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voir et de les soulager. Rassurés sur tout ce qui les entoure à leur débarquement (parce que tout ce qui les entoure est rassuré sur leur doctrine), ils se dirent, dans l'admiration, et je disois avec eux: Il est donc un lieu sur la terre où l'homme, déposant toute crainte de son semblable, ne voit plus dans lui qu'un frère, exempt de soupçons et plein de bienveillance ». Nous n'offenserons aucun peuple en disant, ce qui est si notoire, qu'il n'en est pas qui ait aussi magnifiquement que cette nation protestante, rivalisé le chef de l'Eglise catholique, l'auguste Pie VI, dans son paternel accueil de nos prêtres exilés (1) ».

<«< La trompette de la bienfaisance, reprend M. Barruel, a déjà retenti dans Londres et les provinces. Déjà le clergé anglican, les lords, les commerçans, les citoyens de toutes les classes, ont fourni les moyens de loger, nourrir, vêtir ces colonies sacrées. Le roi lui-même a cédé son ancien palais de Winschester, pour servir d'habitation à six cents d'entre ces vénérables proscrits. Le gouvernement ordonne de nouvelles quêtes en faveur du clergé français. On compte en Angleterre jusqu'à huit mille prêtres expulsés de leur patrie à cause de leur Foi catholique ; et il n'en est pas un seul qui

(1) La reconnoissance et l'admiration que cet illustre Pontife en éprouvoit, se trouvent exprimées dans le beau discours de M. Marotti, dont nous parlerons ci-après, tom. II, pag. 35. Il y disoit, plein d'enthousiasme, aux prêtres exilés : Oh! combien les conseils divins sont merveilleux ! Peuvent-elles être plus grandes, la générosité, la miséricorde, la munificence des Anglais à votre égard? Leur monarque lui-même a tellement admiré votre vertu, que, non seulement il vous a fourni des secours pécuniaires, des vêtemens, la nourriture; mais de plus il a voulu, par des lettres patentes, rendre notoire â tous que, s'il étoit porté par son humanité à vous soulager dans le malheur, il l'étoit plus efficacement encore et plus abondamment par votre courage et votre sainteté » : Quæ Anglorum etiam ( ó admiranda Dei consilia! ) largitas in vos, misericordia, liberalitas! Quorum etiam humanissimus rex ita virtutem vestram admiratus est, ut non solùm vobis domum, vestem, alimenta suppeditaverit, verùm etiam illud litteris datis palàm omnibus factum voluerit: se r quæ humanitate sua libenter in levandá vestrá fortuna faceret, ea multò libentiùs atque uberiùs facere ob fortitudinem vestram, vestramque sanctitatem. » (Marotti: De Ostentis divinæ Potentiæ, etc.)

manque de ce que peuvent réclamer ses besoins, soit en santé, soit en maladie ».

En réfléchissant qu'ils y jouirent de tant de secours pendant vingt ans au moins; et tout en admirant la franche dilatation de la magnanimité anglaise dans cette circonstance, nous sommes autorisés à dire qu'elle eût été comprimée, que ces prêtres n'en auroient point ressenti les effets, si le gouvernement ne les eût point accueillis, et qu'il ne les auroit vraisemblablement pas accueillis si bien et en si grand nombre, sans les rassurantes déclarations de la Sorbonne (1).

Voilà donc ce que nos prêtres bannis ont sans doute gagné à l'invariabilité comme à la pureté de sa lumineuse doctrine. « Ses théologiens, disoit encore Rollin en 1719, ne se laissent pas pousser çà et là par les vents des opinions et de la faveur, ni par de commodes allégations de la prétendue nécessité des circonstances. Stables dans la Foi, ils pèsent toutes choses dans la balance de l'Ecriture-Sainte et de la tradition. Laissant de côté les profanes nouveautés systématiques, imaginées pour de variables conjonctures, ils restent appuyés sur l'autorité de la vénérable antiquité sacrée comme sur une ancre; et leurs définitions relatives à la religion, demeurant immobiles et inébranlables parmi les tempêtes frémissantes des passions et des opinions humaines, dissiperont encore, quand il le faudra, par la lumière victorieuse de la vérité, les nuages de l'erreur et du mensonge (2) ». Mais que pourront ces docteurs à l'époque de la révolution,

