui avoit tant d'empire alors, leur fit adjoindre des brigands de son choix, parmi lesquels étoient de ses assassins des 2 et 3 septembre. Ils se répandirent aussitôt dans toute la Belgique comme une inondation de barbares; et, pénétrant avec violence dans les églises, ils en chassoient les prêtres, s'y revêtoient de leurs chasubles, montoient aux autels pour profaner les saints mystères par

d'exécrables moqueries, et dans les chaires pour y prêcher l'athéisme avec les expressions les plus infâmes. Pillant en même temps l'argenterie du sanctuaire, ils jouoient avec les calices et les ciboires de la manière la plus grossièrement sacrilége, les faisant sauter en l'air; et, l'oserons-nous dire ! ils les prostituoient ensuite, en présence du public, à leurs besoins les plus immondes.

C'étoit sous les affreux auspices de ces profanations, de ce pillage des églises, auquel on ajoutoit celui des maisons de particuliers, que la Convention avoit décrété, comme un bonheur pour la Belgique, sa réunion à la république française, dont les lois atroces autorisoient les plus énormes dévastations et les plus sanguinaires attentats. Douze mille cinq cents religieux ou religieuses de tout âge sont chassés de leurs cloîtres, sans qu'on leur laisse des moyens réels de subsistance; car la pension de papier-monnoie qu'on leur promet, n'est qu'une infâme dérision. Les curés et vicaires, tout le clergé séculier mis en fuite, ne sont plus que comme un troupeau dispersé que des loups affamés sont impatiens de dévorer; la guillotine est en permanence dans les principales cités de la Belgique, comme dans celles de la France; et les laïcs pieux, comme les ecclésiastiques immuables dans leur foi, sont menacés de préférence par cet instrument de mort.

Ils avoient, en outre, un tort non moins irrémissible aux yeux de nos persécuteurs : c'étoit d'avoir donné une hospitalité généreuse à des milliers de ces prêtres français que le décret du 26 août 1792 avoit expulsés de France à cause de leur Foi (Voy. DÉPORTATION ). Ils les avoient accueillis', comme dans les premiers temps de l'Eglise les fidèles accueillirent les saints confesseurs persécutés pour la justice. Les diocèses de Malines, d'Ypres, de Ruremonde, de Liége se distinguèrent surtout en ce genre: leurs évêques sembloient en donner l'exemple à leurs curés; et les curés recevoient ces vénérables proscrits comme des dépôts que le ciel leur confioit. C'étoit avec une sainte joie, disons mieux, avec

une sorte de reconnoissance qu'ils s'empressoient de les loger et de les nourrir. L'entrée des troupes en Belgique avoit de nouveau mis en fuite ces prêtres exilés; mais les vieillards et les infirmes n'avoient pu qu'errer dans la province. Ceux que les persécuteurs y rencontrèrent, furent conduits à la guillotine, en vertu de la sanguinaire loi des 29 et 30 vendémiaire an II (21 et 22 octobre 1793), comme s'ils eussent fait partie de corps militaires armés contre l'infernale république (Voy. C. L. RICHARD). D'autres avoient été déjà massacrés avec une atroce barbarie par des Français même sur cette terre hospitalière, notamment à Liége le 3 mars 1793 (Voy. M. DUPUIS, J. GUÉDEL et L. LEMOINE ).

De nouveaux proconsuls avoient remplacé les deux premiers; mais ils appartenoient à la même faction. Quand les ravages furent à peu près consommés, la Convention envoya d'autres représentans qui parurent plus modérés, parce qu'il ne restoit presque plus de mal à faire.

La Belgique enfin crut qu'elle alloit sortir de l'oppression, lorsque la faction Dantoniste, après avoir abattu Roberspierre le 9 thermidor (27 juillet 1794), repoussoit sur sa mémoire avec tant d'affectation les attentats précédens, et feignoit d'adopter un système de douceur et d'équité; mais ce calme ne fut pas plus long, ou plutôt il ne fut pas plus réel pour le clergé Belge que pour les prêtres fidèles qui reparoissoient en France (Voy. Lois et TRIBUNAUX RÉVOLUTIONNAIRES, §. III). Il se vit bientôt en proie à de nouvelles persécutions, et à des persécutions d'autant plus vives, qu'il étoit moins disposé que plusieurs prêtres restés en France, à ces équivoques condescendances qu'exigeoient les astucieuses lois du 11 prairial an III (30 mai 1795), et du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795), lorsqu'elles accordoient la liberté du culte public à des conditions alarmantes pour les conssciences délicates. Les prêtres Belges ne vouloient pas y souscrire, et se trouvoient ramenés à la nécessité de n'exer

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