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inférer de ses raisonnemens à cet égard, et des exemples par lesquels, tantôt il les étaie, tantôt il les détruit, se

le jour de leur décès, on chantoit une messe de Sanctissima Trinitate, ou etc., par une concession apostolique, il disoit : « Comme il est facile de comprendre qu'en substituant une telle messe à une messe de morts, on croit que l'âme d'un serviteur de Dieu, en mémoire de qui on la dit, n'a pas besoin de nos suffrages, je penserois que la confiance, manifestée de cette manière, rentre dans un culte public, quoique moindre que celui qui s'annonceroit par une messe où l'on nommeroit le serviteur de Dieu dans les collectes, » c'est-à-dire où on l'invoqueroit formellement. Laissant de côté cette distance immense qui sépare la messe d'actions de grâces à Dieu, de la messe d'invocation formelle, distance qui affoiblit si fort ce qu'il ne donne encore que comme son opinion particulière de théologien, il nous suffit de remarquer que tout ce qu'il en conclut, c'est qu'il convient d'être autorisé dans ce cas-là par une concession apostolique. Le seul exemple postérieur aux décrets d'Urbain VIII, qu'il nous apporte d'une semblable concession, en preuve de cette opinion, regarde moins la messe de Sanctissima Trinitate, chantée à Narni, dans le diocèse de Ferrare, le jour du décès de la bienheureuse Lucie, avant toute béatification pontificale, que l'exposition solennelle de ses reliques, le même jour, dans la même église permission accordée le 22 août 1711, par la congrégation des Rits, et confirmée par le pape Clément XI, le 25 septembre de la même année. (De Serv. Dei Beatif. L. II, c. xx, n° 17.) Lambertini prévient, à ce sujet, que les exemples auxquels se rattachent des indults ne doivent pas être pris taxativè, mais seulement demonstrativè, non comme des règles, mais comme des faits; et il semble affecter de nous décrire le spectacle édifiant et utile que produisoient, avant les décrets de 1625, tant de messes de ce genre célébrées de toutes parts, même avec les premières et secondes vêpres, sans indult ni concession, le jour du décès des serviteurs ou des servantes de Dieu, décédés en odeur de sainteté, et non encore béatifiés par le Saint-Siége. C'est avec une satisfaction visible qu'il nous parle de la messe à laquelle assistoient les cardinaux nés à Rome, le jour du décès de sainte Françoise, Romaine; comme encore de la dévotion publique à celles qui se chantoient avec une égale solennité les jours anniversaires des décès de saint Ignace de Loyola, de saint Louis de Gonzague, du bienheureux Stanislas Kostka, de saint André Avellin, de saint Philippe de Néry, et de tant d'autres en d'autres lieux, tels que du dominicain Marculin, à Forli; du bienheureux Ægide ou Gilles, à Santarène en Pologne; de la bienheureuse Louise, des bienheureuses Colette et Ide, ainsi que d'une multitude d'autres en Belgique. (Voyez les Bollandistes, tom. 5, maii, p. 402; et Molanus, In natali Sanctorum Belgii,

réduit à faire penser qu'il seroit bon qu'en pareil cas, ces messes fussent autorisées, ne fût-ce que tacitement,

ad dies 14 aprilis, 6 martii, 11 decembris.) Lambertini parloit même sans aucun blâme de cette messe décidément votive et d'invocation: Gaudeamus omnes, etc., qui fut chantée solennellement à Goa, en l'honneur de saint François Xavier, lorsqu'en 1554 son corps y fut apporté des rives de la Chine, où il étoit mort en 1552. Ce théologien, à la vérité, paroît ensuite s'amender en disant « qu'il ne s'agit plus de ce qui se faisoit autrefois, mais de ce qui doit se faire aujourd'hui, » d'après les décrets de 1625, et le bref de 1634; et cependant il les infirme encore en d'autres points. Quoiqu'ils eussent défendu les tableaux votifs, les images de cire ou d'argent, les lampes et les cierges offerts aux tombeaux des serviteurs de Dieu non encore béatifiés, Benoît XIV remarquoit que, dans les procédures de canonisation de saint Thomas d'Aquin, de saint Antonin, etc. etc. etc., la congrégation des Rits avoit trouvé bon qu'on eût brûlé des cierges sur leurs tombeaux, dès le jour de leur mort, et il regarde cela comme très-permis à présent, par rapport à d'autres, ut signum particularis et privatæ lætitiæ; ut signum gloriæ qua probabiliter credimus frui sanctos nondum approbatos, nous avertissant en même temps que c'étoit aussi l'avis du cardinal Bellarmin. Il approuve, non moins formellement, qu'on y aille suspendre des tableaux votifs (ibid. ibid., c. xi, no 15 et 14); qu'on porte leurs reliques aux malades qui les demandent (ibid., c. xiii, no 11); que, le jour anniversaire de leur mort, on prononce solennellement leur panégyrique, modò ut orator se contineat in debitos fines, et beatitatis aut sanctitatis titulum à moribus et opinione ad personam non transferat (ibid. ibid., no 4). Eh! comment tout cela ne seroit-il pas permis, puisque, selon sa remarque, à la mort de chaque pape, en l'exposant dans une des chapelles de la basilique de Saint-Pierre, on avance ses pieds en dehors d'une grille ouverte, afin que le peuple, qui vient en foule pour les baiser avec un sentiment de culte, puisse commodément satisfaire sa piété ? Toutes sortes d'hommages qui ne seroient que d'un culte privé, sont donc formellement autorisés par ce grand théologien (n° 15); et il faut bien observer que, par les exemples dont il s'étaie, il les permet à l'égard même des serviteurs de Dieu morts naturellement, et dont la justification ne peut tirer sa complète notoriété que des miracles opérés par leur intercession auprès de Dieu. Que seroit-ce donc à l'égard de Martyrs dont la justification est rendue certaine par leur seule mort pour Jésus-Christ, indépendamment de tout miracle? Et voilà pourquoi il ne milite aucunement contre nous l'exemple qu'il cite de cette messe de morts qui continuoit de se célébrer à Rome, pour le pape Innocent XI, dont