(1) C'est une vérité de fait que nous attestèrent en 1800 ceux-là même de nos évêques réfugiés en Angleterre, qui nous firent parvenir les dernières décisions de la Sorbonne pour être insérées dans notre Politique chrétienne de cette époque, où elles furent rendues notoires dans la livraison d'octobre, pag. 280 du 1er tom. de 1800.

(2) Ita semper erit, auditores. Quoniam theologi nostri non sinunt circumferri se omni vento doctrina; sed in Fide stabiles, omnia Scripturæ Sacræ et traditionis trutiná ponderant ; nec profanas vocum novitates inducunt, sed sacrá verendæ antiquitatis auctoritate velut anchorá nituntur ; frementibus nequicquam cupiditatum et opinionum humanarum procellis, stabunt immota et inconcussæ

quand l'autorité royale qu'ils ont jusqu'alors si puissamment défendue, cédant chaque jour aux factieux quelque portion de sa couronne, et leur livrant successivement ses meilleurs soutiens, semblera n'avoir conservé de pouvoir que ce qu'il en faut pour sanctionner l'hérésie, et pour autoriser la persécution? Dans cette situation incohérente et fausse, où quelques défections augmentent encore la perplexité des meilleurs esprits, la Faculté de théologie, si grave dans ses formes de procéder, n'a pas encore eu le temps de s'expliquer doctrinalement sur la constitution civile du clergé, que déjà l'archevêque légitime de Paris est remplacé de vive force par un intrus. Alors, alors elle ne connoît plus de délais; et l'archevêque reçoit aussitôt la déclaration suivante :

« La Faculté de théologie de Paris s'étant assemblée le 1er avril en Sorbonne, lieu ordinaire de ses séances, a arrêté unanimement qu'elle enverroit cette lettre à M. l'archevêque de Paris:

« Révérendissime Pere en Jésus-Christ,

« Toujours sincère et constante dans son attachement

illorum de religione definitiones, errorisque et mendacii nebulas victricis tandem aliquandò veritatis luce dispellent. ( Rollin, ut suprà. )

Si la Faculté de théologie de Paris eut ses nuages au temps de la Ligue, ils furent bien passagers; et la cause en venoit du dehors, comme on peut s'en convaincre dans le tom. VI de l'Histoire de l'Université (par Crévier), où les instigateurs du condamnable décret de l'assemblée secrète du 16 décembre 1587 sont mis à découvert ( pag. 153, 165, 167, 290, 336, 340 et 410); où l'on voit que les anciens docteurs, tels que Faber, syndic; Camus, doyen; Chabot ; Faber, curé de Saint-Paul; Chavagnac, et quelques autres, courageusement fidèles aux anciennes maximes, furent vaincus en cela par la faction des jeunes; que ceux-ci affirmèrent frauduleusement, dans le décret, qu'il avoit passé à l'unanimité des voix (pag. 409 et 410); que le cardinal Cajétan, légat, apporta en janvier 1590, un bref de félicitation de Sixte-Quint pour ce décret (pag. 40g); qu'un autre décret analogue, obtenu de la même manière, le 7 mai 1590, valut à l'Université un bref très-flatteur de Grégoire XIV ( pag. 421 ); mais qu'enfin, lorsque les anciens docteurs purent prévaloir sur les jeunes, restés sans appuis après l'entrée d'Henri IV, l'Université reparut avec ses penchans naturels comme avec son ancienne doctrine ( pag. 442 ).

