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toute-puissance de Dieu. Il a mille moyens, dans sa sagesse, de rendre au christianisme tout son éclat, sans nous; nous sommes ses instrumens; mais nous ne sommes point des instrumens nécessaires. Celui qui peut changer les pierres en des enfans d'Abraham, peut bien faire lui seul de parfaits chrétiens; mais enfin ce n'est point là la marche ordinaire et naturelle de la Providence; elle ne multiplie point les miracles sans nécessité. N'est-il pas plus simple de penser que, si la régénération de l'Eglise de France entre dans ses adorables décrets, c'est par ses ministres qu'il la fera revivre, cette Foi éteinte, et que nous avons été conservés pour replanter dans notre patrie l'arbre de la croix, pour y faire refleurir cette religion grande et sainte, dont l'oubli et le mépris ont été la cause de tous les maux qui ont écrasé et qui écrasent encore ce malheureux empire. Il est plus simple de penser que quarante ou cinquante mille prêtres, bien imbus des principes de l'Evangile, épurés par les souffrances, instruits par les terribles leçons que Dieu nous'a données dans cette révolution, seront les ouvriers destinés à travailler à la vigne du Seigneur, à cette vigne si ravagée, si déshonorée, que d'imaginer, ou que la Foi sera rétablie sans être prêchée, ou que Dieu fera un miracle pour créer sur-lechamp une troupe de ministres nouveaux, qui publieront ses louanges, et annonceront ses oracles.

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« Oui, nous sommes persuadés que nous reverrons la France; que nous y rentrerons comme ministres de J.-C.; que nous sommes destinés à y réparer une partie des ravages que l'irréligion y a faits. Nous le croyons; et en cela, nous ne craignons pas d'offenser Dieu qui nous entend. C'est pour les intérêts de sa gloire que nous espérons travailler; c'est pour que son saint nom soit de nouveau sanctifié par ceux qui l'ont méconnu et blasphémé. Cette espérance est en nous, elle échauffe et nourrit nos cœurs; et nous mourrons. contents, si elle se réalise.

«En un mot, nous croyons que notre conservation est

un des moyens de régénération que Jésus-Christ a préparés à cette Eglise, dans le sein de laquelle nous sommes nés; et que nous eussions contrarié ses vues, en cherchant tous mal à propos un faux honneur de courage et de vertu, en affrontant simultanément la mort lorsqu'il falloit s'y soustraire, et en privant l'Eglise de travaux qui pourront encore être utiles, et servir à féconder le champ du père de famille. Les ouvriers seront en bien petit nombre pour l'étendue des travaux, et pour l'immensité de la moisson; mais celui qui plante n'est rien; celui qui arrose n'est rien c'est Dieu qui donne l'accroissement; et sa bonté est si grande, qu'il peut récompenser de petits et foibles travaux par de grands et d'éclatans

succès. »

QUATRIÈME PROPOSITION.

En partant, le clergé de France a obéi au précepte de JésusChrist, et a suivi l'exemple de ce Dieu-Homme.

« Il n'est pas possible de douter que le Dieu-Homme, fondateur de l'Eglise qui devoit s'accroître et s'agrandir au milieu des persécutions, n'ait laissé aux apôtres des préceptes et des exemples, les plus propres à les soutenir et à les diriger dans les circonstances délicates où les tyrans déployoient toutes leurs fureurs contre les chrétiens. Aussi, en ouvrant l'Evangile, nous voyons, dans le chapitre X de saint Mathieu, quels sages conseils Jésus-Christ donne aux apôtres, avant de les envoyer. Il les avertit des dangers qu'ils auront à courir, de la haine générale qui les poursuivra, de la trahison de leurs plus proches parcns; et, en même temps il leur recommande d'allier la simplicité de la colombe avec la prudence du serpent. « Lorsqu'on vous persécutera dans une ville, fuyez, dit-il, dans une autre ». Il ne leur dit pas d'affronter les dangers, de les braver, lui qui pouvoit, pour leur défense; faire descendre du Ciel des légions

d'Anges. Bien moins encore les invite-t-il à opposer la force à la violence: il veut qu'ils s'échappent, lorsqu'ils le peuvent, et qu'ils passent d'une ville où l'on persécute, à une ville plus tranquille. Ce moyen, accommodé à la foiblesse humaine, frappe moins l'imagination que l'espèce d'héroïsme que l'on trouve à se présenter avec intrépidité aux persécuteurs et aux bourreaux; mais, tout simple qu'il est, et par sa simplicité même, il n'en est que plus digne d'une religion qui ne vise qu'à la vertu, et qui fuit ce qui est éclatant. Le maître a parlé : voilà la règle : « Fuyez lorsqu'on vous persécute ». Et cette règle, que Jésus-Christ a prescrite, il l'a suivie luimême, dans les fréquentes occasions d'une vie agitée et des-tinée aux souffrances.

« Première occasion, exposée par saint Luc (chapitre IV) : Jésus étoit à Nazareth, lieu où il avoit été élevé. Il instruisoit le peuple, un jour de sabbat, dans la synagogue. Ses concitoyens s'ameutent contre lui, le chassent de leur ville, et le conduisent jusqu'au sommet d'une montagne, pour l'en précipiter. Que fait-il? Il passe au milieu d'eux, et se retire. Ipse autem transiens, per medium illorum ibat.