par la seule congrégation des Rits, qui jamais n'a refusé une telle autorisation, lors même qu'il ne s'agissoit que de

la congrégation des Rits avoit entrepris la procédure de béatification, qu'elle n'a jamais pu conclure, parce que ce serviteur de Dieu n'étoit point de la classe des Martyrs, et qu'il falloit des miracles pour sa béatification. Il est permis de douter si, en ce qui les concerne, Lambertini a voulu faire valoir ou restreindre la décision d'Innocent III, portant que « Célébrer des messes de morts pour un Martyr, seroit lui faire injure » (De celebratione missarum, cap. cùm Martha), lorsqu'il ne lui oppose qu'une subtile distinction scholastique, en disant que cette décision ne doit s'entendre que d'un Martyre vindicato, c'est-à-dire béatifié par un jugement du Saint-Siége; lorsqu'il est évident, par la lecture de la lettre même d'Innocent III, d'où cette décrétale est tirée, et de laquelle il sera fait tout à l'heure une plus grande exposition, qu'il a parlé en général d'un Martyr seulement consummato. L'explication obligée que Lambertini donne de la conséquence qu'il tire de sa distinction, ne consiste qu'en ces mots : Quippe quòd, hac in re, publica et QUASI solemnis inesset declaratio eos esse perfectè beatos, et nostris precationibus non indigere; quod ante Ecclesiæ judicium fieri omnino non licet. Le mot QUASI énerveroit déjà beaucoup ce raisonnement, s'il avoit quelque force; mais qui peut croire que, par une messe d'actions de grâces à Dieu qui leur a donné le courage de souffrir le martyre pour sa cause, on feroit une déclaration canonique de leur béatitude ? Nous manifesterions seulement notre foi, dont tous les articles sont indivisibles, et qui veut que nous regardions comme perfectè beatos et nostris precationibus non indigentes, ceux qui sont morts pour Jésus-Christ. Cela sera prouvé jusqu'à la démonstration la plus évidente, par Benoît XIV lui-même, lorsqu'il parlera des enfans morts après avoir reçu le baptême.

La lettre qui a fourni la décrétale d'Innocent III, dont il vient d'être parlé, et qui doit en donner l'explication, étoit adressée à Jean de Bellesmes, prélat savant, précédemment archevêque de Lyon, qui avoit demandé à ce pape, quand, par qui, et pourquoi cette secrète, ou prière super oblata du Sacramentaire du pape Grégoire-leGrand Annue nobis, Domine, ut animæ famuli tui Leonis (saint Léon) hæc prosit oblatio, avoit été changée, dans les modernes sacramentaires, en celle-ci : Annue nobis, Domine, quæsumus, ut, intercessione beati Leonis, hæc nobis prosit oblatio. Ni l'une ni l'autre n'avoient été dans les Sacramentaires du pape Gélase; et, depuis saint Grégoire-le-Grand, on ne voyoit pas que saint Léon eût été canonisé autrement que par la vénération publique. (Voy. ci-devant, note 1, p. 80.) La réponse d'Innocent III à Jean

serviteurs de Dieu décédés naturellement, et à la béatification desquels les miracles et de longues procédures