aux évéques de l'Eglise gallicane, aux successeurs de saint Denis envoyés par le siége apostolique, la Faculté de théologie n'a pu néanmoins se défendre de sentimens plus vifs et plus affectueux pour les prélats qu'elle a élevés et nourris dans son sein. Quelle joie n'a-t-elle pas éprouvée, lorsque vous fûtes appelé par le Seigneur au gouvernement du diocèse de Paris! Témoin de vos travaux, pleine d'admiration pour vos vertus, avec quel empressement n'a-t-elle pas applaudi à votre élévation! A présent que la tristesse a succédé à la joie; à présent que des revers lamentables vous ont éloigné de nous, elle se hâte de vous offrir, dans l'excès de votre accablement, une foible consolation. Pénétrée de votre douleur, elle vous fait part de la sienne gardienne de la Foi antique, liée à la chaire de Pierre, ferme dans la tradition des Pères, la Faculté de théologie ne reconnoît et ne reconnoîtra que vous pour son légitime pasteur. Fait dans l'assemblée générale tenue en Sorbonne, ce 1er avril 1791. Signé GAYET De Sansale, syndic »>.

Déjà, dans un bref du 23 du même mois, le Saint-Père Pie VI cite cette lettre mémorable, comme une irréfragable autorité, à l'archevêque d'Avignon, aux évêques de Carpentras, de Cavaillon, de Vaison, aux chapitres, aux prêtres et aux peuples de ces divers diocèses, bien qu'ils se regardent spécialement comme sujets politiques du Pontife. «< Souvenez-vous, disoit-il à ces prêtres, à ces fidèles, que, sans un jugement canonique de l'Eglise, vous ne devez être détachés par aucune espèce de violence des évêques et des pasteurs auxquels vous êtes liés, ainsi que cela vient d'être reconnu et déclaré par la célèbre Sorbonne dans son assem

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(1) Mementote, sine canonico Ecclesiæ judicio non posse vos, per speciem violentiæ etiam, et necessitatis, ab eo obedientiæ vinculo subduci, aut solvi, quo erga archiepiscopum, vestrosque parochos devincti tenemini, veluti die 1a mensis aprilis, per celebrem Sorbonæ Universitatem, in conventum extraor

D'une autre part, cette déclaration alarmant les factieux réformateurs que, dans tout le reste, aucun obstacle ne pouvoit arrêter, mais qui connoissoient bien l'influence de la Sorbonne en matière de Foi, ils lui firent notifier aussitôt, par les membres de l'administration centrale du département de Paris, la défense de tenir désormais aucune espèce d'assemblée.

Comme les professeurs de la Faculté, savoir six en Sorbonne et quatre à Navarre, avoient en même temps refusé le serment de la constitution civile du clergé, les administrateurs secondaires de ce qu'on appeloit le directoire du district de Paris, en signifiant à la Faculté la défense dont il vient d'être parlé, y ajoutèrent l'ordre de fermer leurs écoles. Mais les chefs de la faction suspendirent l'exécution d'un tel ordre, sentant bien que la Faculté de théologie de Paris étoit un corps trop majestueux pour qu'on l'abattît d'un seul coup, sans manifester dès lors impolitiquement à la France et à l'Europe qu'on vouloit détruire la religion jusque dans son enseignement; et il fut tacitement permis aux professeurs de continuer leurs leçons.

D'un autre côté, les docteurs, empêchés de s'expliquer plus amplement d'une manière solennelle, ne cessèrent pas pour cela, chacun en particulier, particulier, de venger la Foi et la discipline attaquées, en démasquant les intentions hérétiques et schismatiques des auteurs de la constitution civile du clergé. Ils la combattirent avec force, en leur nom privé, par les écrits les plus solides et les plus triomphans. De la seule Sorbonne il en sortit plus de quatre-vingts, tous remarquables par leur clarté, leur sagesse et leur érudition. Son Conseil de conscience auquel les pasteurs timorés avoient coutume de recourir dans les cas difficiles, continuoit toujours de les discuter et de les résoudre.

dinarium collectam, agnitum et declaratum est. (Breve, datum die 23 aprilis 1791.)

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