<< Seconde occasion, racontée par saint Jean (chap. VIII): Jésus parle avec liberté dans le temple; il fait aux Juifs des reproches amers qui les indignent; et leur colère va si loin qu'ils prennent des pierres pour le lapider. Jésus ne les brave point; il sort du temple, et se cache. Jesus abscondit se, et exivit de templo.

<< Troisième occasion, rapportée par le même évangéliste (chapitre XI), à la suite de la résurrection de Lazare. Les prêtres et les Pharisiens, pleins de jalousie, se rassemblent. «Que faisons-nous? s'écrient-ils. Cet homme opère beaucoup de miracles, et va se faire un grand parti. Il seroit utile qu'un seul homme pérît pour la nation, et que la nation ne pérêt point ». Ils s'occupèrent donc de lui donner la mort. Jésus, instruit du complot, se retire près d'un désert, et ne se montre plus en public. Abiit in regionem, juxtà desertum.

« Ce qui a été écrit est écrit pour notre instruction: or, Jésus qui, d'un souffle, pouvoit faire tomber tous ses ennemis, s'éloigne et se cache lorsqu'on le poursuit. Il étoit le maître de la foudre; et il semble craindre et trembler lorsqu'il voit le danger: jusqu'à ce que son heure soit venue, il prend toutes les précautions possibles pour ne point tomber entre les mains de ses ennemis.

« Que diront maintenant ceux qui prétendent qu'il faut toujours rester à son poste, et qu'on ne peut le quitter sans lâcheté, lors même qu'on a la certitude d'y périr? Notre réponse est décisive. Les conseils de la sagesse éternelle, les exemples du Saint des Saints, sont au-dessus des vaines opinions des hommes. Le disciple ne s'égarera jamais, en suivant un tel maître. >>

CINQUIÈME PROPOSITION.

Le clergé de France, en partant, a agi comme agissoient, et les apôtres, et les premiers évêques, et les prétres, dans le temps de persécution.

<< Les apôtres ont été persécutés, comme Jésus - Christ l'avoit été lui-même. Ils ont été exposés à la haine publique, traduits devant les tribunaux : les périls de tout genre les environnoient. Qu'ont-ils fait? Ce que Jésus-Christ leur avoit enseigné par ses discours et par ses actions : ils ont fui la persécution.

«Je citerai le plus persécuté de tous, et en même temps le plus intrépide, saint Paul, lui qui nous fait un tableau si effrayant et si sublime de tout ce qu'il a enduré pour la Foi. Saint Paul, à peine converti, prêche à Damas. Il confondoit les Juifs, en leur prouvant que Jésus-Christ étoit le Christ. Les Juifs, qui l'avoient vu persécuteur, ne pouvoient lui pardonner ce changement. Ils formèrent le dessein de le faire mourir à cet effet, ils gardoient les portes de la ville,

nuit et jour, pour qu'il ne pût s'échapper. C'est lui-même qui nous apprend qu'on le descendit, le long d'un mur, par une fenêtre, dans une corbeille. Lui a-t-on jamais reproché cette fuite, comme un acte de foiblesse ? Il se rend à Jérusalem; il y dispute avec les Gentils et les Grecs. On veut encore derechef l'assassiner; il prend le parti de la retraite, et va à Césarée; de Césarée à Tarse. On le persécute à Icône; il s'enfuit à Lystres; on l'y lapide : il se sauve par miracle, et se rend à Derbes. Il prêche à Thessalonique; on y soulève contre lui la populace et les magistrats: ses amis le font partir pour Bérée. Ses ennemis l'y poursuivent; alors il s'embarque, et vient à Athènes. On peut bien dire qu'une partie d'une si belle vie a été employée à fuir les dangers qui s'élevoient.

« Ce ne sont pas là des faits imaginés à plaisir ; tout cela est rapporté mot à mot dans les Actes des Apôtres : et tout cela prouve jusqu'à l'évidence qu'il est permis de se soustraire à la persécution; car remarquez bien que cet apôtre fut inspiré de Dieu dans toutes ses démarches, et qu'il avoit puisé la doctrine à sa source. Sa conduite fut une exécution littérale de cet ordre du Seigneur : « Lorsqu'on vous poursuivra dans une ville, fuyez dans une autre ».

« Cet exemple, fût-il unique, suffiroit pour nous justifier. Jamais homme ne connut plus ses devoirs que saint Paul; jamais homme ne les remplit avec un zèle plus ardent, plus indomptable; et, parmi ses devoirs, il compta celui de fuir lorsque la persécution étoit déclarée.

« Je ne parle pas des autres apôtres cela seroit inutile, puisqu'ils ont tous donné le même exemple, étant tous animés du même esprit. Je passe aux évêques de la primitive Eglise. Eux aussi, ils ont connu la persécution; ils l'ont connue bien autant que nous; et ils ont résisté jusqu'au sang. Mais ils n'ont souffert la mort que lorsqu'elle étoit inévitable, lorsque la fuite eût blessé le devoir et compromis la cons

cience.

<< Si nous prenions en main la Vie des Saints et l'Histoire

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