de Bellesmes, commençant par ces mots Cùm Martha, est trèsremarquable sur ces trois points. Super quo tibi taliter respondemus, lui écrivoit-il, quòd quis illud mutaverit, aut quandò mutatum fuerit, ignoramus. Scimus tamen qua fuerit occasione mutatum, quia cùm Sacræ Scripturæ dicat auctoritas quòd injuriam facit Martyri qui orat pro Martyre, idem est ratione consimili de sanctis aliis sentiendum, quia orationibus nostris non indigent, pro eo quod cùm sint perfectè beati, omnia eis ad vota succedunt; sed nos potiùs orationibus eorum indigemus, quos, cùm miseri simus, undique mala multa perturbant. Undè quod in plerisque orationibus continetur prosit, videlicet vel proficiat huic sancto, vel illi, talis oblatio ad gloriam vel honorem, ità sanè debet intelligi ut ad hoc prosit quod magis ac magis à fidelibus glorificetur in terris, aut etiam honoretur: licèt plerique reputent non indignum sanctorum gloriam usque ad judicium augmentari, et ideò Ecclesiam interim sanè posse augmentum glorificationis eorum optare. Utrùm tamen in hoc articulo locum habeat illa distinctio qua docetur quòd defunctorum alii sunt valdè boni, alii sunt valdè mali, alii mediocriter boni, et alii mediocriter mali; undè suffragia quæ fiunt à fidelibus in Ecclesia pro valdè bonis, actiones sunt gratiarum; pro valdè malis, consolationes vivorum; expiationes verò pro mediocriter bonis, et propitiationes pro mediocriter matis, tua discretio investiget. (Epist. Innocentii III, libri XI editi à Steph. Baluzio, Epistola 121, t. I, p. 671.)

le

Ajoutons à cela que la plus frappante des cérémonies de canonisation qui se font avec tant de solennité dans la basilique de Saint-Pierre du Vatican, depuis la bulle de Benoît XIV, Ad sepulcra Apostolorum, du 9 des calendes de décembre 1741 (car auparavant les canonisations n'avoient pas d'église fixe), donne lieu de conclure qu'en établissant ces cérémonies pour la canonisation de sainte Brigitte par pape Boniface IX, en 1414, on n'entendit pas les donner toutes comme nécessaires à celle des Martyrs. Parmi les offrandes faites à l'offertoire de la messe célébrée par le pape, furent alors deux colombes blanches avec deux tourterelles enfermées dans une cage peinte en vert. Le pape en délivra une, et elle s'envola dans les airs. On voit dans un Ordre des cérémonies de canonisation, imprimé à Rome en 1494, qu'un cardinal offroit alors une cage peinte dans laquelle étoient deux colombes blanches dont « une seulement devoit être délivrée, » et pouvoit s'envoler. Un second offroit une autre cage.

sont indispensables; tandis que les miracles et les longues procédures sont inutiles lorsqu'il s'agit des Martyrs. Eh! pourquoi donc, si pour les nôtres cette autorisation vous sembloit nécessaire, vous êtes-vous abstenus de la demander? Ce ne pourroit être, sans doute, parce qu'il étoit à craindre que la congrégation ne regardât pas comme Martyrs des évêques, des prêtres, des chrétiens de tout sexe et de toute condition qui ont été si manifestement immolés pour leur foi, et qui sont morts par obéissance même aux décisions du Saint-Siége, en la personne mille fois auguste de Pie VI (1). Ce n'est pas

semblable dans laquelle étoient beaucoup de petits oiseaux divers, mais qu'on ne délivroit point. Dans la suite, ce genre d'offrandes se composa de trois cages, dont une étoit dorée, et renfermoit deux tourterelles; la seconde, simplement argentée, contenoit deux colombes blanches; et la troisième, peinte en plusieurs couleurs, étoit pleine d'oiseaux de diverses espèces. Une telle allégorie de ce que le pape étoit censé faire en ne délivrant qu'une colombe, pouvoit convenir à quelque juste délivré du Purgatoire ou des limbes par la puissance spirituelle du Saint-Siége. C'est ainsi que l'entend la multitude de Rome, avide de cette cérémonie. Mais s'il s'agissoit d'un Martyr, elle ne pourroit convenir en ce sens, puisqu'il est de foi qu'un Martyr, par cela seul qu'il mourut pour la cause de JésusChrist, fut, par l'unique effet de cette mort, introduit aussitôt dans le séjour de la gloire céleste. Benoît XIII supprima la cérémonie des cages dans les huit canonisations qu'il fit en 1726 et 1727; et il la permit ensuite une ou deux fois, parce que les canonisés n'étoient pas des Martyrs. Benoît XIV donne à entendre qu'elle n'en resta pas moins quelque temps supprimée; car il dit que cet usage ne fut repris que par son prédécesseur Clément XII. Il a été pratiqué dans la dernière canonisation faite par ·Pie VII, le 24 mai 1807; mais elle concernoit seulement des bienheureux ou bienheureuses, qui n'étoient point Martyrs. Nul bienheureux n'avoit été canonisé depuis quarante ans, où le furent en 1767, par Clément XIII, six justes, dont encore aucun n'étoit Martyr.

(1) Ce seroit bien le cas de dire ce que saint Bernard écrivoit au pape Innocent II, au sujet des masssacres presque simultanés du Victorin, le bienheureux Thomas de Paris, et d'Archambault, sousdoyen d'Orléans: Proh dolor! juxtà prophetam (Oseam. 4, 2) sanguis sanguinem tangit, et simul juncti fortiùs clamant ad vos de Francia. Clamat, inquam, et vociferatur uterque sanguis clamore tàm valido, ut valeat ipsum quoque palatium cœleste

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